Christine Lagarde: “Le rapport Draghi est un diagnostic sévère, mais juste”

Christine Lagarde © belga
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

En marge des commentaires concernant la décision d’abaisser le taux directeur européen de 25 points de base, la présidente de la BCE a également fait l’éloge du rapport de Mario Draghi sur la compétitivité de l’Union européenne.

La BCE a donc décidé, sans grande surprise, d’abaisser son taux directeur, celui de la facilité de dépôt, de 25 points de base. Il est désormais passé à 3,50%. Le taux des opérations principales de refinancement et de la facilité de prêt marginal seront abaissés, à respectivement 3,65 % et 3,90 %.

La BCE avait annoncé voici des mois qu’elle allait réduire un peu l’écart entre le taux de sa facilité de dépôt et celui des opérations principales de refinancement, pour le faire passer de 25 à 15 points de base. Voilà donc qui est fait. 

Sévère, mais juste

Mais en dehors des explications de la présidente de la BCE Christine Lagarde, ce que l’on retiendra sans doute de la conférence de presse qui a suivi cette décision ce sont les commentaires de la patronne de la BCE à l’égard du rapport de Mario Draghi sur la compétitivité de l’Union européenne.

Christine Lagarde en fait l’éloge. « Nous n’avons pas eu le temps de tout disséquer. Personne d’ailleurs n’a eu le temps de le faire, parce que le rapport est suffisamment substantiel pour nécessiter plus de temps et une attention particulière. Mais c’est un rapport formidable en ce sens qu’il pose un diagnostic sévère, mais juste. Il indique également des réformes structurelles, des propositions pratiques pour réaliser de telles réformes structurelles qui pourraient être extrêmement utiles pour que l’Europe soit plus forte, mais aussi pour que nous, en tant que banque centrale, obtenions de meilleurs résultats dans le cadre de notre politique monétaire. Si la productivité peut augmenter grâce aux réformes structurelles, ce serait une très bonne nouvelle pour nous. Si l’union des marchés de capitaux peut être mise en œuvre et que davantage de fonds sont disponibles pour financer l’innovation, c’est également une bonne nouvelle pour nous »

Une réduction modérée

Quant aux dernières décisions de politique monétaire, Christine Lagarde explique les raisons qui ont poussé la BCE à réduire ses taux, mais à les réduire modérément, tout cela dans le but de réduire la surchauffe des prix et de faire retomber à la fin de l’an prochain l’inflation aux alentours de 2%.

« Nous avons procédé, comme nous le faisons normalement, en examinant les données  à travers le prisme de nos trois critères clés », indique la présidente de la BCE. Ces trois éléments clés sont en premier lieu l’évolution de l’inflation, en deuxième l’évolution de l’inflation sous-jacente (inflation des prix en dehors des biens et services soumis à l’influence de l’état ou trop volatil ; on exclut donc les prix du pétrole, du gaz,  du tabac, de certains produits alimentaires…) et en troisième lieu l’efficacité de la transmission de la politique monétaire, autrement dit la manière dont les décisions monétaires se transmettent à l’économie.

En ce qui concerne les perspectives d’inflation, « l’inflation globale s’établirait en moyenne à 2,5 % en 2024, 2,2 % en 2025 et 1,9 % en 2026, sans changements par rapport aux projections de juin. Les projections reçues sont pratiquement inchangées par rapport à juin », note Christine Lagarde, qui ajoute que le chemin aura cependant des hauts et des bas. L’inflation dans la zone euro avait en effet atteint 2,2% en août, mais « elle devrait à nouveau s’accélérer en fin d’année, notamment parce que de fortes baisses précédentes des prix de l’énergie sortiront du calcul des taux annuels. La hausse des prix devrait s’atténuer et se rapprocher de notre objectif au cours du second semestre de l’année prochaine ». Il reste que la BCE table une fois encore sur une inflation sous les 2% à la fin 2025.

Que será, será

Les choses se compliquent du côté du second critère, l’inflation sous-jacente. De ce côté, « les projections pour 2024 et 2025 ont été légèrement révisées à la hausse, en raison d’une augmentation des prix des services plus importante que prévu. Dans le même temps, nos services continuent de tabler sur son ralentissement rapide, de 2,9 % cette année à 2,3 % en 2025 et 2,0 % en 2026 », souligne Christine Lagarde. Mais comme on sait que dans les services, une des composantes essentielles de l’évolution des prix provient des salaires, on peut donc penser que la BCE sera très attentive aux prochaines négociations salariales en Europe afin de ne pas voir apparaître une spirale prix-salaires.

Le troisième prisme est celui de la transmission de la politique. « À cet égard, nous avons tous observé que les conditions de financement restent restrictives et que l’empreinte de notre politique monétaire sur l’économie réelle est visible ».

« La décision de réduire de 25 points de base était parfaitement légitime et a été prise à l’unanimité, a ajouté Christine Lagarde.  Quant à l’avenir, je suis tenté de le dire en espagnol. Que será, será? Parce que nous avons toujours dit, et nous le répétons encore, que nous resterons dépendants des données. Et c’est particulièrement justifié au vu de l’incertitude qui règne. « 

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