La BCE sort le bazooka avec 750 milliards d’euros
La Banque centrale européenne a annoncé mercredi soir un plan d'”urgence” de 750 milliards d’euros destinés à des rachats de dette publique et privée pour tenter de contenir les répercussions sur l’économie de la pandémie de coronavirus. Les prix du brut se sont envolés après cette annonce.
Ce “programme de rachat d’urgence face à la pandémie” sera réalisé d’ici à la fin de l’année, a précisé l’institution dans un communiqué publié à l’issue d’une réunion téléphonique du conseil des gouverneurs.
Il s’ajoute à une première enveloppe de 120 milliards d’euros déjà débloquée face à l’épidémie.
Les gardiens de l’euro mettront fin audit programme lorsqu’il sera jugé que “la phase de crise du coronavirus Covid-19 est terminée, mais en tout cas pas avant la fin de l’année”, précise le communiqué.
En rachetant ainsi massivement de la dette des Etats et d’entreprises de la zone euro sur les marchés, la BCE espère soulager les banques et les inciter à maintenir voire relancer leurs prêts aux ménages et entreprises, et ainsi à soutenir la production et l’emploi.
Ce soutien doit contribuer à fluidifier les flux financiers dans un système économique grippé, où de nombreuses sociétés sont obligées de suspendre leur activité et certaines vont se retrouver bientôt menacées de faillite.
A titre de comparaison, de mars 2015 à décembre 2018, la BCE avait acheté des titres tous les mois sur les marchés financiers pour un total de 2.600 milliards d’euros pour soutenir la zone euro.
Elle avait repris ses rachats fin 2019 à raison de 20 milliards d’euros par mois, rajoutant l’enveloppe de 120 milliards d’euros le 12 mars comme première réponse à la crise du coronavirus.
Son plan dévoilé mercredi est supérieur encore à celui de la banque centrale américaine (Fed), qui a annoncé lundi l’achat de 500 milliards de dollars de bons du Trésor et de 200 milliards de dollars de titres hypothécaires, pour “soutenir le bon fonctionnement” de ces marchés “qui sont au coeur des flux de crédit aux ménages et aux entreprises”.
La BCE a ajouté mercredi qu’elle ferait “tout ce qui est nécessaire dans le cadre de son mandat”, renouant avec l’expression “quoi qu’il en coûte” (“whatever it takes”) prononcée par son ancien président Mario Draghi au pire de la crise de la dette publique en 2012. Une promesse qui avait largement contribué à résorber la crise.
La réponse de la BCE mercredi est “massive à tous les niveaux – taille, flexibilité, portée et engagement à revoir les limites des émetteurs”, a jugé l’analyste Frederik Ducrozet, stratégiste chez Pictet Wealth Management.
“A condition que la réponse budgétaire (des Etats) continue de s’accroître, cela changera la donne pour l’économie de la zone euro et les marchés du crédit”, a-t-il ajouté.
Macron appelle à la “solidarité financière” de la zone euro
Le président français, Emmanuel Macron, a appelé les Etats de l’UE à prolonger l’aide exceptionnelle de la Banque centrale européenne (BCE) à l’économie par “une plus grande solidarité financière au sein de la zone euro”.
“Plein soutien aux mesures exceptionnelles prises ce soir par la BCE”, a écrit M. Macron sur Twitter. “A nous Etats européens d’être au rendez-vous par nos interventions budgétaires et une plus grande solidarité financière au sein de la zone euro. Nos peuples et nos économies en ont besoin”, a-t-il ajouté.
Il n’a pas précisé par quels mécanismes pourrait être renforcée cette “solidarité financière”.
Les 19 Etats de la zone euro sont liés par un Mécanisme de stabilité européen mis en place en réponse à la crise de la dette publique du début des années 2010.
Ce fonds lève lui-même ses ressources sur le marché de la dette publique pour prêter ensuite, sous conditions, aux pays membres qui traversent des difficultés économiques et budgétaires.
Les prix du brut s’envolent
Les prix du brut se sont envolés jeudi après avoir atteint la veille un plus bas depuis 18 ans, grâce à l’annonce de la BCE.
Le baril de WTI pour livraison en avril a été propulsé en hausse de près de 17% dans les échanges du matin en Asie, après s’être écroulé de 24,4% la veille à New York. Vers 5h15 GMT (6h15 HB) il bondissait encore de 11,29% à 22,67 dollars.
Le baril de Brent de la mer du Nord a aussi fait des soubresauts. Il a gagné plus de 8,5% à 27 dollars le baril le matin en Asie, et progressait de 4,82% à 26,08 dollars vers 5h15 GMT (6h15 HB) , un jour après avoir dévissé de 14%.
Le mouvement de panique sur les marchés de l’or noir avait commencé le 6 mars, après l’échec de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) à se mettre d’accord avec la Russie sur une politique de soutien des prix du brut face à la faiblesse de la demande.
Une guerre des prix entamée par l’Arabie saoudite et les restrictions aux déplacements toujours plus strictes ont entraîné les cours du pétrole à des niveaux à la baisse jamais vu depuis 2003.
Les analystes prévoient cependant que les prix du brut vont rester bas pour une longue période, vu les graves perturbations de l’activité.
“La poursuite du confinement et la paralysie des principales économies mondiales en réponse au Covid-19 continue d’avoir un effet très dur sur la demande de pétrole”, note un analyste d’AxiCorp, Stephen Innes.