La BCE baisse les taux: quel en sera l’impact pour les ménages et les entreprises?

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Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

L’étau de la gardienne de l’euro se desserre et donne un peu d’air aux emprunteurs, des ménages qui souhaitent s’endetter aux chefs d’entreprise qui veulent investir.

Deux ans à peine après avoir enclenché une remontée brutale des taux, la Banque centrale européenne (BCE) s’est engagée cet été dans un cycle de baisse du loyer de l’argent, au grand soulagement des acteurs de l’économie : ménages, entreprises et États. À présent que l’inflation semble en grande partie jugulée dans la zone euro (sauf chez nous où elle fait encore de la résistance), l’institution de Francfort a baissé pour la deuxième fois ses taux directeurs d’un quart de pour cent, pour ramener son principal taux directeur à 3,5 %. C’était le 12 septembre dernier, et les investisseurs tablent désormais sur d’autres baisses des taux de la BCE d’ici la fin de l’année.

Si cette baisse des taux de la BCE, jugée jusqu’ici trop modérée par certains, n’est pas une bonne nouvelle pour les Belges dont les économies vont être moins bien rémunérées (Santander vient de réduire les taux de ses comptes d’épargne de 0,20 %), c’est par contre un signal positif pour ceux qui souhaitent emprunter. Des emprunteurs parmi lesquels figurent bien évidemment les chefs d’entreprise.

“Au cours de nos discussions, nous évoquons bien entendu avec eux le contexte économique et l’actualité récente. Et la baisse des taux fait partie des sujets abordés, confie Edouard Hayez, directeur chez CBC de l’activité Family Capital Solution, un service spécialisé dans les conseils à destination des patrons et actionnaires de groupes non cotés en Wallonie et à Bruxelles. Les taux sont un axe important dans la décision d’investir. La baisse des taux longs s’est entamée depuis plusieurs mois avec un taux à 10 ans qui a déjà presque perdu 1 %. C’est loin d’être négligeable dans un calcul de rentabilité face à une décision d’investissement lié à un crédit”, souligne l’expert de CBC.

Bouffée d’oxygène

La baisse actuelle de taux opérée par la BCE offre notamment une bouffée d’oxygène aux entrepreneurs qui bénéficient de lignes de crédit à court terme et dont le tarif de référence est fonction des taux d’intérêt sur le marché à court terme. “Les lignes à court terme financent le besoin de liquidités généré par l’activité commerciale comme le délai de paiement des fournisseurs ou les stocks tandis que les crédits à moyen terme financent de l’investissement, poursuit Edouard Hayez. De ce fait, lorsque la BCE baisse ses taux, l’entrepreneur se réjouit tant pour ses lignes à court terme que pour ses crédits d’investissement. Le monde de la banque est très compétitif et il est d’usage de comparer les offres. Il va donc de soi que nos clients attendent les offres en bonne adéquation avec les conditions de marché.”

Professeur de finance à la KULeuven, Hans Degryse rappelle néanmoins que la demande pour le crédit aux entreprises n’est pas uniquement liée aux taux d’intérêt mais aussi plus largement à la confiance des banques dans le climat des affaires, et donc à leur souhait de financer des projets. “Certes, souligne Hans Degryse, on peut s’attendre à ce que les crédits bancaires pour les entreprises liés au taux d’intérêt à court terme deviennent moins chers, surtout si le taux d’intérêt directeur devait encore baisser de manière significative. Mais un ralentissement économique implique également que les banques accordent davantage d’attention aux risques de crédit et en tiennent compte pour les entreprises les plus risquées de l’économie.”

Si BNP Paribas Fortis, par exemple, a vu son bénéfice se tasser au premier semestre, c’est aussi à cause d’une augmentation des prêts défaillants, ce que dans le jargon on appelle le coût du risque. Un coût du risque qui a plus que doublé sur un an dans les comptes de la première banque du pays pour atteindre 182 millions d’euros à fin juin, se marquant notamment dans des secteurs vulnérables tel que l’horeca. Signe que l’économie ralentit et qu’une grosse bouffée d’oxygène est nécessaire…

Un ralentissement économique implique également que les banques accordent davantage d’attention aux risques de crédit. – Hans Degryse, KU Leuven

Rebond de la demande

Car pour ce qui est des ménages, la question est de savoir si le reflux permettra de vraiment relancer la production de prêts hypothécaires ? La brusque remontée des taux déclenchée en 2022 a contribué à un fort ralentissement. Belfius, par exemple, a vu la production de ses prêts immobiliers diminuer de près d’un tiers l’an dernier.

Maintenant ? “La baisse des taux directeurs de la BCE est une bonne nouvelle pour les ménages dans la mesure où elle nous ramène graduellement à une structure normale des taux d’intérêt dans laquelle les taux à court terme sont inférieurs aux taux à long terme, situe Hans Degryse. Cette évolution est un point positif pour les banques, car elles collectent généralement des dépôts à court terme pour octroyer des crédits à plus long terme. Cela veut dire que les prêts hypothécaires devraient devenir moins chers, surtout pour les prêts à taux variable dont le taux d’intérêt est lié au taux à court terme. Par ailleurs, la baisse des taux d’intérêt à long terme pourrait également donner lieu à des refinancements de prêts hypothécaires.”

Les banques n’ont toutefois pas attendu la BCE pour baisser les taux des crédits immobiliers. Atteignant aujourd’hui un plus bas depuis deux ans, certains taux fixe à 20 ans sont descendus sous la barre des 3 %, conséquence logique de la baisse des taux des obligations à long terme de l’État belge (qui servent de référence pour le crédit logement) et d’une concurrence accrue entre les banques du pays.

Et donc, après plusieurs trimestres de forte baisse, le nombre de demandes de crédits hypothécaires, comme celles pour les crédits aux entreprises, a rebondi en Belgique ces derniers mois. Un rebond qui s’explique plutôt par le refroidissement des prix de l’immobilier, et les terribles chiffres de l’année dernière, lorsque les taux, ainsi que les prix, étaient élevés, que par de véritables meilleures conditions d’emprunt.

“L’immobilier vient de connaître un fameux ressac et souffre encore, confirme Edouard Hayez. Le recul du nombre de transactions n’est pas le seul point d’inquiétude. La diminution de l’activité globale du financement immobilier en Belgique a fait la une de nombreux journaux et est le thermomètre d’un marché en repli. Certes, un contexte plus favorable serait en train de naître et le meilleur comportement de certains actifs immobiliers sur les marchés boursiers en serait le signal. Il faut ajouter à cela les mesures de réduction des droits d’enregistrement qui devraient entrer en vigueur au début de l’année 2025 et qui pourraient supporter le retour de l’activité et des valorisations. La proximité de l’entrée en vigueur de ces nouveaux droits d’enregistrement pour une première acquisition d’immeuble d’habitation aura d’ailleurs certainement différé ou postposé certaines acquisitions. Mais, souligne Edouard Hayez, l’histoire n’est pas terminée. Les augmentations du prix des matériaux et de la main-d’œuvre sont encore à digérer”, conclut l’expert de CBC.

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