Le phénomène est tel sur les réseaux sociaux que certaines banques, comme BNP Paribas Fortis, ont désormais leurs propres influenceurs maison pour occuper le terrain.
Ils s’invitent de plus en plus sur les réseaux sociaux pour expliquer comment faire ses débuts en Bourse, investir dans des cryptomonnaies ou gonfler sa pension grâce à tel ou tel placement rémunérateur. “Ils”, ce sont bien évidemment les finfluenceurs, contraction de finance et influenceur.
Sur Instagram, TikTok, YouTube ou LinkedIn, ils utilisent leur popularité pour vulgariser les matières financières avec un ton direct et une transparence que les banques n’ont pas toujours. Leur force ? La proximité avec leur communauté de followers. Là où les banques parlent taux et produits, eux racontent des expériences, montrent des résultats concrets et répondent aux questions de leurs abonnés.
Briser des tabous
Parmi eux, le Français Matthieu Louvet, conseiller en investissement financier, qui a créé la plateforme et la chaîne YouTube S’investir, laquelle totalise aujourd’hui plus de 200.000 abonnés. Son succès ? Comme celui de nombreux finfluenceurs, il provient d’un constat simple : alors que les citoyens s’inquiètent de la hausse du coût de la vie, des pensions, de leurs revenus, ils se sentent démunis face aux choix d’épargne et de placements. “Cela s’explique par notre culture financière, l’argent est un tabou”, confiait dernièrement Matthieu Louvet à nos confrères du magazine Moustique dans le cadre d’un dossier intitulé “Mieux gérer son argent”.
Chez nous, notre compatriote Grégory Guilmin est sans doute l’un des plus connus. Docteur en finance (UNamur), coach boursier, éducateur financier et chroniqueur dans les colonnes de votre magazine préféré, il incarne également cette nouvelle façon de gérer son argent. Auteur de la newsletter hebdomadaire “Les Tutos de Greg”, qui rassemble plus de 12.000 abonnés, il a par ailleurs coécrit le cahier d’activités pour enfants Apprends l’argent en t’amusant : les aventures de Pépite et Cashou.
“C’est un livre pour enfants, mais qui sollicite également l’implication des parents à travers des défis et exercices collaboratifs. L’objectif, c’est que l’on puisse parler d’argent en famille aussi simplement que de la pluie et du beau temps, nous expliquait Grégory Guilmin, début juin, à l’occasion de la sortie du livre. Dans notre culture judéo-chrétienne, l’argent est tabou. Même dans la Bible, l’excès d’argent est souvent présenté comme négatif. Résultat : on évite le sujet. Mais si on n’en parle pas, les enfants ne peuvent pas apprendre. Ils arrivent à l’âge adulte sans savoir ce qu’est un budget, une banque, une assurance”, ajoutait-il.
Jovita et Mohammed
Face au phénomène, les banques ne restent pas les bras croisés. Elles voient dans ces finfluenceurs une évolution du bouche-à-oreille amplifiée par les réseaux sociaux. “Ils représentent une réelle opportunité pour renforcer l’éducation financière”, indique Belfius qui, dans le cadre de sa plateforme d’investissement ReBel, met en avant l’expertise de son analyste maison Christian Sugira et a également collaboré avec Alexandre Demain, auteur du livre Osez investir !.
“De nombreuses personnes, notamment les jeunes, mais aussi des femmes, reconnaissent manquer de connaissances dans ce domaine et souhaitent se former, ajoute le bancassureur. Collaborer avec des influenceurs permet de rendre ces informations plus accessibles et de réduire les barrières à l’apprentissage.”
Même avis du côté de BNP Paribas Fortis où l’on considère que les influenceurs financiers sont une version à grande échelle du marketing de recommandation. “Tant que la notoriété et la crédibilité sont au rendez-vous, c’est un phénomène digne d’intérêt”, souligne le porte-parole Valéry Halloy. L’enjeu, pour les institutions financières, n’est pas de concurrencer ces créateurs de contenu, mais d’accompagner le public vers une information correcte et fiable, tout en restant vigilants quant à la réputation et à l’éthique des influenceurs avec lesquels elles pourraient collaborer.
“C’est un canal supplémentaire pour atteindre des publics précis”, poursuit le responsable presse de la première banque du pays, qui dispose désormais de ses propres influenceurs, Jovita et Mohammed, deux employés de BNP Paribas Fortis qui interviennent de manière ludique sur ses pages officielles (LinkedIn, Instagram…).
Renforcer leur présence
En fait, les banques cherchent progressivement à renforcer leur présence dans cette conversation numérique sur l’argent. Le tout de manière contrôlée et conforme aux règles. “Cette démarche présente trois avantages majeurs, prolonge Valéry Halloy. D’abord, reprendre la maîtrise du récit. Plutôt que de laisser d’autres raconter la banque ou la finance, nous proposons un espace d’expression encadré, où l’information est exacte, conforme à la réglementation et alignée sur nos valeurs.” Ensuite, cela permet d’humaniser la relation bancaire.
“En donnant la parole à des collaborateurs ou à des ambassadeurs proches du terrain, la banque incarne sa communication. Ces voix rendent les sujets financiers concrets et vivants, et créent une nouvelle proximité.” C’est, enfin, un moyen de renforcer la confiance et la culture financière. “Bien utilisés, ces contenus contribuent à la pédagogie financière, à l’inclusion et à une meilleure compréhension des produits bancaires. Cela renforce notre positionnement de partenaire de confiance”, complète le porte-parole de BNP Paribas Fortis.
Les banques cherchent à renforcer leur présence dans cette conversation numérique sur l’argent.
Gare aux arnaques !
Garantir la qualité et la pertinence des informations diffusées est en effet essentiel. “Tous les influenceurs n’ont pas la légitimité pour aborder des sujets complexes comme les investissements”, souligne en ce sens Belfius. Car si certains jouent un vrai rôle éducatif, en expliquant les bases de l’épargne et en incitant à la prudence, d’autres présentent l’investissement comme un moyen rapide de s’enrichir.
Une approche qui valorise la spéculation plutôt que la gestion responsable, comme l’illustre Grégory Guilmin : “J’ai été contacté récemment par une personne qui s’est fait arnaquer 85.000 euros par des individus se faisant passer pour des conseillers Trade Republic. Le problème n’est pas la naïveté, mais le manque d’éducation financière. Les escrocs profitent de ce déficit pour vendre des rendements ou des promesses de liberté financière irréalistes. Les créateurs de contenu sérieux ne promettent jamais des gains rapides et ne contactent jamais leurs followers en premier.”
Pour Grégory Guilmin, la FSMA a un rôle central à jouer dans la promotion de l’éducation financière et la prévention des arnaques. Car avec des codes proposant de consommer la finance d’une autre manière, ces contenus ciblent principalement un public jeune, souvent peu formé financièrement et donc particulièrement vulnérable. C’est pourquoi le gendarme des marchés a récemment alerté sur ces dérives et le risque croissant d’escroqueries, rappelant que les finfluenceurs n’ont pas de statut particulier et doivent, comme tout acteur du marché, respecter la législation financière.
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