Dix choses à savoir sur l’euro numérique
L’arrivée possible d’une monnaie numérique, en provenance de la banque centrale européenne (BCE), crée des remous. Quels sont les objectifs de la BCE avec un tel euro numérique ? Qu’est-ce qui changera pour les consommateurs par rapport aux paiements déjà effectués par voie électronique ?
La semaine dernière, la Banque Nationale de Belgique (BNB) a organisé une conférence pour communiquer sur la phase de recherche de son projet d’euro numérique. La réunion s’est concentrée sur les avantages et les inconvénients d’une éventuelle introduction de la monnaie numérique de banque centrale (MNBC). Autant de “si” et de “mais”, sans projet concret. Mais ceux qui lisent entre les lignes voient le développement de la technologie govcoin comme un fait accompli. Selon De Tijd, la décision finale quant à son lancement sera probablement prise après les élections européennes de juin 2024.
Ce colloque au sujet de l’euro numérique avait principalement pour but de parer aux critiques, dont ce concept faisait déjà l’objet. Théorie du complot, conspiration sont des rumeurs habituelles à propos des monnaies numériques de banque centrale (MNBC), et une épine dans le pied des décideurs politiques. “Le débat n’est plus rationnel”, souligne Pierre Wunsch, gouverneur de la BNB. Mais certains observateurs plus sérieux s’interrogent sur la nécessité et la mise en œuvre concrète du projet.
Dix questions et leur réponse sur l’euro numérique – en l’état actuel des choses.
1. Qu’est-ce que l’euro numérique ?
L’euro numérique est un moyen de paiement électronique supplémentaire pour tous les Européens, aussi bien en ligne que dans les commerces et magasins.
2. En quoi est-il différent des paiements numériques actuels ?
La principale différence est que l’euro numérique est émis par une banque centrale, la BCE, et non par une banque commerciale comme ING, BNP Paribas Fortis ou KBC. À l’heure actuelle, seuls les billets et les pièces, que vous retirez à un distributeur automatique par exemple, sont émis par les banques centrales. Mais comme les gens règlent de moins en moins en espèces, les banques centrales veulent développer une option numérique. L’euro numérique, c’est-à-dire une version numérique de l’argent liquide, serait également contrôlé directement par la banque centrale.
3. Comment l’utiliser ?
L’euro numérique sera lié à un compte bancaire auprès d’une banque commerciale, explique Tim Hermans, directeur de la BNB. Il n’est donc pas question pour les utilisateurs lambda d’ouvrir un compte à la BCE. L’idée de départ était que les utilisateurs puissent placer jusqu’à 3 000 euros d’euros numériques sur leur compte, mais ce montant maximum n’est pas encore définitivement fixé. Si quelqu’un a une dépense supérieure à 3 000 euros, il pourra puiser dans ses autres avoirs de son compte bancaire. Les 3 000 euros numériques peuvent être réapprovisionnés à tout moment. L’utilisateur choisit donc avec quel argent il veut payer : l’argent de la banque centrale (les euros numériques) ou l’argent qu’il a sur son compte dans une banque commerciale. Pour les petits montants, une forme d’anonymat sera possible, comme avec l’argent liquide.
4. Pourquoi l’Europe en a-t-elle besoin ?
Le marché européen des paiements est très fragmenté, affirme M. Hermans. Il n’existe pas de méthode de paiement numérique unique pour l’ensemble de la zone euro. Chaque pays a développé son propre système. En Belgique, il s’agit de Bancontact, aux Pays-Bas d’Ideal. Ainsi, un Belge ne peut pas payer partout au Portugal avec sa carte bancaire, par exemple. Les paiements numériques dans la zone euro ne peuvent être effectués que via les réseaux américains Visa et MasterCard/Maestro. Cela signifie également que tous les frais sont reversés à ces sociétés américaines. Si la BCE développe son propre système de paiement, les revenus resteront ainsi en Europe.
M. Hermans admet que l’introduction de l’euro numérique est aussi motivée par des considérations géostratégiques : toutes les banques centrales travaillent sur les MNBC (Chine, États-Unis…). En outre, il existe toutes sortes d’initiatives privées avec des cryptomonnaies et des stablecoins. La BCE ne peut pas rester à la traîne si elle veut défendre et consolider la position de l’euro.
D’un point de vue stratégique, il est également important de veiller à ce que l’Europe ne dépende pas d’entreprises américaines comme Visa et MasterCard. Que se passerait-il si, pour une raison quelconque, ces réseaux et systèmes de paiement n’étaient plus disponibles ? Ou si ces deux sociétés quittaient l’Europe ? La guerre en Ukraine a appris à l’Europe de s’assurer qu’elle est stratégiquement indépendante pour des services cruciaux tels que l’approvisionnement en énergie, mais aussi pour les services de paiement.
5. Quel est le plus grand avantage ?
Le particulier pourra utiliser gratuitement le service de base. Il pourra ainsi effectuer des paiements numériques sans frais dans toute la zone euro. Pour le commerçant, le système sera moins cher que le système actuel, car la BCE travaillera avec son propre système de paiement. La BCE supportera elle-même une partie des coûts, de sorte que les commerçants devront payer moins de frais qu’avec Visa et MasterCard.
6. Pourquoi le projet est-il si controversé ?
Le scepticisme à l’égard du gouvernement est à l’origine de nombreuses critiques. Les détracteurs considèrent qu’il s’agit d’un outil de surveillance des citoyens ordinaires, via les transactions financières, qui va à l’encontre de la protection de la vie privée. Pour beaucoup, le scénario catastrophe le plus probable est que l’euro numérique devienne “programmable”. Cela signifierait que l’État pourrait bientôt contrôler la manière dont les utilisateurs dépensent leurs monnaies numériques. Par exemple, pour l’achat de biens ou de services à faible empreinte carbone. Anxieux, on fait souvent référence au système chinois de « crédit social », mis en place par le gouvernement communiste pour distribue des bons ou des mauvais points aux citoyens en fonction de leur comportement.
7. Les critiques ont-elles raison ?
La BCE et la Commission européenne affirment qu’elles tiennent compte des différentes critiques. “Nous concevrons cet euro numérique de manière à ce qu’il ne conserve aucune donnée et qu’il ne soit pas programmable”, a souligné Evelien Witlox, chef de projet. De plus, la BCE affirme qu’elle n’a pas accès aux données sur qui paie quoi.
Mais : “Vous pouvez convaincre les gens autant que vous voulez, vous n’avez aucun contrôle sur eux s’ils s’agitent à propos d’un gouvernement qui garde un œil sur tout le monde”, a néanmoins fait remarquer Erik Luts, responsable de l’innovation à la KBC.
Pour plus de transparence et afin de rendre le message plus clair et “contrer toutes les histoires invraisemblables à des fins politiques, nous avons décidé d’intensifier nos efforts de communication”, a déclaré le directeur de la BNB, M. Hermans.
8. Cela signifie-t-il la fin du cash ?
Non. La Commission européenne souligne que les fonds publics numériques compléteront le système de paiement et ne remplaceront pas l’argent liquide.
9. Comment l’euro numérique se compare-t-il aux cryptomonnaies ?
Le concept de l’e-euro a commencé a démarré en 2021, l’année du boom des cryptomonnaies. C’est à cette époque que la plus grande cryptomonnaie du monde, le bitcoin, a atteint le prix record de 68 000 dollars. Aujourd’hui, cependant, il n’y a pas un seul mot sur la blockchain. La base de la technologie serait ce que l’on appelle l’Eurosystème. Il s’agit du système informatique utilisé comme interconnexion entre la BCE et les banques centrales nationales de la zone euro, chargées de la mise en œuvre de la politique monétaire.
10. Quand sera-t-il officiellement lancé?
M. Hermans propose “2028 au plus tôt” comme date de lancement. Selon lui, la BCE espérait initialement lancer l’euro numérique en 2025, mais il s’agissait d’une estimation trop optimiste. Le dossier est trop complexe pour cela : les modalités précises et les méthodes d’utilisation devront encore être négociées avec les banques, estime le directeur de la BNB.
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