Marc Danneels
La fin du dopage monétaire doit-elle inquiéter l’investisseur belge?
“Allons droit au but : avec le ralentissement de la croissance mondiale et le retour de l’incertitude, les investisseurs vont devoir réapprendre à vivre avec les fluctuations de cours. Mais cela n’est, heureusement, pas forcément une mauvaise chose en soi.” Marc Danneels, Chief Investment Officer chez Beobank, nous explique ce que pourrait nous réserver la deuxième moitié de l’année.
Effet montagnes russes
Revenons tout d’abord sur le début de l’année, marqué par une vive reprise boursière. Alors que l’Eurostoxx50 avait essuyé une perte de 12,1% au 4e trimestre 2018, le même indice a ainsi signé un gain de 9,6% au terme du 1er trimestre de cette année. Même chose pour le Dow Jones : après une perte de 12,5% au quatrième trimestre 2018, le premier trimestre 2019 s’est soldé par un gain de 11,1%.
Celui qui pensait que le ton était ainsi donné pour le deuxième trimestre aura toutefois vite déchanté. Depuis le printemps, la crainte d’une récession a, en effet, fait replonger les cours, et ceci, bien avant que le conflit commercial entre la Chine et les États-Unis ne vienne en remettre une couche.
Fin du dopage monétaire ?
Les marchés financiers réagissent donc à nouveau plus fortement aux risques, ce qui contraste sérieusement avec l’optimisme débridé des dernières années, quand les injections sans précédent de liquidités par les banques centrales poussaient tous les actifs à la hausse, des actions aux obligations. Une bonne chose évidemment pour les investisseurs, mais de quoi aussi faire perdre le sens des réalités aux marchés. Les risques ont été systématiquement ignorés, alors que les récits positifs étaient accueillis à bras ouverts par les marchés. Cela a engendré une hausse radicale des valorisations et rendu les actions tout comme les obligations très chères.
Après plusieurs hausses de taux successives par la Banque centrale américaine (Federal Reserve) jusque fin 2018, l’effet du doping monétaire s’est progressivement estompé. Comme nous avons pu le voir au cours des derniers mois, les marchés réagissent à nouveau de manière excessive aux mauvaises nouvelles. L’investisseur va une nouvelle fois devoir s’y habituer. D’un autre côté, les marchés financiers ont aussi de ce fait retrouvé un tant soit peu le contact avec la réalité économique, ce qui réduit du même coup le risque de bulles financières.
Ralentissement de la croissance, guerre commerciale et … Brexit
L’époque où les marchés ne pouvaient que progresser de manière spectaculaire est définitivement derrière nous. Sur un plan macroéconomique, les chiffres indiquent de plus un ralentissement de la croissance mondiale, l’Europe affichant par exemple une croissance attendue peu enthousiasmante, comprise entre 1,1 et 1,3%.
Sans parler des inévitables risques (géo-)politiques qui planent sur les marchés. En Europe, le Brexit restera à coup sûr une source d’incertitude et de turbulences au moins jusqu’au 31 octobre. La montée en puissance des partis populistes pourrait également peser sur le projet économique au cours des prochains mois, avec également un possible impact sur les marchés financiers.
Enfin, impossible de ne pas évoquer la guerre commerciale avec pour enjeux, le leadership technologique mondial et la protection des marchés intérieurs. La campagne en vue des élections présidentielles américaines en 2020 incite aussi à penser que le sujet pourrait continuer à dominer l’actualité dans les prochains mois, y compris en Europe. Les sanctions commerciales annoncées par les États-Unis n’impactent pas que la Chine, mais mettent également l’économie européenne sous pression. Une importante victime de cela sera le secteur automobile qui verra ses exportations à destination des États-Unis menacées par les sanctions commerciales.
Nouveau changement de politique des banques centrales
La fin du cycle de croissance, l’instabilité politique et un conflit commercial mondial latent, constituent à première vue un cocktail peu attirant pour l’investisseur.
Mais comme toujours, la peur est mauvaise conseillère. Pour commencer, et comme habituellement, les banques centrales joueront leur rôle. D’après Mario Draghi, la Banque centrale européenne (BCE) a ainsi déjà promis qu’elle bétonnerait les faibles taux actuels jusqu’en juin 2020 et que des prêts à long terme bon marché seront mis à la disposition des banques pour stimuler l’économie de manière ciblée. La Banque centrale américaine a, quant à elle, déclaré qu’elle ne procéderait plus à aucune hausse des taux cette année. Mieux encore, elle a ouvert la porte à de futures baisses des taux avec, donc, un nouveau tour de relance monétaire.
De plus, les indicateurs économiques ne sont pas forcément tous dans le rouge. Les indicateurs macroéconomiques aux États-Unis restent ainsi résolument positifs et les pays émergents affichent toujours une croissance stable autour de 4-5%. En Europe, c’est la chasse aux opportunités dans les bons secteurs, comme le secteur de la santé. Celui-ci a clairement le vent en poupe et souffre peu de l’évolution des taux et des divers effets cycliques.
En période de ralentissement de la croissance, les investisseurs en actions sont plutôt intéressés par les dividendes que par la recherche de gains de cours. Les actions ayant une politique de dividende stable semblent par ailleurs moins sensibles aux fluctuations de cours.
Mieux vaut donc s’attendre à une poursuite d’une évolution des bourses en dents de scie dans les prochains mois, au rythme des développements géopolitiques. Mais comme toujours, qui dit volatilité, dit opportunités.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici