Ludivine Pilate, CEO de Puilaetco: “En cinq ans, nous sommes devenus une autre banque”

Ludivine Pilate
"Le marché belge du private banking est l’un des plus compétitifs"
Patrick Claerhout Patrick Claerhout is redacteur bij Trends.

Ces dernières années, les fusions et les acquisitions ont été très nombreuses dans le secteur agité belge du private banking. Puilaetco n’a pas été concerné par ces mouvements. “Nous avons procédé à une transformation interne majeure qui a absorbé toute notre attention, explique Ludivine Pilate, CEO de Puilaetco. Dans les années à venir, nous voulons accélérer la croissance, tant sur le plan interne qu’externe.”

Puilaetco reste un acteur renommé sur le marché belge de la banque de patrimoine et de la gestion d’actifs, fort de ses 150 ans d’existence. La banque peut s’appuyer sur une franchise historique de familles belges fortunées, principalement en Belgique francophone, mais aussi d’un bureau performant dans la région de Waregem et Courtrai. Pourtant, les actifs sous gestion ont stagné autour de 10 milliards d’euros ces dernières années. En effet, le secteur a connu de nombreuses opérations de rachat (Degroof Petercam, Nagelmackers, Mercier Vanderlinden et Dierickx Leys) desquelles Puilaetco est resté éloigné.

“Ce n’est pas que nous n’avons pas examiné les dossiers, explique Ludivine Pilate, CEO de Puilaetco. Mais nous nous sommes surtout concentrés sur notre transformation interne au cours des dernières années. Par conséquent, nous ne nous sommes pas lancés dans des projets d’acquisitions potentielles. On ne peut pas tout faire en même temps.”

Puilaetco fait partie du groupe luxembourgeois Quintet, l’ancien KBL European Private Bankers. Outre Puilaetco en Belgique, ce groupe comprend des banques de gestion de patrimoine aux Pays-Bas (Insinger Gilissen), en Allemagne (Merck Finck), au Danemark et au Luxembourg (Quintet), ainsi qu’au Royaume-Uni (Brown Shipley). Pendant tout un temps, elle a navigué entre l’autonomie des entités locales et la direction centrale au Luxembourg. Jusqu’à 2019 où le cordon a été coupé et une approche de groupe définie.

C’est la même année que Ludivine Pilate a été nommée CEO de Puilaetco. Cette dernière a acquis beaucoup d’expérience dans le change management au cours de sa carrière, d’abord comme consultante, puis chez UBS Belgique. “J’étais responsable de toutes les activités non commerciales chez UBS Belgique : le back-office, la numérisation, la gestion des processus… En 2015, la banque a été rachetée par Puilaetco et j’ai ensuite grandi et évolué au sein de cette dernière.

TRENDS-TENDANCES. Quelle est la relation actuelle entre Puilaetco et Quintet ?

LUDIVINE PILATE. Nous fonctionnons beaucoup plus qu’avant à partir d’une structure de groupe. Cela présente des avantages, tels qu’un bilan solide et la mise en commun d’une expertise qui était répartie dans plusieurs pays. Certains services ont été regroupés au Luxembourg, comme la politique d’investissement. Mais tout ce qui est directement lié au client est resté local.

À quel point cette transformation a été radicale ?

Cela n’a pas été facile, surtout pour le personnel, et cela a pris plusieurs années. Nous avons procédé à un important transfert de compétences au sein de nos équipes. En conséquence, certaines personnes nous ont quittés, mais c’était une évolution naturelle. Aujourd’hui encore, nous recherchons des spécialistes du marketing numérique ou des wealth planners plutôt que des spécialistes de l’investissement ou des gestionnaires de fonds.

Cette activité est désormais centralisée au niveau du groupe, avec toutefois une participation active des agences. En cinq ans, Puilaetco est devenue une banque très différente. Nous commençons depuis peu à récolter les fruits de cette transformation.

BIO
• 45 ans, originaire du Hainaut
Études d’ingénieure commerciale à la Solvay Business School
A commencé sa carrière en 2003 chez EY comme auditrice spécialisée dans le secteur bancaire
Trois ans plus tard, elle devient project manager chez Accenture et ensuite Projective
En 2013, elle devient responsable du back-office pour le Moyen-Orient chez UBS Belgique
En 2015, après le rachat d’UBS Belgique, elle débarque chez Puilaetco comme COO et CFO
• Depuis 2019, elle est country-CEO chez Puilaetco

Dans quel sens ?

L’offre commerciale s’est considérablement élargie. Par exemple, en travaillant en groupe, Quintet a réussi à nouer un partenariat avec BlackRock. Cela nous donne accès à des experts en research que nous n’aurions pas utilisé avec notre statut de banque indépendante. BlackRock développe des fonds d’investissement spécialisés exclusivement et sur mesure pour Quintet. Elle nous aide également à prendre des décisions et à distribuer des produits d’investissement. Cela confère à Puilaetco un avantage concurrentiel auprès des clients disposant d’actifs plus importants. De plus, en tant qu’entité locale, nous pouvons nous concentrer davantage sur les conseils patrimoniaux et l’environnement fiscal et juridique complexe qui en découle.

En fait, notre offre de produits est maintenant presque complète : nous possédons tous les types de produits d’investissement dans le portefeuille, des produits de crédit et d’assurance, du private equity, de l’immobilier, etc. L’année prochaine, nous lancerons également un module pour les family offices. Nous ne proposons pas de solution unique, mais une offre incroyablement large qui nous permet de nous distinguer de nos concurrents.

Nous ne refusons aucun client. Mais nous pensons que nous pouvons grandir en exploitant le segment des clients au-dessus du million d’euros.

Ludivine Pilate

CEO

Quelle clientèle Puilaetco vise-t-elle avec cette offre commerciale étendue ?

Principalement le haut du marché, c’est-à-dire les clients dont le patrimoine disponible est supérieur à 2,5 millions d’euros. C’est plus que ce que représente actuellement notre client moyen. Le seuil d’entrée chez Puilaetco est de 500.000 euros et ces clients peuvent bien sûr continuer à faire appel à nos services. Nous ne refusons pas de clients. Mais nous voulons nous repositionner sur le marché. Nous pensons que notre offre peut se développer principalement dans le segment des clients de plus d’un million d’euros. Nous voulons y gagner des parts de marché en nous profilant comme conseiller et confident, non seulement pour les actifs financiers, mais pour la gestion de l’ensemble du patrimoine.

La clientèle historique de Puilaetco se trouve principalement à Bruxelles et en Wallonie, ce qui lui confère encore une image francophone. Mais les nouveaux riches ne se trouvent-ils pas principalement en Flandre ?

Nous avons trois types de clients : les familles, avec ou sans family office, les cadres et dirigeants de grandes entreprises et les entrepreneurs. Il est vrai que la Flandre représente un un marché important. C’est pourquoi nous avons des bureaux à Waregem, Laethem-Saint-Martin, Anvers et Hasselt. Dans le sud-ouest de la Flandre, nous sommes déjà bien implantés. À Anvers, le potentiel de croissance est encore important, mais le marché y est très concurrentiel.

Ces dernières années, plusieurs banques d’investissement ou gestionnaires d’actifs ont changé de propriétaires : la Société Générale, Degroof Petercam, la banque Nagelmackers, Mercier Vanderlinden, Dierickx Leys… Puilaetco n’était-elle pas intéressée ?

Nous avons laissé passer la consolidation parce que nous voulions former un groupe paneuropéen. C’est ce à quoi nous avons consacré toute notre énergie ces dernières années. Nous avons réussi à ne perdre pratiquement aucun client au cours de cette période. Je considère que c’est un succès lorsque l’on se trouve dans une phase de transformation majeure. Dans le domaine de la banque privée, nous avons connu une légère croissance et nous avons en outre développé une branche B to B. Cela nous permet de servir d’autres gestionnaires d’actifs, souvent plus petits, qui n’ont pas de licence bancaire. Cette activité a doublé en trois ans.

L’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché belge, comme Indosuez, BPCE et Intesa Sanpaolo, ne va-t-elle pas intensifier la concurrence ?

Le marché belge du private banking est l’un des plus compétitifs. Il y a déjà beaucoup d’acteurs forts dans notre pays, et donc beaucoup d’expertise dans la gestion et transfert de patrimoine. Pour se démarquer de la concurrence, il faut être au top : bien connaître le marché, comprendre les clients et leurs besoins, avoir une offre adaptée et trouver un personnel compétent et proactif. Ce dernier point est peut-être le plus grand problème. Il est devenu très difficile d’attirer de bons banquiers.

Qui sont, selon vous, vos principaux concurrents ?

Les quatre grandes banques ont beaucoup investi dans la private banking ces dernières années et pourtant nous constatons que c’est d’elles que provient le plus grand nombre de fonds qui arrivent chez nous. Apparemment, il y a pas mal de clients insatisfaits. Soit parce que les frais sont élevés, soit parce que les investissements ne sont pas performants.

Nos vrais concurrents sont les autres banques privées de niche (comme la banque Delen et Degroof Petercam, ndlr). Cette bataille porte essentiellement sur l’argent frais, ce que l’on appelle la share of wallet. Souvent, les clients fortunés répartissent leur portefeuille entre plusieurs banques. Lorsque des fonds sont disponibles, ils décident auprès de qui les placer. Si un client est satisfait, vous êtes l’heureux élu.

Les quatre grandes banques se sont beaucoup investies dans le private banking alors que notre plus grande source de revenus vient de chez elles. Apparemment, il existe pas mal de clients insatisfaits de ce côté.

Ludivine Pilate

CEO

Puilaetco n’a-t-elle pas besoin de prendre plus d’envergure ?

Nous gérons 10 milliards d’euros d’actifs et appartenons à un groupe qui en gère 90 milliards. Nous avons donc une masse critique suffisante. Le groupe prend en charge certaines fonctions centrales, ce qui nous permet de réduire les coûts. L’activité est saine. D’un point de vue purement financier, il n’y a donc pas d’urgence ou de besoin de croissance. Mais l’ambition est bien là. Nous voulons accélérer la croissance dans les années à venir.

Croissance interne ou externe ?

À court terme, l’accent est mis sur la croissance organique en améliorant notre profil dans le segment des actifs supérieurs à un million d’euros. Le fait que les entrepreneurs vendent de plus en plus jeunes leur entreprise peut également rajeunir la clientèle. En même temps, nous voulons maintenir notre position sur le marché avec notre clientèle historique de familles belges aisées. Il est également prévu de doubler à nouveau l’ampleur des services interentreprises offerts aux gestionnaires de patrimoine externes au cours des cinq prochaines années.

Mais vous n’excluez pas, à long terme, d’effectuer certaines acquisitions ?

À moyen terme, certainement pas. Tout comme l’acquisition d’UBS Belgique a renforcé les activités de Puilaetco, il devrait être possible de gagner plusieurs milliards d’actifs sous gestion par le biais d’une acquisition au cours des prochaines années. La consolidation du marché se poursuivra. Les gestionnaires d’actifs qui gèrent moins de 2 ou 3 milliards d’euros d’actifs seront confrontés à une crise d’identité. Le statu quo n’est pas une option pour eux. Le secteur doit effectuer de lourds investissements, est soumis à une réglementation croissante et sa masse salariale est en hausse. Seuls les acteurs qui ont une taille suffisante peuvent continuer à fonctionner dans de telles circonstances. C’est là ne pourrions trouver des opportunités.

Avez-vous des cibles d’acquisitions en tête ?

Le plus important est qu’il y ait deux cultures d’entreprise qui puissent s’entendre. Il est préférable de ne rien acquérir plutôt que d’effectuer une acquisition qui affecterait la dynamique commerciale. Mais je vois quelques acteurs sur le marché belge qui ont la même culture et dynamique que Puilaetco. Et qui pourraient nous apporter certaines compétences.

PUILAETCO
Son origine remonte à 1968 lorsque l’Anversois Michel De Laet a fondé un bureau de change. Plus tard suivront divers fusions, dont celle avec Dewaay
Elle fait partie de Quintet Private Bank Europe, l’ancienne KBL European Private Bankers
• 10 milliards d’euros d’actifs sous gestion
• 7 bureaux : Bruxelles, Waregem, Laethem-Saint-Martin, Anvers, Hasselt, Namur et Liège
• 175 collaborateurs

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