Face à l’inflation, la BCE devrait relever une nouvelle fois ses taux
La Banque centrale européenne devrait de nouveau relever jeudi ses taux directeurs face à une inflation restant élevée, mais l’incertitude demeure pour la suite car l’effet du resserrement monétaire se fait sentir dans l’économie.
Un an après avoir lancé le cycle de relèvement des taux le plus rapide de leur histoire, de 4,0 points de pourcentage à ce jour, les gardiens de l’euro veulent garder le cap. La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a déjà annoncé en juin une “très probable” nouvelle hausse pour la réunion de jeudi de son conseil des gouverneurs.
Aux Etats-Unis, la banque centrale américaine a montré la voie mercredi en décidant d’une nouvelle hausse de son taux directeur, d’un quart de point à 5,5%, la onzième depuis mars 2022. Le taux est à son plus haut depuis 2001.
En zone euro, l’inflation est certes en recul en zone euro, à 5,5% sur un an en juin, mais surtout grâce au tassement des prix d’énergie et en restant très au-delà de l’objectif de 2% fixé par la BCE. Une augmentation des taux de 0,25 point de pourcentage jeudi, comme en juin, est attendue par “presque tout le monde”, a déclaré Joachim Nagel, directeur de l’influente banque centrale allemande, la semaine dernière. Cela porterait le taux de dépôt des liquidités bancaires à la BCE, qui fait référence, à 3,75%, au plus haut depuis l’automne 2000.
Flou
Et ensuite? La présidente de la BCE Christine Lagarde a pris l’habitude ces derniers mois d’annoncer à l’avance les intentions de la banque centrale. Mais cette fois elle “devrait être plus nuancée” en vue de la réunion de septembre, juge Nadia Gharbi, économiste chez Pictet Wealth Management.
Mme Lagarde devrait “insister sur une approche attentiste, dépendante des données” à venir, renchérit Salomon Fiedler, chez Berenberg Bank. Ce serait conforme à de récents propos du gouverneur de la Banque des Pays-Bas, Klaas Knot, selon qui une nouvelle hausse des taux à la rentrée est “au mieux, une possibilité, mais certainement pas une certitude”.
En septembre l’institut disposera de nouvelles projections économiques et aura pris connaissance de l’évolution de l’inflation jusqu’en août.
Critiques
Les effets de la hausse cumulée des taux sont déjà perceptibles: la demande de crédit, provenant en particulier des entreprises, a atteint son niveau le plus bas depuis 20 ans lors du deuxième trimestre, a indiqué la BCE mardi. Problème: cela intervient au moment où les entreprises doivent investir en masse pour verdir leur activité et accentuer le virage numérique.
La zone euro est tombée en légère récession l’hiver dernier, mais les dernières prévisions du Fonds monétaire international voient le PIB de la région progresser de 0,9% (+0,1 point) en 2023, malgré un recul en Allemagne (-0,3%), seul pays du G7 qui devrait voir la récession perdurer.
La BCE veut freiner l’économie afin que les entreprises et commerces renoncent à augmenter les prix, et que leurs employés modèrent les revendications salariales, qui ont tendance à entretenir l’inflation. Cette politique monétaire restrictive de la BCE est critiquée dans certaines économies européennes fragiles.
Elle pourrait créer “une situation plus difficile pour la croissance au niveau européen”, a déclaré mi-juillet le ministre des Finances du Portugal Fernando Medina. La cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni a critiqué fin juin la “recette simpliste” consistant à augmenter les taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation, craignant que “le remède se révèle plus dommageable que la maladie”.
Dans ce contexte, Mme Lagarde pourrait vouloir calmer les esprits en déclarant que “le compte à rebours de la fin des hausses de taux a commencé”, pronostique Carsten Brzeski, économiste chez ING Bank.