Belfius AM : les taux devraient baisser au deuxième semestre 2024

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Inflation, taux, croissance, cela s’améliore, mais nous ne sommes pas revenus au monde d’avant, note Maud Reinalter, de Belfius AM.

En présentant les convictions de Belfius Asset Management ce mercredi, Maud Reinalter, Chief Investment Officer, a délivré plusieurs messages. Le premier est que les banques centrales sont sur la bonne voie pour maitriser l’inflation, ce qui devrait mener à une baisse des taux. Elle n’interviendrait cependant que dans la deuxième partie de l’an prochain. Ensuite, on constate que par rapport à l’économie américaine, l’européenne reste faiblarde. Et puis, concernant les prix de l’énergie, et notamment du baril, le marché réagit comme si  les risques géopolitiques allaient se tasser l’an prochain. Mais n’est-ce pas trop optimiste ?

Inflation : objectif 2,1% en 2025

L’inflation tout d’abord. « Nous pensons qu’elle va continuer à baisser, que ce soit en zone euro ou aux États-Unis, mais qu’elle restera au-dessus encore des objectifs des banques centrales, au moins jusqu’à la fin du premier semestre, affirme Maud Reinalter. Cela veut dire que, pour nous, les banques centrales, ne descendront pas les taux avant la deuxième moitié de l’année ».

L’inflation, rappelle la CIO, a en effet continué de ralentir globalement en novembre. Selon la première estimation d’Eurostat, le taux d’inflation dans la zone euro est passé à 2,4% en novembre, contre 2.9% en octobre. » Les chiffres au mois de novembre  sont très bas, mais il convient de prendre en compte des effets de base (il y a un an, en novembre, les prix avaient particulièrement flambé, NDLR), qui vont se retourner sur les deux prochains mois, notamment au vu des prix de l’énergie. Ensuite, dans la zone euro, l’inflation devrait remonter un petit peu pour rebaisser ensuite ». L’inflation, qui était en moyenne de 5,3% cette année, tombera à 2,9% l’an prochain et 2,1% en 2025, soit l’objectif de la BCE.

Aux Etats-Unis, l’inflation passerait de 4,1% cette année à 2,6% l’an prochain et 2,4% en 2025. « Les éléments importants à prendre en compte, sont la normalisation du marché de l’emploi aux Etats-Unis (la pression sur l’emploi et les salaires avait été une des composantes de la forte inflation américaine) ; la baisse des loyers qui vont eux aussi se normaliser et une normalisation des prix de l’alimentation. Cette inflation avait été générée, comme vous le savez, après la période du Covid, et la crise en Ukraine, rappelle Maud Reinalter. Ces éléments, comme les goulots d’étranglement, les prix des transports, etc., devraient également continuer à se normaliser pour nous.

Cela devrait donc mener à une baisse des taux, que le marché anticipe déjà fort bien. Belfius AM table sur une baisse de 50 points de base tant aux Etats-Unis qu’en Europe. Fin de l’an prochain, Belfius AM anticipe un taux directeur de la BCE (le taux principal de refinancement) à 3,5%, contre 4% aujourd’hui. Et aux États-Unis, les taux des Fed funds devraient suivre la même tendance, passant de 5,25%-5,5% aujourd’hui à 4,75%- 4,5% dans un an.

Energie : le marché fait comme si…

Mais le point important dans l’inflation est l’évolution des prix de l’énergie. Or là, il subsiste des inconnues.

Les prix de l’électricité, du gaz, du pétrole ont fort monté puis  fort baissé. Mais ce n’est pas le monde d’avant. « Un consommateur européen payait en 2019 aux alentours de 21 cents du kilowattheure pour sa consommation d’électricité. Aujourd’hui, il paie, même après la baisse des prix, encore 29 cents. C’est une augmentation de 40% sur sa facture énergétique et c’est un budget qui va moins dans d’autres dépenses, notamment des loisirs ou des consommations de biens. De même du côté des activités industrielles très friandes d’énergie importée. Cela pèse sur l’activité en zone euro », note la CIO de Belfius AM. Et c’est aussi pour ça qu’aujourd’hui, « l’activité et la croissance en zone euro sont plus fragiles qu’aux Etats-Unis qui sont eux indépendants sur le plan énergétique », ajoute-t-elle.

Si donc l’inflation, dans un scénario de base, devrait s’assagir, on ne peut pas exclure complètement un scénario plus sombre si jamais le marché devait perdre son relatif optimisme. « Si on regarde l’évolution de ce qui est attendu ces prochains mois, on voit que tant pour le prix du Brent que le prix du gaz, les attentes des investisseurs sont plutôt à la baisse », souligne Maud Reinalter. Sur le marché du Brent, le pétrole de référence de la mer du Nord, le prix actuel avoisinait  90 dollars fin octobre, mais est en effet retombé aux alentours de 76 dollars actuellement et le marché anticipe encore bien plus bas en 2025.  « Il n’y a aucune prime de risque liée à des problèmes géopolitiques qui sont encore là aujourd’hui, poursuit la CIO. Pourtant, que ce soit le conflit entre Israël et le Hamas ou la guerre en Ukraine, ces éléments sont encore là aujourd’hui, dit-elle. Mais au vu des prix, on anticipe une résolution calme des différents conflits. Cela nous nous fait dire qu’il existe toujours un risque de résurgence de l’inflation en zone euro, notamment à cause d’éventuelles fluctuations des prix de l’énergie ».

Une économie sur le fil

On marche donc sur un fil, et cela se voit à la fois dans les baromètres des industries et des ménages que dans les prévisions de croissance pour la zone euro. Au niveau des baromètre, l’indice des « directeurs d’achat » des entreprises de la zone euro « a enregistré un nouveau creux cyclique au début du quatrième trimestre, annulant la légère reprise observée à la fin du troisième trimestre. Cette tendance à la baisse a touché à la fois le secteur manufacturier et les services », précise la CIO de Belfius AM.

Même si ce secteur est plus résistant chez nous, l’état de santé, en Europe, de la construction et de l’immobilier « reste particulièrement préoccupant, surtout en Allemagne, où des annulations et des absences de commandes atteignent des niveaux records depuis 1991, date à laquelle l’indicateur IFO a commencé à exister. Les prix immobiliers continuent de chuter de 10% en rythme annuel, une tendance qui pourrait s’étendre à l’ensemble de l’Europe », observe Belfius AM.

Maud Reinalter ajoute que « la faiblesse de la demande domestique n’est pas compensée par la demande internationale, car les échanges mondiaux demeurent faibles. La hausse des taux entraîne une contraction du crédit tant pour les particuliers que pour les entreprises, tandis que les prix de l’immobilier pèsent sur un moral déjà bas ».

Tout cela devrait s’améliorer, mais petit à petit. Dès lors, Belfius AM table sur une croissance de 0,9% et 1,2% dans la zone euro en 2024 et 2025. La Belgique ferait un peu mieux, avec 1,2% l’an prochain et 1,5% en 2025.

Et avec des taux si faibles, on ne peut pas exclure, en cas d’accidents, que l’Europe ne retombe en récession pendant un moment au cours des deux années qui viennent…

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