Ex-star de Bruxelles, Margrethe Vestager voit son étoile pâlir
Retoquée pour la présidence de la Banque européenne d’investissement (BEI), Margrethe Vestager, dont l’étoile a pâli ces dernières années, s’apprête à retrouver ses fonctions de vice-présidente de la Commission européenne.
En charge du prestigieux portefeuille de la Concurrence, la Danoise de 55 ans s’était mise en retrait en septembre afin de faire campagne sans risquer de s’attirer des accusations de conflit d’intérêt. Elle a annoncé vendredi son retour dans ses fonctions.
Arrivée à Bruxelles en 2014, Margrethe Vestager est vite devenue l’un des visages les plus connus de l’exécutif européen en infligeant à Google un total de 8 milliards d’euros d’amendes pour diverses pratiques anticoncurrentielles, un record.
Amazon, Apple et Facebook (Meta)… Dès sa prise de fonction, cette excellente communicante au sourire radieux, parfaitement à l’aise en anglais, s’attaque aux mastodontes américains, s’attirant les foudres du président Donald Trump. Il accuse la dirigeante scandinave, pourtant réputée atlantiste, de détester les Etats-Unis. Une consécration pour cette ex ministre de l’Économie dont la notoriété internationale bondit.
En 2019, elle est même sur les rangs pour succéder à Jean-Claude Juncker à la présidence de la Commission. Mais la cheffe de file des libéraux doit s’incliner devant Ursula von der Leyen, issue du parti conservateur arrivé en tête aux élections européennes.
Margrethe Vestager a gravi rapidement les échelons en politique. A l’âge de 29 ans, elle fut la femme la plus jeune à devenir ministre au Danemark, chargée de l’Éducation. A Bruxelles, cette fille de pasteurs luthériens mariée à un professeur de mathématiques jouit d’une réputation de droiture qu’elle entretient soigneusement.
Sa ligne de conduite tient, dit-elle, en trois mots: “neutralité, impartialité, rigueur”. A travers le libre marché, elle se pose en défenseure des citoyens et des petites entreprises face aux puissants, mais son intransigeance l’expose à des coups. Ainsi, elle provoque l’ire de Paris et Berlin en interdisant la fusion des constructeurs ferroviaires Alstom et Siemens qui souhaitaient créer un champion franco-allemand face à la Chine. Selon elle, ce mariage aurait réduit la concurrence au détriment des consommateurs.
Une série d’échecs
Durant son deuxième mandat, elle semble sur la pente descendante, bien qu’elle hérite d’un titre de vice-présidente et que son portefeuille déjà large a été renforcé pour inclure la transition numérique, une grande priorité de l’UE.
Margrethe Vestager subit une série d’échecs dont un revers retentissant en juillet 2020: la justice européenne annule l’obligation imposée à Apple de rembourser à l’Irlande 13 milliards d’euros d’avantages fiscaux que la commissaire avait pourtant qualifiés d’aides d’État illégales. La Cour de justice de l’UE, basée à Luxembourg, pourrait cependant rejuger ce litige, après un récent avis en ce sens de l’avocat général.
La commissaire a subi d’autres défaites dans des dossiers fiscaux du même type face à Amazon, Starbucks et Fiat (Stellantis), du pain béni pour ses détracteurs qui dénoncent un manque de rigueur de ses équipes juridiques. En juillet dernier, sa décision d’embaucher à un poste clé pour la régulation du numérique l’économiste américaine Fiona Scott Morton, ex consultante pour des géants de l’internet, provoque une violente polémique, essentiellement en France. Désavouée par le président Emmanuel Macron, elle est contrainte de renoncer au recrutement.
Auditionnée par les eurodéputés, elle se défend pourtant bec et ongles, affirmant avoir “fait les choses dans les règles” selon l’expression qu’elle affectionne. Mais elle est vertement critiquée pour avoir manqué de sens politique. Depuis 2020, la pandémie, la guerre en Ukraine puis les mesures protectionnistes de l’administration américaine l’ont contrainte à accepter des assouplissements du cadre d’attribution des aides d’États, une entorse à sa doxa. Elle est par ailleurs sous la pression de Paris qui réclame une politique “moins naïve” vis-à-vis de Pékin et Washington.
Au fil des ans, le commissaire au Marché intérieur Thierry Breton lui a fait de l’ombre, incarnant davantage le thème de la souveraineté européenne qui monte en puissance au milieu des tensions géopolitiques mondiales.