Carte blanche
Quelques réflexions sur l’impôt sur la fortune voulu par la gauche wallonne
Le PS, talonné par le PTB, suivi par les Ecolos et même par les “engagés” (qui voudraient remplacer le MR au gouvernement wallon) voudraient taxer les fortunes au-delà de 1,25 millions d’euros.
Un ISF s’ajouterait à un accroissement de la taxation sur les comptes titres et à une taxation des plus-values, le tout à des taux progressifs. Ainsi un patrimoine mobilier investi 50/50 en actions et obligations ne rapporterait plus nominalement que 1% avant droits de garde et commissions de gestion, soit -1% ou -4% selon que l’inflation des prix atteigne 2% ou 5% l’an. A une telle euthanasie des épargnants rentiers correspondrait une collectivisation accrue, comme si l’appauvrissement des riches allait enrichir les pauvres.
Parmi les pays de l’OCDE, concernant les impôts prélevés sur le capital et ses revenus, la Belgique, classée déjà à la cinquième place, passerait à la première. Or les pays qui eurent un ISF, l’ont supprimé comme la France (qui l’a limitée à l’immobilier ne pouvant se délocaliser). Il coûte, en effet plus cher qu’il ne rapporte, ne fût-ce que par l’exil des grosses fortunes dont les revenus devenaient taxés á l’étranger plutôt qu’en France. Les Pays-Bas taxent â 30% non pas les revenus du capital, mais un rendement forfaitaire de 4%, ce qui revient à 1,2% du capital.
Des ISF existent déjà
Des impôts sur la fortune préexistent déjà dans notre pays : la taxe sur les comptes titres, les droits de succession et de mutation sur l’immobilier. Et la portion des intérêts des titres à revenu fixe qui correspond à une sorte de remboursement compensant l’érosion monétaire, est taxée comme s’il s’agissait d’un revenu. Or un revenu se définit comme ce que l’on peut dépenser durant une période en étant aussi riche à sa fin qu’à son début. Par exemple un taux d’intérêt nominal brut de 2% devient 1,4% après précompte et -3,6% après inflation de 5%.
C’est l’euthanasie du rentier.
Un ISF sur la fortune mobilière s’accompagne d’effets négatifs. Les épargnants épargneront moins, autrement et ailleurs. Une moindre épargne implique moins d’investissements, un moindre progrès de productivité, une moindre croissance du Produit intérieur brut. Ils épargneront en oeuvres d’art, bijoux et métaux précieux importés. Ils épargneront ailleurs en délocalisant leur patrimoine mobilier là où des taux de prélèvement moindres sauvegarderont leur return.
L’Etat perdra des recettes futures. Des exilés fiscaux français reviendraient chez eux où l’ISF a été supprimé. Trop d’impôt tue l’impôt. Les actionnaires supportent l’impôt des sociétés sur les bénéfices, le précompte sur les dividendes, la taxe sur les comptes titres. Si l’on
y ajoute 1% sur le capital, cela relève leur taux d’imposition au-delà de 50%. Le coût du capital à risque s’en trouverait alourdi de quelque 20%.
La question de la faisabilité politique
La gauche partisane d’un ISF n’a la majorité qu’en Wallonie et à Bruxelles. Les engagés en annonçant leur ralliement perdraient d’ailleurs des sièges. Mais il n’y aurait pas de majorité au niveau fédéral, encore moins en Flandre où se trouvent trois fois plus de fortunes visées et qui serait frappée de manière disproportionnée. Lors de la prochaine négociation, la grande majorité flamande se ferait un plaisir d’accentuer les transferts de compétence et les Wallons, voire les Bruxellois seraient invités à mettre en oeuvre leur ISF chez eux. Le cas échéant capital et personnes fuiraient les régions frappées qui s’auto flagelleraient. L’écart entre taux de croissance du Nord et du Sud exploserait. Ce serait un hara-kiri. Deux régimes fiscaux trop dissemblables paraissent impensables.
Réduire les inégalités aggravées par l’inflation, assumer des dépenses liées aux transitions climatiques et énergétiques, au vieillissement etc. requièrent des mesures et stratégies plus intelligentes, celles qui rehaussent la croissance réelle, seule génératrice de recettes publiques accrues. Mais cela demande une autre discussion qui dépasse le cadre de la présente opinion.
Par Alain Siaens
Docteur en sciences économiques, Alain Siaens a été professeur extraordinaire à l’Université catholique de Louvain. Il a présidé le conseil d’administration d’une importante banque privée dont il a été associé-gérant et président du comité de direction. Il préside la Fondation médicale Reine Elisabeth. Il a également été président du Cercle royal gaulois artistique et littéraire.
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