Comment BNP Paribas Fortis intègre l’IA grâce à ses clients

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Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

La banque s’associe à l’université de Gand pour mieux exploiter la masse de données numériques dont elle dispose sur ses clients et leurs transactions bancaires, et renforcer ainsi ses capacités en intelligence artificielle.

S’il y a bien un secteur qui n’échappe pas à la révolution de l’intelligence artificielle (IA), c’est celui-là: les services financiers. Banques et assurances accélèrent le déploiement de l’IA, et notamment sa capacité à générer de nouvelles opportunités de business en améliorant et en personnalisant le service client. De plus en plus, on les voit miser sur l’IA générative de type ChatGPT et plus particulièrement sur l’analyse en temps réel des transactions, les systèmes intelligents de détection des opérations frauduleuses ou encore l’automatisation des tâches administratives. Dernier exemple en date chez nous: BNP Paribas Fortis.

C’est dans ce contexte de grande mutation en cours que la première banque du pays a annoncé début juin le lancement d’une initiative académique pas comme les autres, à savoir la création de Prometis Lab. De quoi s’agit-il? D’une ASBL financée et mise sur pied par la banque avec l’Université de Gand (UGent) dont l’objectif est d’étudier comment les données bancaires peuvent fournir des informations utiles sur l’économie. Avec comme mission pour l’université gantoise d’aider BNP Paribas Fortis à développer des modèles d’IA qui permettent d’analyser de grandes quantités de données agrégées et anonymisées de clients, et d’avoir ainsi une meilleure compréhension à la fois de leurs comportements et de leurs besoins.

Bien sûr, pour gagner en temps et en efficacité, un grand nombre des processus de BNP Paribas intègrent déjà l’usage de l’IA. La banque utilise pas moins de 200 applications basées sur la robotique logicielle pour des services clients améliorés via des chatbots intelligents, des communications personnalisées et sur mesure, des collaborateurs accompagnés par des assistants GenAI intégrés dans les outils de bureau, des applications qui servent à prévenir la fraude ou à lutter contre la cybercriminalité, etc.

Dans le cadre de sa collaboration entamée il y a plusieurs années avec l’université de Gand, qui a débouché sur des contrats de recherche formels et la création d’une chaire intitulée Research for a Changing World, elle a aussi développé un outil d’anticipation de l’évolution du PIB baptisé “nowcasting“. Un outil grâce auquel, sur base de différentes données anonymisées comme les mouvements sur les comptes des clients entreprises de la banque (PME, corporate), BNP Paribas Fortis se dit aujourd’hui capable d’encore mieux prédire l’économie, avant même des instances officielles comme la Banque nationale.

Trésor de données

L’institution ne part donc pas de zéro. Mais elle veut aller plus loin dans l’exploitation de la masse de données numériques dont elle dispose sur ses clients et leurs transactions. “Ces données constituent une énorme source de richesse pour le monde universitaire, explique Kristof Meganck, chief data officer de BNP Paribas Fortis. Les chercheurs de l’Université de Gand y auront accès en temps réel, mais elles ne quitteront pas la banque. Cela garantit la sécurité. La vie privée des clients est également pleinement respectée. L’intérêt pour nous se situe dans des informations macroéconomiques intéressantes, qui permettent à la banque de mieux conseiller ses clients”, complète Kristof Meganck qui précise que les données sur lesquelles travailleront les spécialistes de l’université de Gand seront bien évidemment agrégées et anonymisées.

Dans un premier temps, l’objectif de Prometis Lab sera d’étendre et d’affiner les prévisions économiques fournies par son outil de “nowcasting“. Au lieu de simplement chiffrer la croissance économique nationale, l’idée est de dégager rapidement les nouvelles tendances à l’œuvre dans la société, les interactions économiques entre les différentes régions et secteurs, etc. “De cette manière, nous souhaitons créer un tableau de bord qui nous permette de suivre l’évolution économique semaine après semaine, secteur par secteur et région par région, voire par catégories d’âge. Cela devrait fournir, par exemple, une image beaucoup plus précise du pouvoir d’achat que celle actuellement disponible”, explique Milan van den Heuvel, professeur à l’Université de Gand et directeur de l’équipe des chercheurs de Prometis Lab.

“C’est un trésor de données jusqu’ici non explorées qui s’ouvre à nous.” – Koen Schoors (UGent)

C’est que l’IA est un moyen supplémentaire d’exploiter les données pour les banques. Elle peut conduire à des informations plus précises et plus complètes sur la façon dont les citoyens réagissent, par exemple, au changement climatique, mais aussi sur la façon dont le comportement d’investissement des entreprises évolue, sur les dépenses des ménages en matière d’énergie en réaction à tel ou tel événement, sur l’impact d’un lockdown sur la consommation en zones rurales et urbaines, etc. “Grâce à l’IA et à la disponibilité des données bancaires, c’est un trésor de données jusqu’ici non explorées qui s’ouvre à nous”, souligne Koen Schoors, professeur d’économie appliquée à l’Université de Gand, qui parle d’un modèle de collaboration unique. “Le fait qu’une banque et une université prennent conjointement cette initiative est tout à fait exceptionnel. Les résultats de nos recherches serviront non seulement à la banque, mais permettront également aux décideurs politiques de prendre des décisions plus rapides et meilleures. De cette façon, c’est la société dans son ensemble qui bénéficiera de nos travaux.”

Enjeu économique

Bien sûr, les résultats de ces recherches contribueront aussi au développement de la stratégie IA de BNP Paribas Fortis. L’importance économique de l’analyse des données et de l’IA augmente en effet rapidement, confirme Anthony Belpaire, responsable analytics & artificial intelligence de BNP Paribas Fortis, faisant référence à une étude du Boston Consulting Group selon laquelle l’IA pourrait conduire à une croissance de la productivité de 9 % en Belgique d’ici 2033. Une croissance de la productivité dont les secteurs informatique et bancaire devraient bénéficier le plus dans la mesure où “l’application de l’intelligence artificielle dans le secteur bancaire conduit à une meilleure expérience client, à de nouveaux produits, à un meilleur accompagnement des collaborateurs, à une prévention de la fraude et à une lutte plus forte contre la cybercriminalité”, indique Anthony Belpaire.

Le groupe BNP Paribas compte à l’heure actuelle 700 applications intégrant l’intelligence artificielle.

Plus concrètement, le groupe BNP Paribas, qui compte à l’heure actuelle 700 applications intégrant de l’IA, a pour ambition de dégager un demi-milliard d’euros de profits supplémentaires, d’une part grâce à des gains d’efficacité et d’autre part grâce à l’augmentation des revenus. Un exemple est l’analyse des dossiers de crédit, pour lequel l’IA devrait permettre de décider plus rapidement d’accorder ou non un crédit. Le groupe bancaire français et sa filiale belge BNP Paribas Fortis sont convaincus, en somme, que le potentiel est énorme en innovant et en collaborant avec des partenaires tels que le monde universitaire.

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