Marc Danneels

Pourquoi une récession ne doit pas être assimilée à un crash boursier

Marc Danneels Chief Investment Officer de Beobank.

La perspective d’une récession préoccupe de plus en plus d’investisseurs. C’est cette inquiétude qui a provoqué une grande volatilité sur les marchés boursiers européens ces dernières semaines. La perspective d’une récession est-elle le précurseur d’une catastrophe ?

Cycle économique normal

On parle de récession lorsque deux trimestres consécutifs affichent une croissance négative. Elle s’inscrit dans un cycle économique traditionnel qui se compose de 4 phases : expansion, ralentissement de la croissance, récession (ou dépression) et reprise. Si un ralentissement de la croissance est un signe de fin de cycle, la prochaine étape devrait donc être celle d’une récession.

La plupart des économies mondiales, y compris l’européenne, sont entrées dans la dernière phase de leur cycle. Cela se traduit par un rythme de croissance en repli, dernière étape avant la récession. La véritable question n’est pas vraiment de savoir si une récession est probable mais plutôt de déterminer quand et où elle interviendra, quelle sera son ampleur et combien de temps elle durera, et enfin quel en sera l’impact pour l’investisseur.

Dans le contexte actuel, l’imminence d’une récession n’est pas la seule source d’inquiétude. Tant le conflit commercial qui oppose les États-Unis et la Chine, que les spéculations sur les risques d’un Brexit opéré dans le chaos et les signes de ralentissement de la croissance européenne – affichés notamment par le leader allemand de production industrielle – constituent d’autres facteurs d’inquiétude supplémentaire.

Vers une récession américaine ?

Les analystes et investisseurs s’attendent à ce que la récession frappe d’abord les États-Unis et qu’elle pourrait ainsi avoir un impact sur les économies européennes. Que pouvons-nous tirer aujourd’hui de cette information au sujet d’une potentielle récession aux États-Unis ? Jusqu’à présent, ce que l’on appelle “la courbe inversée des taux” était le meilleur indicateur. C’est ce qui a pu se vérifier lors de chacune des sept dernières récessions enregistrées.

Que comprend cette courbe inversée des taux ? En fin de cycle, pour contrer un risque de surchauffe des marchés, les banques centrales augmentent les taux à court terme et stimulent ainsi un repli des rendements obligataires. Ainsi, à la fin du premier trimestre 2019 pour la première fois depuis 2007, le taux des bons du Trésor U.S. à 10 ans est passé en-dessous du taux à court terme à trois mois !

La courbe inversée des taux est malgré tout un indicateur de récession moins significatif aujourd’hui qu’il a pu l’être dans le passé. Comme la plupart des banques centrales, la Réserve fédérale a pratiqué, au lendemain de la crise financière de 2008, une politique monétaire très expansive menant à des taux longs de plus en plus bas. Ceci a eu pour conséquence un différentiel entre les taux longs et les taux courts de plus en plus faible, alors que celui-ci était déjà historiquement bas.

Entre-temps, les banques centrales, avec la Réserve fédérale en tête, ont clairement décidé de renoncer à leur politique de ‘normalisation’ et de prendre de nouvelles mesures de soutien. Fin juillet, la Fed a réduit son taux directeur d’un quart de point pour la première fois depuis 10 ans. Dans l’intervalle, la Banque centrale européenne passe également à la vitesse supérieure concernant sa politique monétaire favorable, avec l’approbation du Fonds monétaire international. Ce changement de cap rend donc moins probable le fait que l’économie américaine soit à l’aube d’une récession. Ce qui arrange très bien le gouvernement américain alors que se profilent les élections présidentielles de novembre 2020.

Des opportunités pour les investisseurs

Il est important de se rappeler qu’une récession n’est pas un phénomène accidentel, mais fait partie d’un cycle économique normal. Elle peut avoir des conséquences dramatiques mais n’est pas nécessairement synonyme d’un crash financier, par exemple.

Soutenus par les banques centrales, nous nous retrouvons aujourd’hui dans un ralentissement de croissance étendu, et tous les indicateurs macro-économiques n’indiquent pas, de manière univoque, une récession imminente. Lorsque dans le futur nous nous retrouverons inévitablement dans cette phase, cela ne sera pas nécessairement dramatique pour l’investisseur à long terme. Une récession, pour autant qu’elle reste faible et limitée en durée, peut en effet entraîner un retour des paramètres économiques surchauffés à des marges plus réalistes, et ainsi gommer les surévaluations dans les marchés financiers. Ce qui peut à nouveau offrir des opportunités aux investisseurs à plus long terme.

Marc Danneels, Chief Investment Officer de Beobank

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