La bataille du ­courtage en ligne

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Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Le succès rencontré ces dernières années par les courtiers nouvelle génération oblige les acteurs traditionnels à riposter.

Bonne nouvelle pour les clients de Belfius et les utilisateurs de sa plateforme d’investissement Re=Bel. A l’occasion d’une grande campagne marketing visant à soutenir la notoriété de la solution de courtage en ligne de la banque publique, ils bénéficieront à partir de ce lundi 13 mai d’une ristourne de 50 % sur les ordres d’achat portant sur une série d’actions. Les petits ordres d’achat passés à la Bourse de Bruxelles sur ces actions sélectionnées par Re=Bel ne coûteront ainsi plus que 1,5 euro. Au-delà de cette promotion, les frais de courtage pour les transactions sur les marchés américains diminueront de manière permanente à partir de cette date de 40%. Les prix pour les transactions comprises entre 2.500 euros et 10.000 euros sur Euronext baisseront quant à eux structurellement de plus de 30 %.

Bonne nouvelle également pour les clients de Saxo où les ordres allant jusqu’à 1.000 euros en Bourse de Bruxelles ne coûtent plus que 2 euros, et seulement 4 euros pour les ordres jusqu’à 5.000 euros à Amsterdam. Le courtier en ligne se rapproche de la sorte pour sa gamme d’ETF (pour Exchange Traded Fund ou tracker) des tarifs pratiqués par Bolero, la plateforme de trading de la banque KBC, qui les a réduits et qui ne demande plus que 2,5 euros par ordre jusqu’à 250 euros et 5 euros jusqu’à 1.000 euros.

Néo-brokers

Guerre des prix ou pas, ces adaptations tarifaires ne sont pas anodines. Elles sont révélatrices d’une tendance de fond sur le marché du trading boursier pour les particuliers : le succès important rencontré ces dernières années par les courtiers nouvelle génération comme le néerlandais Bux ou l’allemand Trade Republic. “On voit de plus en plus de néo-brokers prendre des parts de marché aux acteurs traditionnels”, note Grégory Guilmin, expert en placements spécialisé dans l’éducation financière.

En cassant les prix, en abaissant fortement le ticket d’entrée et en offrant de nombreux produits d’investissement, ces néo-brokers comme on les appelle, qui ne sont pas adossés à une banque mais uniquement disponibles via une application, sont en effet parvenus à faire une percée remarquée depuis la crise du covid qui a vu nombre de Belges se découvrir une passion pour la Bourse. Exemple ? Trade Republic. Disponible dans 17 pays sur le Vieux Continent, la plateforme d’origine allemande a franchi en quelques années le cap des 4 millions de clients à l’échelon européen et totalise déjà plusieurs dizaines de milliers de comptes ouverts.

Principal atout de ces néo-brokers ? “Ils ont des systèmes de rémunération différents et arrivent à diminuer les frais de courtage de manière importante, poursuit Grégory Guilmin. Une partie de leur rémunération provient des gestionnaires d’ETF (BlackRock, Invesco, Amundi, etc.). Plus les clients de Trade Republic investissent dans des ETF gérés par BlackRock, plus BlackRock gagne de l’argent et rétrocède une partie de ces gains à Trade Republic. Sans pour autant que cela ne coûte plus cher au client.”
Résultat ? Tandis qu’il faut débourser minimum 7,5 euros sur Keytrade, il est possible sur Trade Republic ou sur Bux d’acheter des actions et des ETF pour moins de 2 euros par transaction.

Il faut dire que s’il y a bien un placement financier à la mode chez les jeunes investisseurs, c’est en effet celui-là : les ETF. Très prisés aux Etats-Unis, où plus de 50 % des actifs sous gestion sont gérés passivement, les ETF présentent non seulement l’avantage de répliquer les performances d’un panier d’actions mais aussi d’investir de manière automatisée et fractionnée.

Se connecter tous les mois pour acheter une action Apple peut s’avérer contraignant pour de nombreuses personnes qui préfèrent investir de manière 100 % automatisée.

Investir de manière régulière permet aussi d’éviter le risque d’erreur et d’oubli, ainsi que les “risques” émotionnels. “Les jeunes investisseurs préfèrent investir de petits montants, ajoute Grégory Guilmin. Par exemple, si je veux acheter 100 euros dans un ETF qui coûte 400 euros, je ne peux pas le faire sur Saxo mais par contre je peux acheter une fraction d’ETF grâce à Trade Republic.”

On voit de plus en plus de néo-brokers prendre des parts de marché aux acteurs traditionnels.

Applis intuitives

A cet intérêt croissant pour les ETF doublé d’une démocratisation de l’accès à l’investissement en Bourse s’ajoute bien évidemment l’expérience-client: les applications mobiles ont de plus en plus la cote. “Près de 80 % des nouveaux utilisateurs de Re=Bel arrivent par l’application, et 84 % des transactions, qu’il s’agisse d’ordres d’achat ou de vente, passent également par l’application”, confie Pieter Falepin, head marketing & sales retail chez Belfius où Re=Bel a déjà enregistré plus d’un million de transactions depuis son lancement en 2021 et totalise désormais plus de 100.000 clients. Des clients parmi lesquels figurent très certainement de nombreux digital natives attirés par le côté “éducationnel” et “investissement responsable” de la plateforme de Belfius. Des clients qui souhaitent sans doute aussi pouvoir trader à tout moment et très facilement.

“Les néo-brokers ont des applications intuitives qui correspondent à la demande d’une nouvelle génération qui investit de plus en plus en Bourse, dit Grégory Guilmin. Les applications des acteurs traditionnels sont moins user friendly. Elles offrent bien souvent aussi la possibilité d’acheter des turbos et des warrants, ainsi que des cryptos. Et puis, ces néo-courtiers ont des processus administratifs plus rapides et plus efficaces, et permettent d’ouvrir un compte en quelques minutes, alors que cela peut prendre plusieurs jours chez un acteur traditionnel.”

Raison pour laquelle Keytrade a dernièrement remanié son appli plutôt qu’abaisser ses tarifs ? “Nous savons que nos tarifs sont suivis de très près, mais nous n’avons aucunement l’intention de nous lancer dans une guerre des prix. Quiconque connaît un peu Keytrade Bank sait que nos clients y trouvent une offre très étendue, un site et une application de transactions très performants et que nous ne manquons aucune occasion de récompenser leur fidélité avec des tarifs justes et transparents”, souligne-t-on chez Keytrade. “Avoir une bonne appli est aussi important que d’avoir de bons tarifs, raison pour laquelle nous travaillons sans cesse à l’amélioration de notre plateforme”, indique pour sa part MeDirect.

Ceci dit, n’oublions pas que passer par un néo-broker du type Bux ou Trade Republic ne présente pas que des avantages. “Ouvrir un compte-titres à l’étranger n’est pas compliqué. Par contre, ce qui est compliqué, ce sont les obligations fiscales liées à la possession d’un compte à l’étranger”, rappelle Grégory Guilmin.

S’agissant de courtiers en ligne étrangers, il faut en effet déclarer l’ouverture d’un compte à l’étranger auprès du point de contact central de la Banque nationale (registre des comptes bancaires), mentionner celui-ci dans votre déclaration fiscale et déclarer les revenus liés à ce compte. Sans oublier la taxe sur les transactions boursières qui n’est pas d’office retenue.

Bref, si l’arrivée de plusieurs plateformes étrangères renforce la concurrence, celles-ci n’offrent pas toutes le même niveau de service que les acteurs belges, certainement en ce qui concerne vos obligations fiscales.

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