Fusion des zones de police : une réforme aux airs communautaires ?

Illustration © belga

Le Conseil des ministres a donné vendredi son feu vert à l’avant-projet de loi sur la fusion des zones de police. Annonce qui suscite de vives réactions chez les Engagés et socialistes bruxellois, et est applaudie par les partis néerlandophones bruxellois de la majorité fédérale.

La première application de ce texte aura lieu à Bruxelles, où les six zones actuelles fusionneront en une zone unique. Cette fusion sera obligatoire. Le ministre de l’Intérieur, Bernard Quintin (MR), entend publier un premier arrêté royal d’exécution à la mi-2026. Concrètement, la future zone unique de Bruxelles regroupera les six zones de police actuelles en une seule entité. Elle disposera d’un commandement unifié, opérant sur base d’une vision globale de la sécurité pour l’ensemble de la capitale, définie par les 19 bourgmestres en collaboration avec les autorités judiciaires au sein du collège de police. Selon le ministre, cette zone unique sera la plus grande de Belgique avec 6.500 agents opérationnels et quelque 1.000 cadres logistiques.

En pratique, le collège de police décidera de la répartition des effectifs sur le territoire bruxellois. Des balises seront prévues dans la loi, afin de garantir une représentation équitable entre grandes et petites communes. Des normes minimales de proximité seront respectées, tant en matière de présence d’agents de proximité dans chaque commune que de commissariats accessibles et d’horaires adaptés aux besoins de la population.

Opposition au texte : internes au gouvernement…

Le président des Engagés Bruxelles, Christophe De Beukelaer, et les bourgmestres de sa formation dans la capitale (les Engagés font partie du gouvernement fédéral) ont du mal à avaler la nouvelle étape franchie vendredi dans le dossier de la fusion des zones de police de la capitale. Selon eux, Bernard Quintin n’a pas respecté l’engagement qu’il avait pris devant les bourgmestres de la capitale de lier directement ce dossier à celui de la révision de la norme dépassée de financement des zones de police défavorable aux polices locales de la capitale.  

“Il n’y a pas encore d’accord au comité ministériel restreint sur la fusion des zones de police. Les communications du jour du ministre de l’Intérieur, Bernard Quintin (MR), font craindre cependant, le non-respect de l’engagement qu’il a pris lui-même devant les bourgmestres bruxellois du refinancement structurel de la police bruxelloise comme condition « consubstantielle » de la fusion obligatoire des zones de police”, a ainsi déclaré le président des Engagés Bruxelles, Christophe De Beukelaer.  Il ressort pourtant d’une copie de la notification du Conseil des ministres fédéraux obtenue à bonne source que ce point portant le numéro 90 est bien passé et que l’avant-projet peut-être envoyé pour avis au Conseil d’Etat.

De son côté, le bourgmestre Engagés de Woluwe-Saint-Pierre, Benoît Cerexhe, a répété l’opposition des quatre bourgmestres de sa formation contre “une fusion qui coûtera cher sans améliorer la sécurité pour les habitants” et qui ouvre la porte à la revendication flamande d’une fusion des CPAS et des communes”.  “La fusion obligatoire des zones de police bruxelloises a été acceptée par Les Engagés dans l’accord Arizona dans un compromis global et à condition qu’elle soit assortie d’un refinancement structurel de la police à Bruxelles. Selon les estimations, le sous-financement de la police bruxelloise sur la législature est estimée entre 300 et 500 millions d’euros. La révision de la norme KUL doit permettre de combler ce gap de façon structurelle”, a insisté Christophe De Beukelaer.

… et externes

“Le projet porté par le MR et son ministre de l’Intérieur de fusionner les zones de police bruxelloises est mal préparé, et totalement irresponsable. Il risque de semer le chaos au sein des forces de l’ordre, de désorganiser profondément les services de proximité, et d’affaiblir davantage la capacité de réaction sur le terrain”, a déclaré vendredi le député PS et ex-bourgmestre d’Evere, Ridouane Chahid. Pour celui-ci, la réforme en gestation est “sans réelle concertation, sans analyse sérieuse d’impact sur la sécurité des citoyens, et sans considération pour le travail des agents de terrain”.

Elle n’apporte aucune réponse opérationnelle aux enjeux sécuritaires à Bruxelles, fragilise la stabilité des zones existantes, et éloigne la gestion de la police du contrôle local et de la population qu’elle est censée servir, plaide-t-il. “Le plus grave, c’est l’hypocrisie manifeste de ce gouvernement: alors qu’on parle de sécurité, où sont les 800 policiers supplémentaires promis depuis des années pour assurer la sécurité des Bruxellois? Où sont les moyens concrets pour lutter efficacement contre des réseaux de narcotrafiquants qui disposent de moyens technologiques, et financiers bien supérieurs à ceux des forces de l’ordre”, a-t-il interrogé.

De son côté, le député DéFI, François De Smet, a évoqué une “fusion forcée, contre la volonté des intéressés, réclamée par les nationalistes flamands depuis des années, et à laquelle les Bruxellois avaient toujours résisté”. Pour celui-ci, cette “trahison va affaiblir la police de proximité”… “Si on veut garantir la sécurité des Bruxellois, au lieu de démanteler ce qui marche pour satisfaire l’agenda nationaliste, il faut revaloriser la police de proximité; et donner à la police judiciaire les moyens de lutter contre le narcotrafic”, a réagi l’élu amarante, sur X.

Les partis néerlandophones bruxellois soutiennent le texte

À la N-VA, chez Vooruit.brussels et le CD&V, on ne cache pas pas sa satisfaction, vendredi, à propos de la nouvelle étape franchie par le gouvernement fédéral vers la fusion des zones de police de la capitale. Leur demande déjà ancienne est ainsi en passe d’être rencontrée par l’avant-projet fédéral de fusion de ces zones. Ces trois formations ont appelé, dans le même temps, toutes les parties concernées à coopérer de manière constructive et de bonne foi pour que la fusion se déroule le mieux possible.

Concernant le chef du groupe de Vooruit.brussels au Parlement bruxellois, Pascal Smet, “l’évidence devient enfin réalité”. “Une zone de police unique garantit une plus grande proximité avec les citoyens, car elle fonctionne beaucoup plus efficacement. Pratiquement toutes les grandes villes européennes disposent d’une force de police unifiée. Il est logique que Bruxelles rejoigne enfin cette liste. Tout le monde doit maintenant coopérer de bonne foi pour que la fusion se déroule le mieux possible”, explique-t-il.

À la N-VA la réaction du député bruxellois Mathias Vanden Borre va dans le même sens: “Ce que nous réclamons depuis des années se concrétise enfin”. Pour lui, cette réforme indispensable est “un pas important dans la bonne direction pour répondre aux problèmes de sécurité à Bruxelles”.

Benjamin Dalle, député bruxellois du CD&V, la fusion est un pas important vers une approche unifiée de la sécurité. “Il y aura enfin une unité de commandement, tout en maintenant la proximité grâce aux commissariats et aux agents de quartiers. Cette proposition allie économies d’échelle et ancrage local, offrant ainsi une plus grande cohérence dans la lutte contre la criminalité dans l’ensemble de la Région.”

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content