La France, l’Italie, l’Espagne et la Belgique vont restreindre cette pratique spéculative pendant 15 jours, afin de combattre les rumeurs qui déstabilisent actuellement les marchés.
La France, l’Italie, l’Espagne et la Belgique vont restreindre les ventes à découvert, une pratique spéculative complexe, afin de combattre les “fausses rumeurs” qui déstabilisent les marchés financiers, a annoncé jeudi l’ESMA, le régulateur financier européen. En France, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a décidé d’interdire la vente à découvert de onze valeurs financières pour quinze jours, a indiqué à l’AFP son président, Jean-Pierre Jouyet. La nature des mesures dans les autres pays européens n’a pas été précisée par l’ESMA.
Combattre les rumeurs Ces décisions ont été prises alors que la plupart des valeurs financières françaises sont victimes depuis mercredi de rumeurs alarmistes, qui ont fait plonger leurs cours de Bourse sur des marchés déjà très nerveux. “Nous avons à faire face dans différents pays européens à des rumeurs qui ne sont pas fondées”, a relevé le président de l’AMF, selon qui “on a voulu tester la résistance française”. “Ces rumeurs peuvent être assimilées à des abus de marché”, selon M. Jouyet, reprenant le terme par lequel l’AMF désigne les manipulations de cours et les délits d’initié. “Voilà notre réponse, elle est comme toujours très déterminée et elle le sera face à tous ceux qui veulent nous tester”, a-t-il affirmé en annonçant l’interdiction des ventes à découvert d’actions financières pour 15 jours.
Vendre un actif dont on n’est pas propriétaire… Les ventes à découvert sont un mécanisme spéculatif qui consiste à emprunter un actif dont on pense que le prix va baisser et à le vendre, avec l’espoir d’empocher une forte différence au moment où il faudra le racheter pour le rendre au prêteur. Ainsi, une action vendue à découvert alors qu’elle cote 10 euros, puis achetée alors qu’elle ne vaut plus que 8 euros, rapporte à l’auteur de l’opération un gain de 2 euros. Cette pratique, risquée, est accusée de précipiter la chute des actions les plus fragiles, et d’aggraver l’instabilité sur les marchés financiers. L’ESMA (European Securities and Markets Authority) a précisé dans un communiqué que l’Italie, l’Espagne et la Belgique avaient également décidé de prendre des mesures pour restreindre les ventes à découvert.
Les autorités boursières de ces pays “ont fait cela pour restreindre les bénéfices que l’on peut tirer en diffusant de fausses rumeurs”, a expliqué l’ESMA, qui ne peut interdire les ventes à découvert de titres souverains qu’avec le consentement du régulateur national du pays concerné. Depuis mercredi, la plupart des valeurs financières françaises sont la cible sur les marchés de rumeurs alarmistes, et ont subi de sévères dégringolades, de plus de 10% pour certaines. Ces rumeurs ont été vigoureusement démenties par les institutions visées, principalement BNP Paribas et Société Générale, ainsi que par la Banque de France et l’AMF.
Après de lourdes chutes mercredi, Société Générale a rebondi de 3,70% jeudi en clôture, Crédit Agricole de 5,14% et BNP Paribas de 0,31%. “Il n’est pas exclu que nous ouvrions une enquête sur le cas de la Société Générale”, comme l’a demandé la banque, a indiqué M. Jouyet.
Les ventes à découvert des valeurs financières avaient déjà été interdites dans plusieurs pays pendant la crise financière de 2008-2009. Pour Christian Parisot, chef économiste chez Aurel BGC, il n’est pas sûr que ce type de mesure résolve tous les problèmes. “Ca peut limiter un petit peu les mouvements, mais il y a d’autres techniques” pour spéculer à la baisse, explique-t-il. “Donc ce n’est pas la panacée pour autant”. Pour le président de l’AMF, “nous avons des moyens de surveillance importants aujourd’hui mais il est clair qu’ils doivent être encore renforcés partout en Europe et qu’il faudra envisager une mise en commun de ces moyens au niveau européen”.
L’UE se dirige vers un accord pour encadrer les ventes à découvert
L’Union européenne, de son côté a annoncé qu’elle était proche de conclure un accord pour créer un cadre harmonisé sur les ventes à découvert, selon une porte-parole de la Commission européenne. Saluant cette décision, la Commission a rappelé qu’elle avait lancé une proposition il y a un an pour créer un cadre harmonisé sur les ventes à découvert, “afin de réduire les risques et éviter la fragmentation des marchés”, a déclaré Chantal Hugues, la porte-parole du commissaire aux services financiers.
“Les négociations ont beaucoup avancé. Nous sommes tout près d’un accord et le commissaire Michel Barnier appelle à un compromis pour qu’un accord soit trouvé en septembre”.
Cet accord vise à donner le pouvoir aux législateurs nationaux d’interdire les ventes à découvert, certains ne pouvant pas le faire actuellement, mais il ne s’agit pas d’interdire les ventes à découvert à l’échelle européenne.
L’Allemagne s’est dite favorable vendredi à une interdiction des ventes à découvert dans toute l’Europe, mais la Grande-Bretagne a aussitôt fait savoir qu’elle n’envisageait pas d’interdire cette pratique. Berlin interdit les ventes à découvert dites “à nu” depuis l’an dernier, et ce sur tous les titres cotés.
En septembre 2010, la Commission européenne avait proposé d’obliger les opérateurs qui recourent aux ventes à découvert à nu sur les actions et les obligations d’Etat à fournir des garanties qu’ils pourront livrer les titres qu’ils promettent.
Cette proposition avait été saluée par le ministère français des Finances, qui avait jugé que “dans les faits, cela revenait à interdire les ventes à découvert “à nu”, mais sous une forme plus subtile, qui est en vigueur aux Etats-Unis sur les actions”.
Trends.be, avec Lexpansion.com