“Time for the Planet”: s’investir pour le climat en pariant sur l’entreprise
Investir un euro pour financer les innovations de demain au service de la planète: près de 5.000 citoyens se sont lancés dans l’aventure “Time for the Planet”, espérant encourager la lutte contre le réchauffement depuis l’intérieur du système économique.
Depuis un rapport fracassant des experts climat de l’ONU (Giec) en 2018 alertant sur le peu de temps qu’il reste pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, le monde a vu naitre et grossir la mobilisation des jeunes pour le climat ou des mouvements de désobéissance civile comme Extinction Rebellion.
Time for the Planet se veut “complémentaire”, explique à l’AFP Denis Galha Garcia, un des six co-fondateurs. Mais sur un autre créneau, l’entrepreneuriat. L’objectif de ce “fonds d’investissement à but non lucratif” est de lever à terme 1 milliard d’euros pour créer 100 entreprises développant chacune une innovation qui participerait à la décarbonation de l’économie, des transports propres à une agriculture sans engrais azotés, en passant par la séquestration du carbone.
“On n’a pas le temps de changer le système économique. Alors on le prend tel qu’il est, pas parfait”, plaide Denis Galha Garcia. “On joue avec le système sans le détruire, pour l’orienter vers une fin qui nous semble plus saine”. Ce discours qui ne prône ni la décroissance ni un “retour au Moyen-Age” a séduit en quelques mois près de 5.000 actionnaires pour un total de près d’un million d’euros.
Comme Philippe Depré, ingénieur en agriculture qui a investi 50 euros pour l’instant: “Je suis plus dans la logique du +pour+ que dans la logique du +contre+. Etre contre, je ne suis pas sûr que ça ait jamais fait avancer l’Humanité”. “Là, on se sent acteurs”, poursuit le quadra qui ne se reconnait pas dans les ONG climat.
Comme plusieurs dizaines d’autres associés formés spécialement, il va évaluer les innovations candidates. Non pas leur faisabilité technique (réservée à un comité scientifique qui fera ses recommandations) mais la conformité à certains principes, comme la réplicabilité à l’échelle mondiale ou la capacité à générer des bénéfices sans brevet.
– “Envie de les copier” –
L’un des principes de base de Time est l’open source. “On pourrait se dire que c’est de la folie”, commente Coline Debayle, autre co-fondatrice. “Mais il y a une telle urgence, que c’est le contraire qui serait de la folie: laisser une bonne idée entre les mains d’une seule équipe”.
A ceux qui les traiteraient de doux rêveurs, elle réplique par la nécessité à agir “tout azimut” dans un contexte d’urgence climatique.
“Ils sont ambitieux quand ils parlent d’investissements majeurs, mais bon, si personne ne se bouge, on n’y arrivera pas”, acquiesce le climatologue Jean Jouzel qui les soutient, même si “ça peut échouer”.
Même en cas de succès, les investisseurs ne pourront pas récupérer leur mise de départ avant au moins 10 ans. Une “non lucrativité” et une absence de dividendes que les fondateurs mettent en avant.
“Ça ne nous rapportera rien, si ce n’est d’avoir participé à cette aventure s’il y a de belles choses qui naissent”, estime Maxime Sorbier, qui travaille à la SNCF.
Après le lancement des appels à innovations en décembre, Time for the Planet espère pouvoir créer trois premières entreprises en 2021, qui doivent elles viser la rentabilité.
“On veut que ces entreprises gagnent de l’argent, pour que ça donne envie de les copier” et de répliquer à grande échelle l’innovation qu’elles auront développée, insiste Coline Debayle.
Pour passer à la vitesse supérieure, ils espèrent atteindre 10 millions l’an prochain, en mobilisant de plus gros investisseurs –tout en mettant en place des règles de gouvernance pour les empêcher de prendre le contrôle.
“Ce que Time propose, c’est de faire avancer le schmilblick plutôt que de dénoncer le système pendant des décennies. Et à mon avis il y a plein de gens qui pensent comme ça”, à l’AFP Pascal Hostachy, fondateur du Projet Voltaire de remise à niveau en orthographe, un des plus importants actionnaires à ce stade avec 50.000 euros.
“Des gens qui ont de l’argent — beaucoup plus que moi–, qui sont dans le système économique et qui pensent aussi à leurs enfants”, espère-t-il.
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