Hans Degryse: “Cette taxe bancaire est pire qu’une taxe sur les bénéfices excédentaires, car c’est l’épargnant qui paiera”

Le professeur Hans Degryse, directeur du groupe de recherche en finances de la KU Leuven. © Trends
Sebastien Marien Stagiair Data News 

Dans son accord budgétaire, le gouvernement fédéral a trouvé 150 millions d’euros grâce à l’augmentation de la taxe bancaire. Le professeur Hans Degryse, directeur du groupe de recherche en finances de la KU Leuven, craint que la facture finale soit payée par les épargnants.

Dans son accord budgétaire, le gouvernement fédéral compte sur 150 millions d’euros provenant de l’instauration, via une double mesure, de la taxe bancaire: la déductibilité fiscale de la taxe bancaire disparaît complètement et le prélèvement devient progressif, de sorte que les grandes banques, qui ont beaucoup d’épargne, devront contribuer davantage.

“Dans un contexte budgétaire difficile, il est juste que les banques paient une contribution”, s’est défendu le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) lors de son intervention mardi dans l’émission De Ochtend. Mais même après l’instauration de la taxe bancaire, le ministre Van Peteghem veut continuer à faire pression sur les banques afin qu’elles augmentent leurs taux d’intérêt.

Hans Degryse, directeur du groupe de recherche sur les finances de la KU Leuven, craint que cette taxe bancaire manque sa cible. “L’idée du gouvernement était de frapper les grandes banques, parce qu’elles n’ont pas augmenté leurs taux d’intérêt autant que cela afin de rémunérer l’épargne. À partir de maintenant, il y aura un impôt progressif qui frappera les banques ayant des liquidités de 50 milliards d’euros. Les citoyens s’attendent à ce que les taux d’intérêt augmentent encore grâce à de cette mesure. Mais je ne vois pas comment cela va fonctionner. C’est donc l’épargnant qui paie indirectement le prix de cette taxe”.

Mais les grandes banques ne seront-elles pas obligées de toute façon d’augmenter leurs taux d’intérêt pour suivre les petites banques ?

HANS DEGRYSE. “J’oserais plutôt affirmer le contraire. Ce sont les petites banques qui ont augmenté le plus leurs taux d’intérêt sur l’épargne, mais il est possible qu’elles laissent maintenant ces taux  augmenter plus lentement, parce que de toute façon les grandes banques ne suivront pas. Ces banques verront leurs coûts augmenter.

À tout le moins, cette solution n’est-elle pas meilleure que l’idée d’un impôt sur les bénéfices excédentaires qui a circulé précédemment ?

DEGRYSE. “Cela pourrait même être pire pour le secteur, car il s’agit d’une taxe accrue qui est susceptible de rester. L’année dernière, le gouvernement a temporairement écrémé les bénéfices du secteur de l’énergie, mais il semble que cette mesure soit permanente. Quel gouvernement pourrait bien lever une telle mesure ? En Belgique, les banques ont déjà été condamnées à vie pour les conséquences de la crise bancaire de 2008.

“La progressivité de l’impôt est également une mauvaise idée. Notre gouvernement décourage ainsi les entreprises de notre pays – en l’occurrence, les institutions financières – de croître parce qu’elles doivent alors payer davantage de taxe bancaire. Les banques vont donc également payer la facture et se demander si cela vaut encore la peine de continuer à opérer dans notre pays. Je ne serais d’ailleurs pas surpris si le secteur bancaire conteste cette mesure.

Qu’est-ce que le gouvernement aurait pu faire différemment ?

DEGRYSE. “Il y a un manque total de vision sur l’avenir de la finance dans notre pays. Il y a de fortes chances que la Banque centrale européenne (BCE) impose aux banques des réserves obligatoires plus élevées l’année prochaine. En clair : pour 100 euros de dépôt, elles doivent verser 5 euros dans le pot de réserve de la BCE. Il y a fort à parier que nos banques devront disposer d’une réserve plus élevée l’année prochaine et qu’elles devront en outre s’acquitter de la taxe bancaire, pour laquelle elles devront reverser 17 points de base à l’État. S’il était visionnaire, le gouvernement aurait immédiatement assorti l’augmentation de la taxe bancaire d’une condition.

“J’ai l’impression que le gouvernement a axé sa politique sur le succès de la prochaine émission des bons d’État. Les taux d’intérêt des banques n’augmenteront plus en raison de cette mesure, ce qui incitera les gens à investir leur argent dans des titres émis par l’État. Les banques de l’autre côté voudront également céder ces liquidités. Elles ne veulent pas entrer en concurrence avec l’État pour l’épargne dans le cadre de la politique actuelle”.

Déception du secteur bancaire

Febelfin, la fédération du secteur bancaire belge, réagit de manière critique et se dit “déçue” face à l’augmentation de la taxe bancaire, décidée par le gouvernement fédéral. Selon l’administrateur délégué Karel Baert, cette mesure n’affecte pas seulement le pouvoir des banques, mais cette mesure va à l’encontre de l’ambition du gouvernement d’encourager les banques à augmenter les taux d’intérêt de l’épargne. Avec cette taxe, “le gouvernement prive les banques de l’oxygène nécessaire pour augmenter les taux d’intérêt”, a déclaré M. Baert lors de l’émission De Ochtend diffusée mardi sur la VRT.

“Cette mesure frappe encore plus l’épargnant. Elle frappe l’épargnant dans le sens où il s’agit d’une taxe sur l’épargne. Elle prive les banques de la possibilité d’augmenter les taux d’intérêt de l’épargne”, a déclaré M. Baert. Il regrette que le gouvernement fédéral utilise principalement les banques pour combler le déficit budgétaire et “ne développe aucune vision sur l’avenir du secteur financier”.

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