Affaire Reynders : les explications d’ING laissent les députés perplexes

Didier Reynders, pourtant "personne politiquement exposée", aurait déposé de fortes sommes en cash sur son compte ING pendant des années, sans réaction de la part de la banque. © BELGAIMAGE
Baptiste Lambert

En commission des Finances, les auditions des banques sur la lutte contre le blanchiment ont viré à l’interrogatoire. Le cas Reynders, bien que rarement nommé, a cristallisé les critiques des députés. En particulier, les arguments d’ING étaient attendus.

L’audition des principales banques belges à la Chambre, ce mardi, portait officiellement sur la législation anti-blanchiment. En filigrane, un nom omniprésent sans jamais être prononcé : Didier Reynders. L’ancien commissaire européen est aujourd’hui au cœur d’une enquête pour trafic d’influence, après avoir déposé près de 700.000 euros en liquide sur son compte ING, sans le moindre signalement à la CTIF, la Cellule de traitement des informations financières, pendant de longues années.

Face aux députés, les représentants d’ING ont tenté de rassurer. « Nous screénons 3 millions de clients, dont 2.100 PEP (personnes politiquement exposées). Nos systèmes IT déclenchent des alertes, qui sont ensuite analysées par un expert anti-blanchiment, en toute indépendance », a exposé Olivier De Maesschalck, chef de la conformité. La banque assure avoir traité 8 milliards de transactions annuelles, avec une attention accrue pour quelque 20.000 clients à risque.

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Mais la réalité du terrain contredit ce tableau théorique. Interrogé dès 2018 sur ses dépôts, Reynders n’a pas été signalé. Ni en 2019, quand les soupçons de corruption ont émergé publiquement. Il a fallu attendre 2023 et la dénonciation de la Loterie nationale pour que la banque transmette enfin un signalement.

Une ligne de défense peu convaincante

La ligne de défense d’ING repose sur le « facteur humain » et le contexte de l’époque. « On ne peut pas analyser le passé avec notre regard d’aujourd’hui », a insisté De Maesschalck. Une formule qui a irrité plusieurs parlementaires.

Khalil Aouasti (PS) a été le premier à briser le silence en citant directement le nom de Didier Reynders : « En dix ans, près de 700.000 euros ont été déposés sans éveiller le moindre soupçon, jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle directive. Il y a alors un signalement et, finalement, cinq ans plus tard, une dénonciation. »

Même ton critique du côté de Sofie Merckx (PTB), qui s’est dite étonnée qu’une personnalité aussi connue que Didier Reynders ait échappé aux radars : « Ce sont des dépôts en cash, il n’y avait pas de montage sophistiqué. Et vous nous expliquez qu’en moyenne, un signalement part à la CTIF en 90 jours, mais dans ce cas, il a fallu des années. »

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Des chiffres inquiétants

L’affaire Reynders soulève une interrogation plus large : le fonctionnement même du régime anti-blanchiment. Selon les chiffres cités en commission, la Belgique compterait 16 milliards d’euros de fraude blanchiment chaque année. Pourtant, en 2024, sur 90.000 signalements, seuls 1.300 dossiers ont été transmis à la justice, pour un total de 1,5 milliard d’euros.

Autrement dit, moins de 2 % des dossiers aboutissent à une suite judiciaire. Un taux qui interroge sur l’efficacité réelle du système.

Suite au prochain épisode

ING est désormais visée par une enquête du parquet de Bruxelles. Elle porte notamment sur un possible trafic d’influence lié à la non-dénonciation des opérations suspectes de vice-premier ministre libéral.

Au terme de quatre heures d’audition, les députés n’ont obtenu que peu de réponses concrètes. La suite des échanges est renvoyée à une date ultérieure. La frustration était palpable.

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