Rudy Aernoudt
Cryptobanques, tout sauf un phénomène marginal
Selon les dernières estimations, les cryptobanques pèsent 52.000 milliards de dollars, soit plus de la moitié du produit intérieur brut mondial.
Depuis la dernière crise financière, les banques sont surveillées de très près. Les autorités de contrôle les tiennent à l’oeil pour éviter une nouvelle mise sous pression du système financier et des initiatives peu recommandables. Les banques sont en outre tenues de se constituer une réserve de sécurité au cas où.
La réglementation semble efficace, à première vue du moins. Les avoirs propres des banques européennes sont passés de 6,7% en 2007, avant la crise financière, à 14,7% en 2019, à la veille de la crise sanitaire. Nous n’avons donc pas de soucis à nous faire concernant la santé de notre système bancaire, même si de nombreux emprunteurs sont dans l’impossibilité de rembourser leur crédit, du moins dans l’immédiat, à cause du Covid-19. Ceci dit, les faibles taux d’intérêts et les frais élevés liés au respect de la réglementation impactent la rentabilité des banques. Pendant cette même période de 2007 à 2019, le rendement de leurs avoirs propres a chuté de 19 à 9,8%, ce qui pousse les banques à trouver de nouveaux modèles commerciaux.
Selon les dernières estimations, les cryptobanques pèsent 52.000 milliards de dollars, soit plus de la moitié du produit intérieur brut mondial.
La mise sous contrôle du circuit formel favorise l’apparition de systèmes informels. L’encadrement des transactions monétaires a donc suscité le développement de cryptomonnaies. Le préfixe crypto vient du grec kruptós “couvert, caché”. Il y a actuellement environ 7.000 sortes de cryptomonnaies en circulation qui échappent au contrôle des banques centrales. Très prisées par de nombreux investisseurs, elles sont aussi intéressantes pour effectuer des transactions en toute discrétion. Voilà pourquoi elles sont aussi l’outil de blanchiment préféré des criminels et autres malfrats mal intentionnés.
Si la cryptomonnaie a tout d’une devise traditionnelle, elle n’en est pas une. De la même manière, il existe des banques qui ont tout des banques classiques mais n’en sont pas. Ce sont les cryptobanques. A l’instar des cryptomonnaies, elles se sont développées dans le sillage de la crise financière. Mais comme elles ne s’approvisionnent pas directement chez les épargnants privés, elles ne sont pas couvertes par le règlement de garantie pour les épargnants en cas de défaillance. Ce n’est pas nécessaire puisqu’elles lèvent des fonds auprès des gros investisseurs comme les fonds de pension, les assureurs ou encore les banques traditionnelles en quête de rendement supérieur. Mais ce faisant, elles échappent à la vigilance des instances de contrôle. Or, avec cet argent, elles font exactement la même chose que les banques traditionnelles, à savoir se servir des investissements à court terme pour allouer des crédits à long terme, sous forme de prêts hypothécaires par exemple.
Pourriez-vous citer le nom ne fût-ce que d’une seule cryptobanque? Non? C’est bien la preuve que la crypto-philosophie est efficace. Les cryptobanques ne sont pas moins importantes pour autant. A l’heure actuelle, 60% des prêts hypothécaires aux Etats-Unis sont octroyés par leur entremise. Selon les dernières estimations, elles pèsent 52.000 milliards de dollars, soit plus de la moitié du produit intérieur brut mondial. Quant aux risques encourus …
D’où cette question: les cryptobanques ne sont-elles pas too big to fail ? N’oublions pas que même si la garantie de l’Etat sur les fonds d’épargne ne joue pas, elles pourraient entraîner les banques réglementées dans leur chute si elles venaient à capoter. Dans l’affaire Greensill par exemple, 30% des actions appartenaient à la banque helvétique Credit Suisse. Et tant UBS que Credit Suisse ont perdu pas mal de plumes dans la débâcle d’Archegos. Résultat: Credit Suisse doit aujour-d’hui lever 2 milliards auprès de ses actionnaires pour se conformer à la réglementation bancaire.
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