Philippe Ledent
Penser que les dégâts économiques de la crise du covid sont relativement limités est une erreur
Dans la situation actuelle des finances publiques, toute dépense supplémentaire d’aujourd’hui n’est rien d’autre qu’un impôt de demain.
On serait tenté de penser que jusqu’à présent, les dégâts économiques de la crise du covid sont relativement limités. C’est une erreur: les déséquilibres engendrés par l’énorme perte d’activité de 2020 se marquent juste différemment, principalement au travers de deux variables: l’inflation et le déficit public. Etonnamment, tout le monde parle de l’inflation mais personne ne parle du déficit. C’est aussi une erreur… Après deux années d’importants déficits publics, la Commission européenne prévoit qu’il atteindrait 5,1% en Belgique cette année. La Banque nationale est un peu plus optimiste, prévoyant un déficit de 4,2% du produit intérieur brut. A eux seuls, ces chiffres laissent présager un inévitable assainissement budgétaire.
Par ailleurs, ces chiffres sous-estiment probablement certaines nouvelles dépenses. Au-delà du refinancement de différents services publics et de l’augmentation prévue des dépenses d’investissement, la plupart des organisations, lobbies, corporations ou ligues réclament en effet plus de moyens, d’aides et de subsides pour leurs affiliés. Cela va de la facture d’énergie aux malheureux autotests à 3,5 euros!
L’idée n’est pas ici de discuter le bien-fondé de ces dépenses supplémentaires. Certaines ont du sens et la régularisation des factures d’énergie est effectivement une bombe à retardement. Par contre, lorsque l’on formule une demande en la matière, gardons bien à l’esprit que l’Etat ne dispose pas des moyens pour l’honorer. On entend souvent dire que ce n’est pas vrai: par exemple, avec la hausse des prix du gaz, les recettes de l’Etat augmentent, ce qui justifie qu’on puisse les redistribuer. C’est oublier un peu vite que dans le même temps, les dépenses de l’Etat augmentent encore plus: multiples indexations des salaires des 870.000 travailleurs du secteur public mais aussi des pensions et des allocations sociales, hausses d’autres dépenses courantes en raison de l’impact de la hausse des prix, etc. Donc NON, l’Etat n’a pas l’argent nécessaire pour les interventions proposées et est même plutôt perdant en cas de choc sur le prix de l’énergie. Bref, toute nouvelle dépense creuse un peu plus un déficit public déjà important, qui nécessitera un assainissement qui le sera tout autant.
Soyons pragmatiques. Quelle que soit la recommandation sur la façon de mener cet assainissement, probablement à partir de 2023, il sera politiquement impossible de le mener par une réduction des dépenses publiques. Seule donc restera l’option d’une augmentation globale de la fiscalité.
Les citoyens, secteurs ou corporations qui demandent aujourd’hui plus de moyens se disent peut-être qu’ils ne font pas partie des citoyens (contribuables cette fois), secteurs ou corporations qui seront touchés par l’augmentation future de la fiscalité. Vu sous cet angle, on pourrait voir l’augmentation actuelle du déficit public comme le prélude d’un renforcement de la redistribution en Belgique. Dans le cas de la frange la plus précarisée de la population, cela ne se discute pas. C’est effectivement vrai et même souhaitable. Mais pour la plupart des citoyens, cela risque de n’être qu’une illusion.
Avant de poursuivre la surenchèrede demandes en tous genres, rappelons-nous donc que dans la situation actuelle des finances publiques, toute dépense supplémentaire d’aujourd’hui n’est rien d’autre qu’un impôt de demain…
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