Sonja Rottiers (Belgian Finance Center): “Avoir un marché unique des capitaux en Europe devient urgent !”
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Rassemblant des professionnels du secteur financier belge afin de former une vaste communauté informelle de personnes actives dans les métiers de la finance, le Belgian Finance Center organisait, lundi dernier, une conférence sur le thème du marché unique des capitaux. L’occasion pour sa présidente, Sonja Rottiers, de rappeler l’importance que revêt l’achèvement d’un tel marché unifié pour l’avenir de l’industrie financière du Vieux Continent et des entreprises que celle-ci finance.
Comment orienter l’épargne des Européens vers les entreprises afin de résoudre le problème persistant de l’accès au capital auquel sont confrontées les PME en Europe ? Telle était la question au cœur de la conférence organisée, le 3 février dernier, à l’occasion de son quinzième anniversaire, par le Belgian Finance Center (BFC), association présidée par Sonja Rottiers (ex-Axa et Dexia), qui vise aussi à promouvoir les métiers de la finance en Belgique, notamment auprès des jeunes.
Ils étaient ainsi plus de 150 (banquiers, assureurs, gestionnaires d’actifs, consultants…) à s’être donné rendez-vous dans le prestigieux cadre du Palais des Académies, à Bruxelles, pour assister à cette soirée consacrée à la création d’un véritable marché des capitaux européen, “un enjeu capital pour l’avenir de l’Europe et pour lequel “il est temps d’inverser la tendance”, a indiqué Sonja Rottiers en guise d’introduction.
Un marché des capitaux efficace et résilient
Invitée à prendre la parole en tant que keynote speaker, Lieve Mostrey, ex-CEO d’Euroclear et lauréate néerlandophone du Manager de l’Année 2023, n’a pas manqué d’enfoncer le clou. Dans un monde en plein bouleversement (élection de Trump, guerre en Ukraine, boom de l’IA…), il est crucial d’avoir un marché des capitaux efficace et résilient. “La création d’un marché européen des capitaux est indispensable face aux menaces géopolitiques actuelles, a souligné l’ancienne CEO d’Euroclear. Les initiatives prises jusqu’à présent n’ont pas conduit à une amélioration significative de la liquidité. Continuer à vouloir agir sur la fragmentation de l’infrastructure boursière et financière – les intermédiaires – n’est pas de nature à être un game changer. Lorsque l’offre et la demande se rencontrent, les intermédiaires s’adaptent en conséquence”, a insisté Lieve Mostrey soulignant le fait que les activités de marché ne pouvaient pas être réglementées, mais encouragées.
Comment ? Notamment via des incitants pour les investisseurs et les émetteurs, afin d’accroître leur participation au marché des capitaux, selon elle. Mais aussi en supprimant les obstacles et en encourageant les épargnants bien informés à investir. Et ce, tout en alignant les marchés de capitaux sur les pratiques économiques durables afin de promouvoir la transition environnementale et le bien-être économique à long terme.
Mobiliser l’épargne européenne
“Il faut absolument mobiliser l’épargne européenne plutôt que de la voir partir aux États-Unis, a souligné à ce propos Lieve Mostrey. Sans cela, l’Europe risque de se rendre de plus en plus vulnérable. Il est important pour l’Europe, ses acteurs financiers, mais aussi les entreprises, de pouvoir dégager des capacités de financement supplémentaires si elle veut assurer son avenir et éviter la stagnation”, a encore insisté en ce sens l’ancienne CEO d’Euroclear dans le cadre d’un panel de discussion mettant également en présence d’Arnaud Stievenart, cofondateur d’I-Care, ainsi que Marianne Collin, chief risk officer de Belfius qui a embrayé sur les propos de Lieve Mostrey, insistant également sur “l’urgence d’orienter les fonds et l’épargne des Européens vers les entreprises du Vieux Continent afin de résoudre le problème persistant de l’accès au capital auquel sont confrontées les PME et, plus généralement, les entreprises européennes”.
Il est un fait que les PME dépendent fortement des prêts bancaires en raison de leur accès limité aux marchés de la dette et des actions, a témoigné Arnaud Stievenart mettant pour sa part l’accent sur le besoin des entreprises technologiques d’être financées par fonds propres. Selon lui, la création d’un indice boursier technologique permettrait de mieux communiquer et d’établir des références sur les performances de ces entreprises VIP vis-à-vis des investisseurs. Il est donc essentiel, et tout à fait dans son rôle, que l’Europe prenne l’initiative pour faire avancer l’Union des marchés de capitaux (CMU, pour Capital Markets Union), a renchéri Lieve Mostrey : “La mise en place d’un tel marché unique des capitaux nécessite un effort considérable de la part des États membres pour aligner leurs politiques et réglementations afin d’éliminer les barrières structurelles et culturelles : c’est l’un des plus grands défis de la création du CMU”, a prolongé l’ancienne CEO d’Euroclear.
Réduire la complexité
Certes, les messages portés par les intervenants lors de cette soirée organisée par le BFC sur le thème du marché unique des capitaux en Europe n’étaient pas totalement neufs. Depuis plusieurs années, les acteurs du monde économique et le secteur financier en particulier défendent la nécessité d’aboutir à la création d’un marché des capitaux aussi large et profond qu’aux États-Unis. Mais l’urgence est là. Il nous faut absolument un marché où les investisseurs institutionnels, tels que les fonds de pension, jouent un rôle plus important. Et ce, vis-à-vis notamment des entreprises en forte croissance comme I-Care, parce qu’”il n’y a pas assez de VCs”, a témoigné Arnaud Stievenart.
En fait d’urgence, Marianne Collin (Belfius) a souligné la lourdeur administrative et réglementaire qui pèse aujourd’hui sur les entreprises belges et européennes. “Une lourdeur qui mobilise de nombreuses ressources et capacités qu’elle préférerait voir davantage utilisées pour accompagner les entreprises dans leur développement, histoire de les rendre visibles et de faciliter leur accès aux marchés des capitaux”, a précisé la dirigeante du bancassureur belge.
Cela étant, “le défi dépasse largement la dimension financière ou régulatoire, a ajouté Arnaud Stievenart. De tout temps, la maîtrise des technologies a toujours rimé avec souveraineté. A l’heure où nos concurrents roulent déjà à pleine vitesse, l’Europe doit aller plus loin qu’une simplification réglementaire et soutenir massivement l’éclosion et le développement d’un écosystème tech innovant et ambitieux à l’échelle européenne.”
Bref, le message adressé aux décideurs politiques belges et européens lors de cette soirée du BFC fut clair : “Il devient urgent de permettre aux capitaux de circuler là où ils sont nécessaires”, a conclu Sonja Rottiers.
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