Le cauchemar des banquiers centraux ce n’est pas 1984, mais 1974 !

Gilles Moëc, chef économiste du groupe Axa. © D.R.

En 1974, les banquiers centraux avaient réduit les taux trop tôt. Une erreur qui hante encore les esprits, explique le chief economist d’Axa, Gilles Moëc.

L’économie mondiale ralentit, mais ce ralentissement n’est pas accompagné par une politique monétaire accommodante, “et c’est quelque chose dont nous avons perdu l’habitude”, note Gilles Moëc, l’économiste en chef du groupe Axa.

Beaucoup n’ont en effet connu que des banques centrales “bonnes filles”, qui aident à réparer la crise des dotcom en 2001 ; celle des subprimes en 2008, celle de la zone euro en 2011, celle du covid en 2020. “Mais ceux qui étaient là en 1990 se souviennent d’une période où les banques centrales n’étaient pas vos meilleures amies et pouvaient accentuer les ralentissements économiques”, dit Gilles Moëc. Et c’est ce à quoi Axa s’attend à nouveau pour l’an prochain, qui ne suit donc pas ceux qui tablent sur un adoucissement des politiques monétaires dès le second semestre de l’an prochain.

Pourquoi ? “Parce que les banques centrales ont toujours tendance à réagir par référence à des erreurs passées”, répond Gilles Moëc. La grande référence qui s’imposait lors de la grande crise financière de 2008-2009 était l’erreur de 1930, c’est-à-dire de durcir de manière précoce les politiques monétaires en réponse à la crise économico-financière, précipitant le monde dans la grande dépression. “Mais c’est une autre erreur, celle de 1974, qui informe aujourd’hui les décisions des banquiers centraux, poursuit le chief economist d’Axa. Si l’on revient à cet épisode lointain, l’erreur n’a pas été que les banques centrales ont refusé de réagir au premier choc pétrolier de 1973”, poursuit-il. La Fed a par exemple réagi très vite et très durement (les taux des Fed funds, c’est-à-dire les taux directeurs américains, sont en effet passés de 6% début 1973 à 11,2% en août de la même année, et ils ont culminé à 13,6% à l’été 1974. “L’erreur a été de lâcher l’affaire trop tôt, affirme Gilles Moëc”. Les taux directeurs américains étaient en effet redescendus à 5,2% en juin 1975. Il avait donc fallu un second tour, bien plus douloureux et bien plus long (entre 1978 et 1985) pour que l’inflation lâche prise.

Conditions financières durcies

“La Fed avait commencé à redescendre les taux fin 1974 alors même que l’inflation était toujours élevée en partant du principe que la dégradation de l’économie réelle allait permettre de faire atterrir l’inflation sans que la politique monétaire ait besoin de se durcir davantage. Cette erreur de 1974 peuple les cauchemars du président de la Fed Jerome Powell et de la présidente de la BCE Christine Lagarde”.

Voilà pourquoi on assiste à un durcissement massif et rapide des conditions financières et que cela ne va pas s’adoucir. Axa souligne que la moyenne du taux à 10 ans sur les obligations d’Etat, des obligations d’entreprises à haut rendement (notées BBB) et le taux des emprunts immobiliers à 30 ans est à son plus haut depuis 2008. Et en Europe, où ce sont les banques qui sont les acteurs principaux, “les conditions du crédit bancaire aux entreprises se durcissent avec la même ampleur que lors de la crise de l’euro de 2011-2012”, dit Axa. Bref, il ne faut pas s’attendre à un adoucissement des taux avant un certain temps. Et cela, c’est parce qu’en 1974, les banques centrales avaient commis l’erreur d’être trop pusillanimes.

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