La Russie peut toujours compter sur la Banque des règlements internationaux
Avec la guerre en Ukraine, la Banque des règlements internationaux (BRI) revient sous les feux de l’actualité. Cette “banque des banques” effectue les transactions entre les différentes banques centrales des États membres. En fait, la BRI est un héritage des années 1930, dans le cadre des réparations allemandes, explique Herman Matthijs, professeur de finances publiques à l’UGent et à la VUB.
La Banque des règlements internationaux (BRI) compte 63 membres, à savoir 61 banques centrales, plus la Banque centrale européenne et l’Autorité monétaire de Hong Kong. La banque centrale de la Fédération de Russie fait également partie des membres. Si un certain nombre de banques centrales (BCE, Fed, Banque d’Angleterre, …) peuvent décider de ne plus effectuer de transactions financières avec leurs homologues russes, la BRI, elle, doit continuer à le faire. Quant à certains membres, la Chine en tête, ils ne participent pas aux sanctions de toute façon.
La BRI est basée à Bâle. Elle a conclu un accord avec la Confédération suisse concernant, entre autres, l’immunité des sites et du personnel de la banque, ou encore l’impossibilité de saisir ses biens et avoirs. En outre, la banque fonctionne avec le DTS (Droits de tirage spéciaux, ou Special Drawing Rights – en anglais), un instrument monétaire international du FMI, et détient quelque 100 tonnes d’or. Pour des raisons historiques, cette banque a un curieux conseil d’administration composé des six membres (France, Royaume-Uni, Allemagne, États-Unis, Italie et Belgique). Ces six membres peuvent également désigner, parmi eux, un septième membre à ce conseil d’administration. Ce septième siège est entre les mains de la Federal Reserve Bank of New York, ce qui indique le pouvoir de la Fed. Les onze sièges restants peuvent être répartis entre tous les autres membres (actuellement : Brésil, Canada, Chine, Inde, BCE, Japon, Mexique, Pays-Bas, Corée du Sud, Suède et Suisse). Ainsi, l’ensemble du G7 y figure, ainsi que les principaux pays d’Asie.
La banque centrale russe n’a jamais siégé au conseil d’administration de la BRI. Elle gère cependant un fonds de change de plus de 600 milliards de dollars et près de 2 300 tonnes d’or.
Banque alternative
Les missions de la BRI sont inscrites dans ses statuts, telles que : l’achat et la vente d’or par les banques centrales, la garde de l’or des membres (dont la Belgique), les transactions entre banques centrales, la tenue de comptes de dépôt pour les banques centrales, etc. En d’autres termes, il s’agit de pouvoirs uniques dans le paysage bancaire. L’emplacement en Suisse, terrain neutre, est également plus qu’un avantage pour cette banque.
Il existe une autre raison pour laquelle la Russie ne sera pas expulsée de la BRI. Les pays d’Europe non occidentale critiquent abondamment la surreprésentation du Vieux Continent au sein du conseil d’administration de la BRI, de même que sa localisation à Bâle. Ainsi une mise au ban de la Russie pourrait conduire un certain nombre de pays d’Asie orientale à créer leur propre banque. L’Organisation de coopération de Shanghai est une alliance économico-politique de huit pays, dont la Chine, la Russie, l’Inde et le Pakistan. Ils représentent 50% de la population mondiale et 25% du PIB mondial. Or la plupart des membres de ce groupe ne participent pas aux sanctions contre la Russie. Il est donc plus que probable que la Russie restera membre de la BRI.
Herman Matthijs, Professeur de finances publiques à l’UGent et à la VUB et membre du Conseil supérieur des finances
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