Nagelmackers, la plus vieille banque de Belgique devient française

Nagelmackers, la plus vieille banque de Belgique devient française © Kristof Vadino
Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Spécialisée dans les services aux clients fortunés, Nagelmackers, la plus ancienne banque du pays, change de propriétaire pour désormais appartenir au géant bancaire français BPCE. Explications.

Une page se tourne pour Nagelmackers. Active sur le segment de la gestion patrimoniale, la plus vieille banque du pays a changé de propriétaire, fin juillet, pour passer sous pavillon français. Fondée en 1747, l’enseigne appartient désormais au géant bancaire BPCE, le numéro 2 de la banque en France. Si aucun chiffre n’a été communiqué quant au montant de la transaction, l’acquisition de 100 % du capital de la banque privée belge a bien été annoncée, en pleine torpeur estivale, par la banque française… qui signe un joli coup. Au grand dam de Belfius qui espérait lui aussi reprendre Nagelmackers.

L’opération n’est pourtant pas une surprise. On savait que l’actionnaire chinois de Nagelmackers (Dajia) cherchait depuis un certain temps à vendre sa banque belge. “Dès les premiers entretiens avec les équipes de la Caisse d’épargne Hauts de France, j’ai perçu l’existence de valeurs communes et ressenti un alignement de vues sur le positionnement stratégique de Nagelmackers et ses perspectives de développement au service de ses clients”, explique David Yuan, CEO de Nagelmackers.


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“Les Français restent très friands d’entreprises belges, notamment dans le secteur financier où ils sont fortement présents.” – Etienne de Callataÿ (Orcadia)

Se voulant rassurant, le groupe français promet quant à lui de “préserver le savoir-faire, la culture d’entreprise et la marque qui font le succès et la notoriété de Nagelmackers tout en lui donnant les moyens humains, techniques et financiers d’accélérer son développement”, indique dans un communiqué, Laurent Roubin, président du directoire de la Caisse d’Epargne Hauts de France, membre du groupe BPCE qui chapeaute les réseaux Banque Populaire et Caisse d’Epargne, soit 100.000 collaborateurs et 35 millions de clients pour un chiffre d’affaires de 22 milliards d’euros.

Appétit tricolore

Placé par les dirigeants de BPCE sous le signe de la croissance externe, le rachat cadre avec les nouvelles ambitions à long terme du géant français. Son plan “Vision 2030” vise à développer les activités du groupe en Europe et à diversifier ses revenus. C’est donc une grande famille que rejoint Nagelmackers, elle qui s’appuie sur un petit réseau d’une cinquantaine d’agences et un staff de seulement 400 collaborateurs. Le tout pour un total de 110.000 clients et des actifs sous gestion évalués à 5 milliards d’euros.

La maison, il est vrai, a connu des années difficiles depuis son absorption en 2005 par le bancassureur néerlandais Delta Lloyd et sa revente dix ans plus tard au groupe chinois Anbang (repris par Dajia après sa déconfiture). Malgré un recentrage sur ses activités de private banking et de wealth management, sa taille reste modeste sur le marché belge de la banque privée. Néanmoins, elle constitue une porte d’entrée intéressante pour un acteur étranger tel que BPCE qui est surtout actif à l’international en tant que gestionnaire de patrimoine et banquier d’affaires, notamment via sa filiale Natixis. Natixis qui a d’ailleurs pris en juin une participation stratégique dans la société bruxelloise Tandem Capital Advisors, spécialisée dans le conseil en fusion et acquisition.

La Belgique reste en effet l’un des terrains de jeu favoris pour les banques venues de l’Hexagone qui cherchent à s’entendre au-delà de la frontière. Interrogé par Trends-Tendances sur les causes du rachat de Nagelmackers, l’ancien banquier et cofondateur d’Orcadia, Etienne de Callataÿ nous rappelait que “les Français restent très friands d’entreprises belges, notamment dans le secteur financier où ils sont fortement présents depuis de nombreuses années”.

On se souvient en effet de la Royale Belge rachetée par l’assureur Axa, de l’ex-Fortis tombée dans l’escarcelle de BNP Paribas, et de l’assureur Ageas dont BNP Paribas est aussi devenu un actionnaire important. Une liste de rachats par la France à laquelle on peut aussi ajouter d’autres noms tels que Citibank Belgium (aujourd’hui Beobank), Keytrade (Crédit Mutuel Arkea) et Degroof Petercam (Crédit Agricole/Indosuez Wealth Management). C’est dire si l’acquisition de Nagelmackers par BPCE illustre cette emprise croissante de la finance française sur notre secteur financier. Aujourd’hui, la Belgique compte ses groupes bancaires nationaux sur les doigts d’une main : avec Belfius, KBC et Delen.

Effet de taille

Outre la proximité géographique et culturelle, la présence de Français fortunés en Belgique est certainement un élément supplémentaire à prendre en considération pour comprendre pourquoi notre secteur financier est toujours plus français. Nombreux sont les ressortissants de l’Hexagone qui se sont installés chez pour des raisons fiscales.

LE SIÈGE de Nagelmackers à Bruxelles. © Kristof Vadino

Mais cet intérêt des Français pour nos banques s’inscrit dans un mouvement plus large. La concurrence s’est intensifiée sur le marché belge de la banque privée. Un marché qui suscite la convoitise, notamment de la part des grandes banques de la place. Les Belfius et compagnie ont mis le paquet ces dernières années pour croître sur un métier bancaire moins gourmand en fonds propres. D’un autre côté, les coûts réglementaires ne cessent de croître et les investissements IT sont de plus en plus lourds. Il faut un volume d’actifs gérés plus important pour amortir les frais de fonctionnement. Tout cela pèse sur les résultats et pousse les plus petits acteurs à s’adosser à de plus gros joueurs.

Un grand nombre d’acteurs ont d’ailleurs disparu en raison de ces obstacles qui relèvent la taille critique à atteindre. La filiale belge de private banking de la banque française Société Générale, par exemple, a été absorbée par ABN Amro. Depuis quelques années déjà, Puilaetco est intégrée au sein du groupe qatari Quintet. Mercier Vanderlinden a rejoint Van Lanschot Kempen. Degroof Petercam est passé dans le giron du Crédit Agricole français via sa filiale Indosuez. Quant au groupe Delen, il s’est récemment emparé de la petite maison de gestion anversoise Dierickx Leys.

Pourtant, la rentabilité du secteur est telle que même les petites banques en Belgique sont parfaitement capables de survivre et de prospérer, ajoutait voici quelques jours Etienne de Callataÿ lors de notre entretien avec lui : “Les petites banques ont un avantage dans le monde d’aujourd’hui qui est celui de la proximité et de la qualité du service. Car c’est dans les grandes institutions que le service se déshumanise”, expliquait-il.

Selon lui, la principale motivation qui explique un rachat comme celui de Nagelmackers est celle de la rentabilité, avec une transaction qui répond à “une logique non pas économique mais capitaliste”, cherchant à dégager des économies d’échelle pour augmenter les profits. Une perspective financière qui semble avoir convaincu le nouveau propriétaire français de la vénérable enseigne belge.

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