“Bonjour, c’est ChatGPT. Je suis votre nouveau banquier central”

© Getty
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

L’intelligence artificielle entre de plain-pied à la BCE

C’est un document étonnant qui est apparu sur le fil du blog de la Banque centrale européenne. Il est signé Myriam Mouffakir, secrétaire générale des services de l’institution et il a pour objet l’adoption (prudente) de l’intelligence artificielle par la BCE. « Qu’il s’agisse de jouer aux échecs ou de piloter des drones, les machines sont devenues beaucoup plus intelligentes et jouent un rôle dans de nombreux domaines de notre vie. Alors pourquoi ne pas utiliser l’intelligence artificielle pour la banque centrale ? Nous utilisons actuellement cette nouvelle technologie pour certaines tâches et explorons son utilisation future pour d’autres », note Myriam Mouffakir.

Analyse de l’inflation

Bien sûr, l’IA ne va pas encore se substituer au conseil des gouverneurs et déterminer l’évolution des taux d’intérêt. Mais elle est déjà bien présente dans une composante essentielle de la détermination de la politique monétaire, à savoir l’estimation de l’inflation.

Parmi les initiatives prises par la BCE en matière d’IA en effet il en est une qui, explique Myriam Mouffakir, « vise à approfondir notre compréhension du comportement en matière de fixation des prix et de la dynamique de l’inflation dans l’Union européenne. Aujourd’hui, en appliquant le web scraping (le processus qui consiste à utiliser des algorithmes pour extraire des données de sites web, NDLR) et l’apprentissage automatique, nous sommes en mesure de rassembler une grande quantité de données en temps réel sur les prix des produits individuels ». L’un des défis, cependant, ajoute la secrétaire générale des services, « est que les données collectées sont en grande partie non structurées et ne conviennent pas directement au calcul de l’inflation. En collaboration avec des économistes et des chercheurs des autres banques centrales de la zone euro -nous étudions donc comment l’IA peut nous aider à structurer ces données afin d’améliorer la précision de nos analyses ».

Par ailleurs, la responsable des services de la BCE indique aussi que l’IA est plus largement utilisée pour classer les millions de données récoltées par l’institution dans tous les domaines. « Nos statisticiens collectent, préparent et diffusent les données de plus de dix millions d’entités juridiques en Europe, qui sont classées par secteur institutionnel (par exemple, les institutions financières, les sociétés non financières ou le secteur public). Nous avons besoin de ces classifications pour disposer des bonnes données afin d’étayer notre prise de décision. Or, ce travail manuel prend beaucoup de temps. Les techniques d’apprentissage automatique nous permettent d’automatiser le processus de classification. »

Gendarme bancaire numérique

L’IA est également présente dans le secteur de la supervision bancaire, pour aider les contrôleurs à tomber sur le bon document plutôt que passer des heures en recherche. « Pour faire leur travail, nos superviseurs analysent un large éventail de documents textuels pertinents (par exemple, des articles de presse, des évaluations de supervision et des documents propres aux banques), explique Myriam Mouffakir. Pour consolider toutes ces informations en un seul endroit, nos collègues ont créé la plateforme Athena qui aide les superviseurs à trouver, extraire et comparer ces informations.

En utilisant des modèles de traitement du langage naturel formés à partir des commentaires des superviseurs, la plateforme aide les superviseurs à classer les sujets, à analyser les sentiments, à modéliser les sujets de manière dynamique et à reconnaître les entités. Les superviseurs peuvent désormais rassembler ce type de textes enrichis en quelques secondes, ce qui leur permet de comprendre plus rapidement les informations pertinentes – au lieu de passer du temps à les rechercher. »

ChatGPT ?

Et puis qui dit IA dit aussi LLM, Large-language models (comme ChatGPT). La BCE étudie l’introduction de l’équivalent de modèles similaires à ChatGPT dans son travail. « Ils pourraient être utilisés pour rédiger les premières ébauches de code pour les experts afin de les utiliser dans l’analyse, ou pour tester les logiciels plus rapidement et de manière plus approfondie. Ces modèles peuvent également analyser, résumer et comparer les documents préparés par les banques que nous supervisons, explique Myriam Mouffakir. Ils soutiennent ainsi le travail de nos équipes de supervision. La technologie est également capable d’aider à préparer plus rapidement des résumés et des projets de notes d’information, qui peuvent aider les collègues de la banque dans leurs activités d’élaboration de politiques et de prise de décision. Un modèle linguistique étendu peut également contribuer à améliorer les textes rédigés par les membres du personnel, rendant ainsi la communication de la BCE plus facile à comprendre pour le public », ajoute-t-elle.

Finalement oui, un jour, vous pourriez avoir une conférence de presse à Francfort avec un humanoïde disant : « bonjour, je remplace Christine Lagarde et je vais vous expliquer notre politique monétaire ».

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content