Berlin ne veut pas d’une mainmise d’UniCredit sur Commerzbank
Le gouvernement d’Olaf Scholz s’oppose à un potentiel rachat de la deuxième banque allemande par l’établissement italien qui donnerait naissance au cinquième groupe bancaire en Europe.
Nouveau rebondissement dans la saga du plus gros deal bancaire de l’année. Poursuivant son offensive Commerzbank, UniCredit a annoncé, ce lundi, avoir racheté un paquet de produits dérivés convertibles en actions lui permettant de devenir premier actionnaire de la deuxième banque d’Allemagne, avec 21 % du capital.
Ce nouveau raid intervient quelques jours seulement après l’entrée spectaculaire du groupe dirigé par Andrea Orcel au capital de Commerzbank. Le 11 septembre dernier, UniCredit avait en effet profité d’une mise en vente par Berlin d’un paquet de ses titres Commerzbank (équivalant à 4,5 % du capital) pour acquérir au total 9 % des actions, devenant ainsi le deuxième actionnaire du groupe, à la grande surprise de Berlin.
Une “attaque inamicale”
Surprenante, mais saluée en Bourse, l’offensive est également jugée opportune par les régulateurs européens qui souhaitent depuis longtemps voir une consolidation du secteur se concrétiser. Dans la foulée du rapport Draghi, qui pointait le décrochage de l’Union européenne avec les États-Unis et la Chine, le vice-président de la Banque centrale européenne (BCE), Luis de Guindos, a en effet remis une couche, se prononçant “en faveur de fusions et d’acquisitions plus importantes au sein du secteur bancaire européen”.
Mais cet intérêt d’UniCredit pour Commerzbank, véritable colonne vertébrale de l’économie allemande, considérée comme une cible attractive vu aussi sa valeur en Bourse inférieure à 20 milliards d’euros, passe mal à Berlin. Depuis New York, où il participe à l’assemblée générale de l’ONU, le chancelier allemand Olaf Scholz a condamné de manière cinglante les manoeuvres menées par UniCredit pour racheter sa concurrente dénonçant une une “attaque inamicale”, ajoutant que “les prises de contrôle hostiles ne sont pas une bonne chose pour les banques”. Ancien président de BlackRock et futur concurrent d’Olaf Scholz pour la chancellerie en 2025, Friedrich Merz a qualifié l’hypothèse d’une fusion de “signal désastreux” pour le secteur bancaire allemand. Quant aux employés de Commerzbank, ils se sont rassemblés hier, devant le siège du groupe, à Francfort, pour protester contre un potentiel rachat.
Souveraineté bancaire
La polémique est bien sûr révélatrice de l’importance qu’attachent toujours les États à leur souveraineté bancaire. Elle témoigne aussi de la mauvaise passe que traverse aujourd’hui l’économie allemande, déstabilisée par la crise du secteur automobile. Comme l’écrit l’économiste de la banque CBC Bernard Keppenne sur son blog, cette polémique autour du rachat de Commerzbank est symbolique dans la mesure où le secteur financier allemand fait l’objet d’une concentration, non pas par des acteurs allemands, mais des banques européennes : “Il y a d’un côté, la montée en puissance dans le capital de la Commerzbank d’UniCredit, au grand dam du gouvernement allemand. Et d’un autre côté, BNP Paribas qui a annoncé avoir signé un accord avec HSBC en vue de l’acquisition de ses activités de banque privée en Allemagne”.
C’est aussi la preuve, selon Bernard Keppenne, que “le modèle allemand tourné vers les exportations est fondamentalement remis en cause, quand on observe l’évolution des exportations allemandes et italiennes on constate que ces dernières ont augmenté nettement plus vite que les exportations allemandes ces dernières années”.
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