Le déficit de Bruxelles n’est plus maîtrisé

Le déficit budgétaire du gouvernement bruxellois atteindra cette année un niveau record de 1,6 milliard d’euros. Si rien ne change, la dette grimpera à 322 % des recettes d’ici 2029. Dix mois après les élections, toujours aucune majorité. Faut-il attendre que les banques ferment définitivement le robinet du crédit ?
All quiet on the Brussels front (Tout est calme sur le front bruxellois). On pourrait difficilement mieux résumer l’état actuel des choses. Dix mois après les élections régionales, la formation d’un gouvernement à Bruxelles est toujours au point mort, et cela dans une indifférence croissante. Le cabinet du ministre-président sortant Rudi Vervoort (PS) donne une impression de vide. Seul le drapeau orné de l’iris bruxelloise rappelle qu’un exécutif y siège encore.
Ce vide politique contraste fortement avec l’aggravation de la situation financière de la Région. Le gouvernement en affaires courantes gouverne, sous la houlette du ministre des Finances Sven Gatz (Open Vld), via des douzièmes provisoires. Mais selon les chiffres les plus récents, le déficit continue de se creuser.
Quelle est l’ampleur du déficit ?
En 2024, le déficit de la Région bruxelloise s’élevait à 1,4 milliard d’euros. Cette année, il atteindra 1,6 milliard, soit plus de 21 % des recettes, qui s’élèvent à 7,6 milliards.
Ce gouffre se creuse sans qu’aucune politique nouvelle n’ait été menée. L’une des causes avancées est la taille de l’appareil administratif régional qui va toujours en augmentant. Au premier semestre 2025, les dépenses pour celui-ci devraient bondir de 33 %, soit 300 millions d’euros. Ce chiffre inclut l’indexation automatique des salaires et le versement du pécule de vacances. Résultat : le déficit bruxellois est désormais totalement hors de contrôle.
Y a-t-il des réactions politiques ?
Les partis d’opposition, le MR et la N-VA, s’interrogent vivement. Dans toute démocratie, le parlement a pour mission première de contrôler la politique budgétaire du gouvernement. Or, à Bruxelles, il n’y a plus de gouvernement effectif, et l’équipe sortante se montre peu présente.
Même si elle le souhaitait, la coalition PS, Ecolo, DéFI, Groen, Vooruit et Open Vld ne dispose plus d’une majorité au Parlement régional. Et rien, en particulier du côté du PS, n’indique une quelconque volonté d’accélérer la formation d’un nouvel exécutif, encore moins de remettre de l’ordre dans les finances.
Que sait-on des finances bruxelloises ?
Très peu, et c’est justement ce qui inquiète. Depuis trois ans, et ce consécutivement, la Cour des comptes refuse de se prononcer sur la validité du budget bruxellois. En parallèle, le responsable de l’agence de la dette de la Région refuse systématiquement de s’exprimer publiquement.
Ce manque de transparence alimente les pires craintes. Et, la Région bruxelloise pourrait bientôt se retrouver en « quasi-tutelle ».
En effet, la situation est critique. La dette de la Région s’élève actuellement à 14,5 milliards d’euros. Si rien ne change, elle atteindra 22,2 milliards d’euros en 2029, soit 322 % des recettes annuelles. Un seuil explosif, bien au-delà des 205 % considérés comme soutenables par la Région elle-même.
Cette dette entraîne déjà une charge d’intérêts annuelle de 372 millions d’euros. D’après le Bureau du Plan, cette charge grimpera à 670 millions d’euros par an d’ici la fin de la législature.
Y aura-t-il une nouvelle dégradation de la note de crédit ?
C’est probable. En juin, l’agence Standard & Poor’s publiera un nouveau rapport sur la situation budgétaire de Bruxelles. Une nouvelle dégradation de la note, après celle de l’an dernier (de AA- à A+), est largement attendue. Elle entraînerait aussi une hausse du coût de l’emprunt pour la Région.
Peut-être cette pression incitera-t-elle enfin les partis à former un gouvernement régional. Si ce n’est pas le cas, il faudra attendre que les banques referment encore davantage le robinet. Belfius a déjà donné le ton : sa ligne de crédit pour la Région a été réduite de 500 à 200 millions d’euros.
Bruxelles peut-elle encore redresser la barre seule ?
La question mérite d’être posée. La capacité budgétaire et fiscale de la Région semble aujourd’hui insuffisante pour mener seule un assainissement d’ampleur. Il paraît inévitable que l’État fédéral — voire les autres Régions — soient impliqués dans le redressement.
Ainsi, sans coordination et action rapide, la Région s’achemine vers une perte de contrôle partielle sur sa propre gestion budgétaire.
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