Credit Suisse, pilier de la finance helvétique, fait face à une difficile restructuration
Le nouveau patron de Credit Suisse, Ulrich Körner, devra convaincre jeudi que son plan stratégique est le bon pour redresser la deuxième banque du pays et faire oublier des années de déboires et de scandales.
Les exigences des investisseurs, qui ont vu partir en fumée leur argent avec la chute de l’action, seront élevées et l’environnement économique, celui des taux d’intérêt et de la volatilité des marchés pourrait encore compliquer la tâche.
Un pilier de la finance suisse
Avec un chiffre d’affaires en 2021 de près de 22,7 milliards de francs suisses (23 milliards d’euros), Credit Suisse est la deuxième banque de Suisse, derrière UBS. Mais contrairement à sa concurrente qui a engrangé un copieux bénéfice net de 7,4 milliards de dollars l’année dernière, Credit Suisse a essuyé une perte de 1,6 milliard de francs.
Créée en 1856 par Alfred Escher, le père du chemin de fer en Suisse, la banque alors appelée Schweizerische Kreditanstalt (SKA) est un pilier de la finance helvétique. Elle a financé la construction du tunnel du Gothard, l’essor de grandes entreprises industrielles mais aussi de compagnies d’assurances, dont Swiss Life et le réassureur Swiss Re.
La banque zurichoise, implantée à New York dès 1870, est toutefois une banque d’envergure internationale, surtout depuis le rachat de la banque d’investissement américaine First Boston, absorbée en 1990. Présente dans une quarantaine de pays, elle emploie 51.410 personnes au niveau mondial.
Une banque systémique
Credit Suisse fait partie des 30 banques au niveau mondial considérées comme trop grosses pour les laisser faire faillite, ce qui leur impose de mettre davantage de liquidités de côté pour tenir le choc en cas de crise, même grave.
Fin juin, son ratio de fonds propres durs (CET1) se montait à 13,5%, soit légèrement moins que HSBC Holdings mais davantage que BNP Paribas, les deux plus grandes banques d’Europe pour lesquelles les exigences réglementaires sont encore plus élevées. Les spécialistes de la finance battent donc en brèche les rumeurs de “moment Lehman Brothers”, en référence à la faillite de la banque américaine en 2008, qui se sont répandues début octobre. “La banque va traverser des moments difficiles”, a estimé Carlo Lombardini, avocat et professeur de droit bancaire à l’université de Lausanne, lors d’un entretien avec l’AFP, mais “pas à cause d’un risque solvabilité ou de liquidités”
Des restructurations qui s’enchaînent
La banque a déjà connu une importante restructuration sous l’égide de Tidjane Thiam, son patron de 2015 à début 2020. L’objectif était de délester la banque d’affaires de ses activités les plus volatiles et de renforcer la gestion de fortune, moyennant deux augmentations de capital de 6 milliards de francs, puis de 4 milliards.
En novembre 2021, une nouvelle réorganisation a été lancée après les scandales qui ont terni sa réputation, mais sans faire appel au marché cette fois.
Quatre divisions
Depuis, ses activités se répartissent entre quatre divisions. La gestion de fortune, spécialisée dans les placements pour de riches particuliers, et la banque suisse, qui englobe la banque de détail et autres activités pour le marché suisse, sont considérées comme les plus stables.
Au premier semestre, la gestion de fortune, qui contribue à 30% de ses revenus, a toutefois essuyé 1,4 milliard de CHF de retraits de capitaux, principalement par des clients européens et du Moyen-Orient. La banque suisse, qui représente environ un quart du chiffre d’affaires, était la seule à avoir vu ses revenus augmenter.
La gestion d’actifs, sa troisième division, a été secouée par la faillite de la société financière britannique Greensill, dans laquelle quelque 10 milliards de dollars avaient été engagés par le biais de quatre fonds, tandis que la banque d’affaires a été éclaboussée par l’implosion du fonds américains Archegos, qui a coûté plus de 5 milliards de dollars à Credit Suisse.
Si la gestion d’actifs ne représentait qu’environ 8% des revenus de Credit Suisse au premier semestre, la banque d’investissement y a contribué à hauteur de 37%. Au premier semestre, cette division active aussi bien dans les émissions d’emprunts que les fusions et acquisitions, a aligné une perte de 992 millions de francs après une perte de 3,7 milliards en 2021.
Les investisseurs réclament de longue date une réforme de la banque d’investissement, estimant qu’elle n’a pas la taille critique pour affronter les grandes banques américaines.
En 2011, la fondation Ethos, qui représente des caisses de retraite en Suisse, s’était déjà “fermement” opposée à une émission d’obligations convertibles visant à la renforcer, jugeant la banque d’affaires trop “gourmande en capital”.
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