Les discrètes “fermes minières” de bitcoins au Venezuela

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Le bruit est assourdissant dans ce local d’un immeuble de Caracas où des machines “minent” des bitcoins. Profitant d’un prix de l’électricité dérisoire, de nombreux Vénézuéliens se sont lancés dans la création de cryptomonnaies.

Refroidis par des ventilateurs, quelque 80 ordinateurs – de la taille d’une boîte de chaussures- tournent en permanence. Chacune des machines génère environ 125 dollars par mois. La facture d’électricité : “elle ne dépasse pas 10 dollars par mois”, crie Theodoro Toukoumidis, en expliquant le fonctionnement des appareils. Son entreprise Doctor Miner installe des “fermes minières” de bitcoins et vend les appareils aux particuliers désireux de se lancer dans l’aventure.

Les cryptomonnaies comme le bitcoin fonctionnent grâce à un réseau décentralisé avec des ordinateurs indépendants qui valident les transactions à travers le monde. Les participants, ou “mineurs”, utilisent des processeurs puissants pour réaliser des équations complexes qui prouvent leur participation et reçoivent automatiquement des bitcoins en retour. Mais cette activité est très gourmande en énergie. Selon le Cambridge bitcoin electricity consumption index (CBECI), les mines de bitcoin consommeraient environ 114 TWh (terrawatt-heure) sur une base annualisée, soit 0,5% de la production d’électricité mondiale, ou un peu plus que la consommation des Pays-Bas.

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Pays pétrolier, le Venezuela fournit depuis des années l’électricité à un prix dérisoire à ses habitants. Dans un pays qui traverse une grave crise économique, les calculs sont donc vite faits : avec un courant si peu cher, il faut quelques mois pour amortir une machine et gagner de l’argent alors que le salaire d’un fonctionnaire est de deux dollars. “Nous avons trouvé le moyen de générer des revenus passifs (…) en transformant l’énergie en argent”, affirme M. Toukoumidis.

Miner est “rentable parce qu’une des variables fondamentales est le prix de l’électricité”, explique Aaron Olmos, économiste et chercheur spécialisé dans les cryptomonnaies, et ceci malgré les coupures fréquentes et la faible bande passante de l’internet, une des plus faibles du monde.

“Pour miner, tu n’as pas besoin d’un haut débit, mais d’un débit stable”, souligne-t-il.

Le Venezuela est devenu une sorte d’Eldorado de la cryptomonnaie avec des centaines de mineurs désirant bénéficier du filon. La fièvre de l’or…

“J’ai vendu ma voiture pour m’acheter une machine et mon associé a échangé sa moto” en 2016, se souvient M. Toukoumidis. Au début, ils ont installé les machines dans leur salle à manger, pour les préparer à miner et les vendre.

“Les gens ne comprenaient rien mais disaient +On en veut une+”, dit-il.

– Sous les radars –

Le Venezuela a vu son Produit intérieur brut (PIB) chuter de 80% depuis 2013, notamment en raison de la crise politique. 65% des ménages vivent dans la pauvreté. L’hyper-inflation avoisinait les 3.000% en 2020.

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Pedro – nom fictif – a surfé sur la vague. En 2017, il a acheté deux cartes vidéo (avec lesquelles on peut aussi miner) valant 800 dollars. Au bout de trois mois, il avait récupéré son argent. Il estime ses gains à aujourd’hui 20.000 dollars.

“Les cryptomonnaies sont une manière de sortir de l’hyperinflation (…) Un des outils qui peut permettre de faire face à la crise”, estime M. Olmos.

Le site LocalBitcoin.com assure que l’équivalent de 303 millions de dollars y ont été échangés en 2019 dans cette monnaie au Venezuela, quand l’hyperinflation atteignait des sommets. En 2021, avec une économie dollarisée et une hyperinflation ralentie (70% sur six mois), les échanges en bitcoin tournent autour de 100 millions de dollars.

Le gouvernement socialiste du président Nicolas Maduro a lui-même lancé en 2018 une cryptomonnaie, le Petro. Adossé officiellement sur le sous-sol (pétrole et minerais) vénézuélien, le Petro n’a pas eu le succès escompté par les autorités pour se transformer en une sorte d’unité de compte.

Si le bitcoin n’est pas officiel, il existe toutefois depuis 2018 un organisme de régulation des cryptomonnaies (Sunacrip) qui recense depuis 2020 les mineurs officiels comme M. Toukoumidis qui s’acquittent de toutes les obligations légales.

Toutefois, beaucoup de “mineurs” travaillent en-dehors de tout cadre légal ne déclarant pas leurs biens.

En septembre, la police a ainsi confisqué 17 machines à une femme et les saisies en province ont dépassé la centaine en 2021.

Pedro continue, lui, à opérer sous les radars. “Il vaut mieux ne pas en parler”.

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