Les Belges en ont-ils marre d’épargner?

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Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

La Banque nationale de Belgique (BNB) a publié, comme au début de chaque mois, le montant des avoirs qui se trouvaient sur les comptes d’épargne belges. En avril, et ce pour la première fois depuis novembre 2021, les dépôts sur les comptes d’épargne étaient sous la barre des 300 milliards d’euros. C’est le deuxième mois consécutif que ce montant affiche une baisse.

Fin avril, un montant gigantesque de 296,9 milliards d’euros était encore présent sur les comptes d’épargne réglementés belges, selon les chiffres publiés par NBB.Stat. Les comptes d’épargne réglementés sont des comptes sur lesquels les banques sont tenues de payer un taux d’intérêt de base d’au moins 0,01 % et une prime de fidélité d’au moins 0,1 %. Selon la définition de la FSMA, “ils bénéficient également d’un statut fiscal distinct pour ce qui concerne les revenus en intérêts. Jusqu’à un certain montant, ces revenus mobiliers ne sont pas taxés”. La prime n’est acquise que si les épargnants laissent leur argent dans la même banque pendant un an. Le taux d’intérêt de base, en revanche, est appliqué dès le premier jour.

Et c’est probablement là que réside le noeud du problème. Les banques belges se plaignent depuis un certain temps que ces intérêts et cette prime leur coûtent de l’argent, car elles ne peuvent pas investir elles-mêmes l’épargne à un rendement plus élevé. De plus, lorsque les banques ont trop d’épargne par rapport à leurs prêts, elles sont obligées de déposer les liquidités excédentaires auprès de la Banque centrale européenne, qui leur applique un taux d’intérêt négatif de 0,5 %.

Plafonnement des comptes d’épargne

BNP Paribas Fortis a donc décidé de limiter le montant des comptes d’épargne réglementés à 250.000 euros à partir du 1er avril. En clair, les clients qui possédaient encore plus de 250 000 euros sur leur compte d’épargne après cette date, l’excédent était automatiquement transféré sur un autre compte avec un taux d’intérêt de 0 %. Il est donc théoriquement possible que les épargnants belges n’aient pas retiré de l’argent de leurs comptes d’épargne en avril, mais que la plus grande banque du pays ait transféré quelques milliards excédentaires de cette épargne vers des comptes courants.

Lorsque BNP Paribas Fortis a décidé en 2017 que les PME et les personnes morales ne pouvaient plus détenir de comptes d’épargne réglementés (seulement les personnes physiques peuvent désormais posséder un tel compte), plus de 5 milliards d’euros d’épargne ont soudainement disparu des statistiques. La plus grande banque du pays a copié cette astuce de la KBC, qui avait déjà mis en oeuvre cette décision en 2016. BNP Paribas Fortis s’inspire probablement d’ING Belgique en ce qui concerne le plafond des comptes d’épargne des particuliers. Cette banque a réduit ce plafond à 1 million d’euros en 2020 et à 250 000 euros en 2021.

L’épargne pour compenser la perte de pouvoir d’achat ?

Mais bien sûr, il est également possible que, face à des factures d’énergie de plus en plus élevées, à l’augmentation du prix des carburants à la pompe et à des prix en hausse au supermarché, les Belges soient finalement obligés de puiser dans leurs économies. L’inflation était d’un peu moins de 9 % en mai. Or les prix de l’énergie ont commencé, il y a presque un an, à faire grimper l’inflation… Rappelons qu’en mai 2021, l’inflation n’était que de 1,46 %. Au cours des derniers mois de 2021, et surtout depuis l’éclatement du conflit en Ukraine, l’inflation s’est emballée. Nous avons maintenant connu quatre mois avec un taux d’inflation supérieur à 8 %, et pourtant les livrets d’épargne se sont encore remplis en février et mars. Il est donc peu probable que les Belges aient retiré soudainement beaucoup d’argent de ces comptes en avril.

Ces dernières années, certains épargnants ont commencé à investir dans des actions, en raison des taux d’intérêt historiquement bas et qui ne peuvent suivre le rythme de l’augmentation du coût de la vie. Il est, néanmoins, peu probable que de nombreux épargnants supplémentaires aient également fait le grand saut vers la Bourse ces derniers mois. En raison du cocktail explosif “hausse des taux d’intérêt-inflation élevée-guerre”, les gros titres concernant le marché boursier étaient principalement négatifs. L’indice américain S&P500 a perdu 14 % depuis le début de l’année et les valeurs technologiques américaines ont perdu 23 % de leur valeur. L’indice Bel20 est aujourd’hui inférieur de 10 % à ce qu’il était fin de l’année dernière. Les mois de turbulence sur le marché boursier auront normalement incité les investisseurs à être plus prudents et à garder un peu plus d’argent sur leur compte d’épargne.

Pour les investisseurs en obligations, des placements intéressants pourraient à nouveau apparaître dans les semaines et les mois à venir. En tout cas, le bon d’État belge est de retour. Il ne reste plus qu’à attendre que des sociétés belges proposent des obligations plus intéressantes, et adaptées aux besoins des petits investisseurs.

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