Les banquiers de chair et d’os existent toujours

Service au guichet © getty images
Patrick Claerhout Patrick Claerhout is redacteur bij Trends.

Alors que les grandes banques misent principalement sur leurs canaux numériques sophistiqués, certaines préfèrent prôner la proximité, les agences physiques et la relation personnelle. Ces derniers mois, Fintro, Argenta et Crelan l’ont fait avec plus d’assurance et de clarté que jamais.

Ces dernières années, les grandes banques ont considérablement réduit leur réseau d’agences et de guichets automatiques. En accélérant la numérisation de leurs canaux de communication et en perfectionnant leurs applications, la relation avec les clients est devenue plus impersonnelle. Certains affirment même que les gran­des banques se sont éloignées de leurs clients. Une enquête réalisée par Testachats en 2023 a ainsi révélé que les plaintes concernant l’accessibilité des banquiers et l’accès à des conseils personnalisés ont fortement augmenté. Plus de 22 % des personnes interrogées ont signalé qu’elles avaient eu des difficultés à entrer en contact avec un employé de banque.

Ce mécontentement offre des opportunités aux banques qui croient encore à la proximité, aux agences physiques et aux conseils personnalisés. Ces dernières semaines, Fintro, Argenta et Crelan se sont ainsi fait remarquer par de grandes campagnes de marketing et un mes­sage clair : il existe encore des banques où les clients peu­vent à tout moment contacter un banquier en chair et en os.

Ces trois banques de taille moyenne soulignent qu’elles sont suffisamment grandes pour offrir tous les principaux produits et services financiers, tout en conservant la petite taille d’un service personnalisé. Le terme “old school banking” est peut-être mal choisi pour désigner cette stratégie et ce positionnement, mais il s’agit bel et bien d’un retour aux valeurs traditionnelles de la banque de proximité.

Fintro: c’est ça, une banque proche

“Fintro est depuis des années le banquier de proximité des Belges, explique Luc Keppens, CEO. Le bouche à oreille nous permet d’accueillir chaque année entre 12.000 et 15.000 nouveaux clients.” Fintro est une marque du groupe BNP Paribas Fortis. Les origines de la banque remontent à l’institution publique Crédit à l’industrie, surnommée “la petite usine bleue”. Après avoir été absorbée par la CGER, l’institution a été intégrée à Fortis Banque (BNP Paribas Fortis depuis 2009).

Le modèle de Fintro est celui de ce que l’on appelle l’”assurfinance”. Le réseau se compose de courtiers en assurances indépendants qui proposent également des produits bancaires. En tant que courtiers en assurances, les titulaires sont indépendants ; ils peuvent vendre tous les produits qu’ils souhaitent. Dans le domaine bancaire, ce sont des agents qui distribuent exclusivement les produits de BNP Paribas Fortis.

Proximité, accessibilité et disponibilité sont les atouts de Fintro depuis des années. L’automne dernier, la banque a mis l’accent sur ce point en lançant une grande campagne médiatique sur le thème de la proximité. “Pour la première fois, nous nous sommes entièrement concentrés sur l’aspect de l’accessibilité”, explique Luc Keppens. C’est le facteur qui per­met à Fintro de se démarquer dans un monde numérique.

Le CEO donne quelques exem­ples : “Nos bureaux sont souvent ouverts sans rendez-vous. Vous pouvez entrer directement. Mais l’accessibilité peut aussi se faire par téléphone le week-end. Les responsables sont des indépendants qui prennent le temps d’un entretien personnel. Le portefeuille de clients leur appartient, ce n’est pas celui de la banque. Ils savent donc combien il est important pour leurs clients d’être disponibles. Cela s’expli­que aussi en partie par le fait qu’un client Fintro sur cinq est un indépendant ou une PME”.

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“Les nouveaux clients de Fintro disent souvent : ‘Je ne savais pas qu’une telle chose existait encore’, sourit Luc Keppens. Mais cela ne veut pas dire que nous représentons une banque à l’ancienne. Ce terme me fait penser à une longue file d’attente devant un guichet. Ici, il s’agit des valeurs classiques de la banque : une relation personnelle et à long terme, de préférence avec un banquier proche. Ces valeurs ne sont pas démodées. Au contraire, même les jeunes y sont sensibles.”

La proximité doit toutefois aller de pair avec l’empathie et l’expertise, selon le CEO : “Les gens n’ont que faire d’une agence au coin de la rue si vous ne pouvez pas les aider. Les atten­­tes de nos clients sont élevées. C’est pourquoi nous investissons massivement dans la qualité et la formation de nos employés. L’idée est que vous puissiez vous rendre dans un bureau Fintro pour les paiements, les investis­se­­ments, les prêts, les conseils aux entreprises, les assurances, etc.”

Cette volonté d’accroître les com­­­pétences se traduit par des agen­ces plus grandes, mais aussi moins nombreuses. Le nombre de bureaux Fintro est passé de 300 en 2018 à 200 à la fin de l’année dernière. “Mais le nom­bre de conseillers est resté stable, autour de 1.100, souligne Luc Keppens. Fintro compte 320 agents, qui emploient 765 per­­sonnes. Cela signifie qu’en moyenne, quatre à cinq personnes par agence travaillent aujourd’hui pour la banque.”

Les gens n’ont que faire d’une agence au coin de la rue si vous ne pouvez pas les aider.” – Luc Keppens, 
CEO de Fintro

Fintro bénéficie d’une synergie avec BNP Paribas Fortis, rappelle le CEO : “Nous pouvons offrir tous les produits bancaires et d’investissement exactement aux mêmes conditions que BNP Paribas Fortis. Cela ne signifie pas pour autant que nous som­mes en concurrence avec notre société mère. Fintro est une mar­que complémentaire au sein du groupe. Seuls 13 % de nos clients sont également clients de BNP Paribas Fortis.”

A la fin de l’année dernière, Fintro comptait 360.000 clients. 12.000 à 15.000 nouveaux clients s’ajou­tent chaque année, selon Luc Keppens. L’objectif est de dépas­ser la barre des 400.000 clients d’ici à la fin de 2025. “Dans le domaine des prêts immobiliers, nous obtenons un taux de conversion très élevé, explique le CEO. C’est typiquement l’un des produits pour lesquels les clients préfèrent une rencontre personnelle avec des informations et des conseils. Quelle que soit la manière dont on l’envisage, la banque est une question de confiance. C’est pourquoi j’aime insister sur le fait que notre slogan ‘c’est ça, une banque proche’ se résume à une proximité émotionnelle. Nos clients sont prêts à faire quelques kilomètres ou à passer un coup de fil, pour autant qu’ils obtiennent une réponse empathique ou qu’ils puissent faire appel à une personne qu’ils connaissent et en qui ils ont confiance.”

Argenta: c’est aussi simple que cela

Une agence d’Argenta.

Depuis 67 ans, Argenta se distingue des autres banques par la combinaison de la proximité et de la simplicité. “Nous maintenons toujours cette ligne de conduite. Pourquoi faire quel­que chose de différent si cela fonctionne ? “, s’interroge Koen Baecke, directeur du marketing et de la durabilité. La campa­gne publicitaire qu’Argenta a lancée l’année dernière était presque incontournable dans les médias. Par exemple: “Une app bancaire qui donne aussi des cours de yoga ? Ça, on ne fait pas. Une app qui rend les opérations bancaires ultra-simples ? Ça, on fait. Faire atten­dre les clients indéfiniment avec une musique d’attente insuppor­­table ? Ça, on ne fait pas. Faire en sorte que votre agence soit toujours accessible ? Ça, on fait.”

“Le concept de la campagne est simple, explique Koen Baecke. Nous expliquons en quoi Argenta se distingue depuis des années. Nous faisons ce qui facilite les opérations bancai­res, nous ne faisons pas ce qui n’est pas nécessaire, nous ne faisons pas ce qui est trop compliqué. Et ce que nous faisons, nous le mettons en pratique. D’où la grande satisfaction des clients.”

“Pour nous, il ne s’agit pas d’un retour à une forme de banque ancienne ou traditionnelle, déclare Agnita Deweerdt, chief officer affluent & business. Argenta a toujours opté pour la proximité, le contact humain et la simplicité. Nous maintenons cette ligne parce qu’elle fait partie de notre ADN. Nous transmettons également ce mes­sage par le biais d’une ligne de base claire : ‘Argenta, c’est aussi simple que cela’.”

“Nous partons toujours des besoins du client, poursuit Agnita Deweerdt. Ce client a besoin, aux moments cruciaux de sa vie, d’un visage familier qui le guide dans l’univers des crédits hypothécaires, des fonds de placement ou des produits d’assurance. C’est pourquoi la proximité, l’être humain en chair et en os et le conseil personnalisé sont si importants. Nous voulons faciliter les opérations bancaires. Une simplicité que nous traduisons également dans notre application, qui rend les services bancaires numériques très conviviaux.”

L’objectif principal de la campagne est d’attirer de nouveaux clients. “Le but est très large : toutes les catégories d’âge et toutes les classes sociales sont concernées. Argenta a connu une forte croissance ces dernières années et veut continuer à se développer”, expli­que Koen Baecke.

La clientèle belge d’Argenta s’est étoffée ces dernières années pour atteindre plus de 1,4 million de clients. Ils peuvent se rendre dans plus de 350 agences en Flandre et un peu moins de 40 à Bruxelles et en Wallonie. Ces agences, gérées par des agents indépendants, disposent d’une plus grande expertise que par le passé.

Nous faisons ce qui facilite les opérations bancaires, mais nous ne faisons pas ce qui n’est pas nécessaire ou trop compliqué.” – Koen Baecke, 
directeur 
marketing et 
durabilité 
chez Argenta

“Nous y avons consacré beaucoup d’efforts ces dernières années, explique Agnita Deweerdt. Les agents indépendants sont bien implantés localement et connaissent leurs clients. Mais ils doivent aussi réussir à expliquer clairement au client la complexité de certains produits financiers. Les enquêtes menées auprès des clients montrent que notre réseau y parvient bien. Si l’on ajoute à cela la proximité et l’accessibilité des agences, c’est un gros avantage.”

Argenta entend continuer à jouer de ces atouts dans ses nou­­velles campagnes, déclare Koen Baecke : “Notre message est en train de s’imposer. Les gens auront toujours et partout besoin d’une agence bancaire à proximité, d’un visage familier, d’explications et de conseils sur des produits financiers complexes. Le fait que d’autres institutions jouent désormais explicitement sur ces aspects dans leur communication n’a pas d’importance pour nous. Nous croyons en notre modèle”.

Crelan: les produits d’une grande banque, le service d’une petite

© belgaimage

Après la fusion avec Axa Banque, Crelan se positionne sur le marché comme une grande banque qui continue à faire les choses à sa manière. “Nous nous distinguons par l’appro­che personnelle de nos agents et par le fait que nous sommes une banque 100 % belge et coopérative”, expli­que Joris Cnockaert, directeur commercial de Crelan.

Une agence à proximité ? Le motard qui raffole des longues distances a été déçu. Le banquier qui connaissait le prénom de Jacques ? Cela a stupéfié toute sa famille. Un centre d’appel qui répond au téléphone dans les dix secondes ? Ce fana des petits plats a été surpris, lui qui pensait pouvoir avoir le temps de préparer sa sauce à spaghetti… S’il est une chose qui distingue la nouvelle campagne médiatique de Crelan, c’est bien son humour. “Nous avons opté pour un tout nouveau ton, explique Vincent Van Zande, directeur du marketing et de la communication de Crelan. L’approche humoristique, parfois un peu absurde, est nouvelle pour Crelan. Nous écrivons donc une toute nouvelle histoire. Au milieu de l’année prochaine, l’intégration d’Axa Banque devrait être achevée. Avec cette campagne, nous montrons que nous construisons une toute nouvelle banque.”

La campagne devrait également rassurer les clients qui viennent d’Axa Banque, explique Vincent Van Zande : “La vision de la ban­que de Crelan est similaire à celle d’Axa Bank, qui n’entre donc pas dans un modèle bancaire totalement différent”. La banque fusion­née opte pour une nouvelle identité de mar­que et un nouveau logo. “Nous abandonnons notre passé de Crédit agricole, poursuit Vincent Van Zande. Crelan a une offre agricole spécialisée, mais est avant tout une banque de détail avec une large offre pour les famil­les, les indépendants et les PME.”

Après l’acquisition d’Axa Banque, Crelan sera la plus grande banque du pays derrière les quatre grandes enseignes habituelles. “En termes de volume et de gamme de produits, nous sommes comparables à une grande banque, déclare le directeur général Joris Cnockaert. Mais nous nous distinguons par notre approche personnalisée du client. Celle-ci est liée à notre réseau d’agents indépendants, qui ont une présence locale. C’est pourquoi nous mettons fortement l’accent, dans notre campagne, sur la proximité et le service des agents et de leur personnel, qui connais­sent les clients par leur prénom.”

“Nous voulons montrer qu’avec nous, vous obtenez tout ce que vous pouvez attendre d’une grande banque, mais que nous l’apportons à notre manière : humaine, pro­che, serviable et pleine d’entrain, indique Vincent Van Zande. Même si nous sommes grands, notre approche reste personnelle”.

Les enquêtes ont appris à Crelan que les clients attendent des outils numériques efficaces pour traiter eux-mêmes les questions bancaires courantes, mais aussi un conseiller facilement accessible lorsqu’ils en ont besoin. “Ce conseiller ne doit pas seulement avoir des connaissances professionnelles, mais aussi une intelligence émotionnelle suffisante”, souligne Vincent Van Zande.

En termes de produits, nous sommes comparables à une grande banque, mais nous nous différencions par notre approche personnalisée du client.” – Joris Cnockaert, 
CCO de Crelan

Depuis sa fusion avec Axa Banque, Crelan compte 750 agences bancaires pour 1,8 million de clients. Afin de disposer d’une expertise locale suffisante dans chaque agence, la banque encourage les agents à se regrouper ou à fusionner. Cela devrait aboutir à un réseau de 450 à 520 agences d’ici 2027. “Mais ce nombre n’est pas fétiche, précise Joris Cnockaert. En fait, il faut environ cinq personnes par agence pour offrir toutes les spécialisations (paiements, épargne, prêts, investissements, assurances, etc.). Pour rému­­nérer ces personnes, un certain chiffre d’affaires et une certaine envergure sont donc nécessaires. Disposer de compétences et de spécialisations suffisantes en interne est tout aussi important que de bien connaître le client si l’on veut le servir de manière optimale.”

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