La cotation des certificats Triodos ne calme pas la colère des actionnaires belges

Logo de Triodos. ANP XTRA FREEK VAN DEN BERGH © ANP / ANP
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Négociés en Bourse d’Amsterdam depuis quelques jours autour de 33-34 euros, les certificats de la banque Triodos affichent une valeur inférieure de 60 % à leur valeur d’inventaire, celle à laquelle les épargnants pouvaient acquérir ces titres en 2020.

L’introduction en Bourse des certificats d’actions de la banque néerlandaise Triodos sur Euronext Amsterdam, le 18 juin dernier, n’a pas apaisé la frustration des détenteurs, particulièrement celle des actionnaires belges.

Rappel des faits : environ 43 000 porteurs de certificats, dont 8 000 en Belgique, ont vu la valeur de leurs titres s’effondrer depuis que Triodos a modifié son système de négociation. Auparavant, la banque assurait un marché interne où les certificats pouvaient être revendus à leur valeur d’inventaire, laquelle progressait régulièrement. Cependant, face à la crise du Covid-19 et à une vague de demandes de remboursement, Triodos a cessé de garantir ce marché.

 Après un gel des transactions, la banque s’est tournée vers des plateformes externes, d’abord CAPTIN aux Pays-Bas, puis, tout récemment, vers une cotation sur Euronext. Aujourd’hui, les certificats se négocient autour de 33 euros, loin des 85 euros atteints avant la crise.

Tous les inconvénients, aucun avantage

« La stratégie du management de Triodos accumule tous les inconvénients d’une cotation sans en offrir les avantages. Le résultat est désastreux pour les détenteurs », déplore Laurent Arnauts, avocat représentant 250 familles qui exigent de revendre leurs certificats à la valeur d’inventaire, et non au prix actuel, fortement déprécié. « En 2020, les certificats étaient émis à plus de 85 euros, avec une valeur nette d’inventaire (VNI) culminant à 89 euros en 2022 », précise-t-il. Sur CAPTIN, leur valeur a chuté à environ 28 euros, et sur Euronext, après un cours d’ouverture à 30 euros, elle s’est stabilisée autour de 34 euros. « Ceux qui ont acheté à bas prix sur CAPTIN ont réalisé un gain de 12 % ou plus, mais les autres, ayant acquis leurs certificats à la VNI, subissent une perte d’au moins 55 euros par certificat, soit 60 % », ajoute l’avocat.

Consciente des pertes subies par ses épargnants, la banque éthique néerlandaise a proposé une indemnité de 10 euros par certificat, à condition que les détenteurs renoncent à toute poursuite judiciaire. Cette offre est jugée insuffisante. « C’est une aumône », s’indigne Laurent Arnauts, soulignant qu’elle ne couvre qu’une fraction des pertes. De plus, des obstacles pratiques se posent : aux Pays-Bas, les grandes banques comme Rabobank et ABN Amro permettent de gérer ces certificats, mais en Belgique, les détenteurs doivent ouvrir des comptes auprès de plateformes peu connues comme CAPTIN, BUX, Saxo Bank ou flatexDEGIRO, ce qui engendre des coûts et des démarches administratives.

Brouillard fiscal

« Lors de l’assemblée générale du 23 mai, nous avions soulevé cette question, et on nous avait assuré que des solutions étaient prévues. Ce n’est pas le cas », regrette l’avocat. À cela s’ajoute une incertitude fiscale : Triodos n’a pas obtenu de ruling de l’administration fiscale belge, laissant planer le doute sur le traitement fiscal de cette indemnité. « Selon le management de la banque, les Belges doivent consulter un fiscaliste pour savoir si cette compensation, qui remplace le dividende de cette année, doit être déclarée et imposée à 30 %, ou s’ils s’exposent à un risque fiscal », explique Laurent Arnauts.

Triodos se félicite

Le PDG de Triodos, Marcel Zuidam, s’est félicité de l’adhésion à cette offre, 10,1 millions des 14,2 millions de certificats émis ayant été apportés à la transaction, pour un coût de 100 millions d’euros pour la banque. « Ce taux d’acceptation élevé est une avancée très positive, qui renforce notre relation avec les détenteurs et nous permet de nous concentrer sur notre mission », a-t-il déclaré.

Une satisfaction que ne partage pas Bernard Poncé, président de Trioforum, association qui  regroupe les porteurs belges mécontents.

« Parler d’une relation forte avec les détenteurs est déplacé. La plupart, petits porteurs, n’avaient guère le choix, découragés par la complexité d’une action en justice et noyés dans la communication opaque de la banque », déplore Bernard Poncé.

Nouvelle procédure

Les actionnaires mécontents poursuivent leurs démarches judiciaires. « Nous demandons principalement le rachat des certificats à la VNI, conformément au prospectus d’émission, ou, à titre subsidiaire, une indemnisation pour compenser les pertes subies par ceux contraints de vendre à bas prix », précise Laurent Arnauts.

 Selon lui, en abandonnant son système d’échange interne pour une cotation externe, Triodos a transformé ses certificats en « produit complexe et spéculatif ». De plus, la nature même de la banque s’en trouve changée. « On parle même d’abandonner l’Allemagne, où le bénéfice par employé est jugé insuffisant. La course à la maximisation des profits est engagée », regrette-t-il. L’avocat ajoute que l’institution a dit qu’elle « allait revoir les critères de rémunération du management pour les mettre en conformité avec les critères du secteur. Quand nous avons posé la question sur ce que cela signifiait, la banque n’a pu démentir que les nouvelles rémunérations allaient être un multiple des rémunérations actuelles ».

« Sur le fond du dossier, nous en sommes à l’échange des conclusions, ajoute Laurent Arnauts. Nous avons assisté aux dernières assemblées générales où le management de Triodos a refusé de répondre à des questions leur demandant d’expliquer le pourquoi de la cotation boursière, ajoute-t-il. Nous allons donc lancer une procédure parallèle pour obtenir des documents qu’ils nous refusent depuis trois ans et qui sont les rapports qui établissent les problèmes supposés de l’ancien système d’échange et qui analysent les différentes options qui s’offraient à Triodos. Nous voulons prouver l’abus de droit, à savoir qu’ils ont mis fin à l’ancien système sans raison suffisamment valable. »

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