IA : les banques belges face au challenge de l’évangélisation

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Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

L’IA suscite beaucoup d’enthousiasme au sein des états-majors bancaires. Reste maintenant à faire en sorte que l’ensemble des troupes utilise la technologie pour en tirer pleinement parti, indique une récente étude de la plateforme FinTech Belgium et du cabinet Sailpeak.

La course est lancée. Partout dans le monde, les acteurs de la finance multiplient les innovations visant à se servir au mieux de l’intelligence artificielle (IA). Et les banques n’échappent pas au phénomène. Chez nous aussi. En atteste le tout premier Baromètre de l’IA en Belgique (Beyond the hype : Belgian financial services embrace AI) dévoilé par l’association FinTech Belgium et le cabinet de conseil Sailpeak qui ont interrogé 17 institutions financières belges (Belfius, Ethias, etc.) au travers d’entretiens approfondis avec leur management. L’IA est-elle déjà utilisée dans votre banque ? Pour quelles applications est-elle utilisée ? Y a-t-il déjà une équipe dédiée à l’IA ? Collaborez- vous avec des fintechs ?

Apportant des réponses précises à ces questions, le rapport montre comment les institutions financières du pays intègrent l’IA dans leurs activités. Il confirme que le phénomène n’est pas seulement un impératif pour l’avenir du ­secteur mais une réalité bien ­présente.

Largement déployée

Preuve que la technologie joue un rôle de plus en plus important dans le secteur financier belge, l’IA prédictive est déjà largement utilisée : pas moins de 84 % des institutions l’utilisent pour des applications telles que la segmentation de la clientèle, la modélisation des risques et la détection des fraudes. Dans 53 % des établissements, elle est même largement déployée.

“L’IA est en train de révolutionner le secteur financier mondial, et les acteurs de la finance en Belgique adoptent avec beaucoup d’enthousiasme cette technologie transformatrice. Ce n’est pas une surprise vu la maturité numérique des banques belges, mais elles sont bien positionnées. Certaines sont plus loin que d’autres. Mais globalement, elles ont déjà bien intégré et largement déployé des outils d’intelligence artificielle de première génération”, commente Nico Vincent, associé et fondateur de Sailpeak, qui a mené l’enquête.

“L’intérêt pour l’IA générative 
est indéniable.” – Nico Vincent (Sailpeak)

Si l’intelligence artificielle générative (GenAi) en est encore à ses balbutiements, elle continue néanmoins elle aussi à prendre de l’ampleur : 37 % des institutions financières utilisent déjà au moins une application GenAI et 79 % déclarent tester des projets pilotes, comme le développement de chatbots ou la communication personnalisée, voire y ont déjà recours dans le cadre de la lutte contre la fraude. On pense par exemple à Crelan qui utilise une solution d’intelligence artificielle axée sur la lutte contre le blanchiment d’argent développée par Discai, filiale du groupe de banque et d’assurance KBC (CBC en Wallonie).

“L’intérêt pour l’IA générative est indéniable, estime Nico Vincent. Toutes les banques prennent très au sérieux le phénomène et se mettent en ordre de bataille vu les gains attendus en termes de productivité et de meilleur service au client. D’énormes moyens financiers et humains sont libérés pour garder le rythme de l’innovation.”

Donner accès

Au-delà de ces opportunités, le rapport souligne que la confidentialité et la sécurité, ainsi que la qualité des données disponibles, constituent des freins importants à l’adoption de la technologie. “L’arrivée de la réglementation européenne sur l’intelligence artificielle est de ce point de vue-là une bonne chose”, estime Alessandra Guion, directrice de FinTech ­Belgium qui ajoute néanmoins que “malgré une réglementation croissante, les institutions financières continuent d’investir dans l’IA”.

“Le défi n’est pas que technologique, il se joue également sur 
le front des ressources 
humaines.” – Alessandra Guion (FinTech Belgium)

Le défi n’est du reste pas que réglementaire ou technologique : il se joue également sur le front des ressources humaines. De plus en plus d’équipes dédiées à l’IA sont constituées : près de 8 institutions sur 10 disposent ou sont en train de mettre en place des unités spécifiques. Les spécialistes de l’IA et de la data sont des profils très demandés. “Banques et compagnies d’assurance belges sont en quête d’expertise, ajoute Alessandra Guion. Elles peuvent choisir de développer leurs solutions en interne ou s’appuyer sur des collaborations avec des acteurs spécialisés comme les fintechs, qui sont généralement plus petites, plus agiles et plus innovantes.”

C’est le cas par exem­ple de Belfius qui fait partie des investisseurs ayant participé à la levée de fonds de 600 millions d’euros de la start-up française Mistral AI, ce qui en fait l’une des licornes les plus rapides du moment. “Chez Belfius, nous sommes convaincus que l’IA, en particulier l’IA générative, est essentielle pour offrir une expérience vraiment unique et personnalisée à nos clients, tant particuliers que professionnels, précise Bram Somers, chief technology officer de Belfius. Grâce à notre assistant personnel et à l’analyse avancée des données, nous offrons à nos banquiers la capacité accrue d’améliorer continuellement cette expérience client réellement personnalisée.”

Force est pourtant de constater un décalage entre l’enthousiasme des patrons de banque pour l’IA et sa mise en œuvre pratique au niveau des employés, souligne le rapport. Certes, 37 % des institutions disposent d’unités dédiées à l’IA. Cela étant, “nombre d’employés n’ont pas encore accès à ces outils ou ne savent pas comment les utiliser dans leurs tâches quotidiennes”, précise Nico Vincent citant l’exemple de Belfius qui a développé un programme complet d’évangélisation de l’IA pour former les employés aux outils d’intelligence artificielle.

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