La Banque du Japon parée pour relever ses taux

La Banque du Japon (BoJ), qui a entamé en 2024 une normalisation de sa politique monétaire, devrait relever à nouveau ses taux vendredi face à une inflation persistante, malgré une conjoncture toujours fragile et le spectre de tensions commerciales ravivé par Donald Trump.

Selon le consensus des analystes sondés par Bloomberg, la banque centrale, au terme d’une réunion de deux jours, devrait remonter à 0,5% son taux directeur: une hausse de 25 points de base d’une ampleur inédite depuis 18 ans.

Afin de contrer le retour de l’inflation dans l’archipel depuis deux ans et demi, l’institution a entamé en mars 2024 un resserrement de ses taux, après dix ans de politique monétaire ultra-accommodante où ils étaient restés quasi-nuls.

Or, après avoir relevé par deux fois ses taux au cours de l’année, la BoJ avait gardé inchangé son taux directeur à 0,25% en décembre, arguant d'”incertitudes élevées” sur l’activité et du caractère imprévisible des futures politiques économiques de Donald Trump.

Le magnat républicain, de retour mardi à la Maison blanche, agite la perspective de droits de douanes drastiques ciblant notamment la Chine -premier partenaire commercial du Japon-, mais sans qu’aucune mesure en ce sens ne soit immédiatement concrétisée.

A l’inverse, la menace inflationniste interne persiste: la hausse des prix à la consommation au Japon (hors produits frais) a accéléré plus qu’attendu en novembre, à 2,7% sur un an, et pourrait avoir grimpé à 3% en décembre, selon les analystes.

Le chiffre officiel, qui sera publié vendredi matin, serait donc toujours très au-delà de la cible de 2% fixée par la banque centrale.

Yen sous pression

L’institution va “réduire son soutien monétaire malgré une mauvaise série d’indicateurs économiques” en raison de “chiffres d’inflation plus élevés que prévu” mais aussi de l’affaiblissement du yen, estiment les experts de Moody’s Analytics.

La devise nippone est sous pression face à un dollar toujours dopé par les taux élevés de la Réserve fédérale américaine (Fed). Si un yen affaibli permet d’aider les groupes exportateurs, il renchérit les produits importés dans l’archipel… et alimente l’inflation.

Anticipant un relèvement des taux de la BoJ qui la rendrait légèrement plus rémunératrice, la monnaie nippone a quelque peu remonté depuis deux semaines face au billet vert.

Autre facteur-clé, la revalorisation des salaires, qui fait actuellement l’objet de vastes négociations: la confédération syndicale Rengo, qui a obtenu en 2024 une hausse record depuis 1991, vise cette année une augmentation similaire d’environ 5%.

La BoJ n’a guère laissé de doute sur ses intentions, plusieurs discours concertés de ses dirigeants ces dernières semaines ayant largement préparé le terrain à un relèvement des taux.

Et ce, à l’inverse de la hausse inopinée de juillet dernier, qui avait pris de court les investisseurs et fait dégringoler la Bourse de Tokyo, suscitant un mea culpa du gouverneur Kazuo Ueda.

Selon les minutes de la précédente réunion, “le statu quo de décembre n’a pas été unanime (…) et plusieurs membres s’étaient exprimés en faveur d’un resserrement de la politique monétaire à court terme”, rappelle Marcel Thieliant, analyste de Capital Economics.

Pour lui, il faut même s’attendre à un nouveau relèvement des taux dès la prochaine réunion de politique monétaire en février, avant d’autres hausses graduelles, faute de voir l’inflation s’installer “durablement” au niveau-cible des 2%.

Consommation en berne

De l’avis général, la normalisation de la politique monétaire se poursuivra en dépit d’une conjoncture toujours précaire: la croissance de la quatrième économie mondiale ne cesse de s’essouffler, glissant à 0,2% sur un an au troisième trimestre 2024.

Et la consommation des ménages japonais a reculé en novembre pour le quatrième mois consécutif, la forte hausse des salaires ne suffisant pas à rattraper l’inflation, alors que la consommation privée représente plus de la moitié du PIB du pays.

Pour inverser la tendance, le gouvernement minoritaire du Premier ministre Shigeru Ishiba a fait adopter en décembre un plan de relance colossal équivalant à 136 milliards d’euros censé doper le pouvoir d’achat: enveloppes aux ménages à faibles revenus, subventions pour le carburant, baisse des revenus imposables…

Or, “une augmentation de seulement 0,25 point de base des taux de la BoJ ne va pas peser sur l’économie: le taux d’intérêt réel serait toujours en territoire négatif, car les prix à la consommation sont supérieurs à 2%”, explique à l’AFP Ko Nakayama, économiste d’Okasan Securities Research.

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