Peter Adams (ING Belgique) : “Un nouveau bon d’Etat serait une très mauvaise idée”

Peter Adams
© Franky Verdickt
Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Même si le bon d’Etat émis en septembre n’a pas empêché la banque ING de dégager un bénéfice record de près de 900 millions en 2023, son patron estime que réitérer l’opération serait une très mauvaise idée.

Peter Adams ne s’en cache pas. L’an dernier, ING Belgique a connu une très, très bonne année. La banque a enregistré son plus gros résultat jamais obtenu, engrangeant un bénéfice net de 888 millions d’euros, soit trois fois le résultat dégagé en 2022 (301 millions). Ce bénéfice record a été « soutenu par un environnement de taux favorable avec des coûts opérationnels parfaitement maîtrisés par rapport à l’inflation et un coût du risque qui resté limité”, a commenté ce jeudi Peter Adams lors de la présentation des comptes annuels de la banque pour 2023, en marge de laquelle il a répondu à nos questions, soulignant que l’émission d’un nouveau bon d’Etat dans les mêmes conditions que celui lancé en septembre ne serait certainement pas une bonne idée.

Le bénéfice a explosé en 2023. Au-delà de la hausse des taux, la banque a donc bien tourné sur le plan commercial ? 

Nous avons connu une bonne dynamique, en effet. Un volume de 15 milliards d’euros de nouveaux prêts a été accordé aux particuliers et aux entreprises. Au total, notre portefeuille de crédits a augmenté de 2 % pour atteindre un total de 110,5 milliards d’euros d’encours de prêts aux clients, pour un volume total de dépôts de 102 milliards.

N’est-ce pas la preuve qu’il y a de la marge pour augmenter la rémunération de l’épargne, comme le suggère le gouverneur de la Banque nationale ?

Il n’a pas dit qu’il y avait de la marge chez tout le monde mais chez certains acteurs. En ce qui nous concerne, nos taux sur l’épargne ont augmenté au même rythme que les taux sur les crédits. Je constate par ailleurs que nous sommes très bien positionnés dans le ranking du comparateur Guide-Epargne. Qu’il s’agisse de notre compte d’épargne classique ou du compte Tempo qui propose 3 % (taux de base de 1,2 % + prime de fidélité de 1,8 %), nous avons une offre qui figure parmi les meilleures du marché.

Que pensez-vous de l’idée de supprimer la prime de fidélité pour améliorer le fonctionnement du compte d’épargne ?

Je ne suis pas forcément contre. Je soutiens l’objectif de rendre les produits d’épargne plus transparents et plus comparables. En revanche, changer les règles du jeu et du jour au lendemain me semble assez dangereux. Il faut regarder les choses dans leur ensemble.  Les marges sur les crédits hypothécaires sont en Belgique parmi les plus faibles en Europe. La grande majorité de ces prêts sont des crédits à taux fixe sur 20 ans, ce qui veut dire que ce sont les banques qui ont absorbé la hausse des taux. Ce n’est pas le cas en France par exemple, où les taux sont variables. Je pense que la stabilité est socialement bien plus importante qu’un peu plus d’intérêts sur le compte d’épargne.

Le bon d’Etat émis en septembre s’est traduit chez vous par une sortie de dépôts de 2,7 milliards d’euros. Dans quelle mesure craignez-vous un nouveau bon d’Etat à un an assorti d’un précompte avantageux ?

Soyons clairs : nous continuons à penser que le bon d’Etat émis en septembre avec un précompte mobilier réduit n’était pas une bonne idée et que ce serait également une très mauvaise idée de répéter l’opération. L’Etat est à la fois un nouveau joueur qui participe dans le marché et un arbitre qui applique d’autres règles, notamment fiscales, pour lui-même. Cela n’a pas de sens. Les 22 milliards récoltés par l’Etat sont des moyens qui ne sont plus disponibles pour financer l’économie réelle. Ce n’est pas la bonne manière d’utiliser le secteur bancaire. Les banques sont bien mieux placées que le gouvernement pour financer l’économie réelle.

Malgré l’inflation, les coûts opérationnels restent sous contrôle. Grâce au digital ? 

Nos efforts de ces trois dernières années pour gérer la banque de manière plus efficace portent leurs fruits. Parmi toutes les questions introduites par chat, la moitié a été prise en charge par Ida (pour ING Digital Assistant). Par rapport à la même période l’année dernière, Ida a traité cinq fois plus de questions. Nous devons continuer à innover, à automatiser et à digitaliser la banque. C’est la seule manière de rester performant. 

Précisément, quel bilan tirez-vous de votre stratégie “Banking made simple” qui vise à faciliter l’accès et simplifier les opérations bancaires ?

Le bilan est largement positif. Nous avons franchi des étapes importantes. On le voit au niveau des résultats commerciaux et financiers. En trois ans, la production de notre portefeuille de crédit pour le secteur institutionnel (organisations publiques, hôpitaux, universités, etc.) a doublé. Nous avons réussi a attiré 113.000 nouveaux clients mobiles pour qui ING Belgique est la première banque. Notre app figure aujourd’hui parmi les meilleures du marché. Les commissions ont augmenté de 12 % tandis que les actifs sous gestion ont pour leur part connu une progression de 13 %.

C’est la preuve que la digitalisation ne va pas trop loin ? 

Absolument pas : 95 % de tous nos clients se rendent moins de trois fois par an en agence. Cela veut dire que le digital répond aux attentes du client en matière de service.  Nous utilisons la technologie pour enrichir la relation avec le client. Elle est un complément à l’intervention humaine et pas un moyen pour remplacer les employés.

La banque est désormais stabilisée : quelle est la prochaine étape ?

Nous travaillons sur un nouveau plan pour les prochaines années. Notre stratégie reste la même. Nous continuons à vouloir nous différencier en étant la banque belge la plus simple et la plus digitale dans tous ses segments d’activité. Mais nous allons encore plus mettre l’accent sur la croissance dans différents domaines comme par exemple la transition climatique où la problématique des pensions. Ce sont des leviers importants pour ce nouveau plan de croissance. 

C’est-à-dire ?

Dans le cadre de la problématique des pensions, nous conseillons par exemple aux particuliers, y compris aux moins fortunés, de se constituer un patrimoine pour être financièrement indépendants à l’âge de la retraite. Pour ce qui est de la transition climatique, nous avons lancé le “Sustainable Buildings Guide”, un outil interactif qui indique aussi bien aux entreprises qu’aux ménages comment améliorer les performances énergétiques de leurs biens immobiliers. Aujourd’hui, ING Belgique accompagne environ 2.000 clients professionnels pour rendre leur portefeuille immobilier plus durable.

A l’heure où les banques font l’objet de vives critiques de la part du citoyen et du monde politique, vous assumez pleinement vos importants bénéfices ?

Ce sont ces résultats solides enregistrés et un rendement sur fonds propres correct de 15 % qui nous permettent de pleinement aider et soutenir les particuliers et les entrepreneurs dans leurs propres projets. Pour chaque euro de capital, nous octroyons 20 euros de prêts aux clients. C’est ce que nous visons : avoir un impact maximal sur l’économie et la société belge dans son ensemble afin de pouvoir affronter les défis du futur.

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