Amid Faljaoui

Après le cash, c’est au tour du secret de disparaitre de nos sociétés

Parfois, c’est une anecdote, un article en apparence anodin ou une phrase au détour d’une conversation qui peut vous mettre la puce à l’oreille. C’est ce qui s’est passé cette semaine en ce qui me concerne sur la fin du secret. Le petit ou le grand secret n’existera bientôt plus. Nos enfants parleront du secret comme d’une notion exotique, un truc de vieux, d’un autre monde.

Si vous ne me croyez pas, relisez d’abord la réaction violente d’Elon Musk en début de cette semaine. Dans un tweet dont il a le secret, le patron de Tesla et SpaceX a indiqué qu’il interdirait l’usage des iPhones dans son entreprise à cause des risques qui pèsent sur la protection des données. C’est étonnant car Apple est plutôt connue comme l’entreprise qui rigole le moins avec la confidentialité de nos données. L’entreprise à la pomme en a même fait son cheval de bataille pour se distinguer des autres géants du numérique qui sont moins à cheval sur l’usage de nos données numériques.

Mais si Elon Musk a vu rouge cette semaine, c’est parce qu’Apple a signé un accord avec OpenAI, la maison-mère de ChatGPT en matière d’intelligence artificielle. Cela fait croire à Elon Musk qu’Apple aurait vendu son âme au diable. D’ailleurs, il a écrit dans son tweet, et je le cite : « Apple n’a aucune idée de ce qui se passera une fois qu’elle confiera vos données à OpenAI. Apple vous poignarde dans le dos. »

À vrai dire, au-delà d’Apple, la question qui se pose aux citoyens mais aussi et surtout aux entreprises, c’est : que reste-t-il du secret ? L’écrivain allemand Goethe disait qu’il n’y a « pas de héros pour son valet », sous-entendu, difficile de passer pour un grand personnage pour la personne qui vit quotidiennement avec nous et connaît le moindre de nos travers. Or, c’est exactement ce qui se passe avec la technologie, comme nous le rappellent mes confrères des Echos. Sauf que la technologie est à la fois notre valet et notre maître.

Prenez l’exemple de Microsoft. Pas plus tard qu’au mois de mai dernier, cette firme américaine a annoncé une nouvelle fonctionnalité baptisée « recall » qui va enregistrer toutes les 5 secondes l’ensemble de nos écrans d’ordinateur dès que le contenu sera différent du cliché précédent. En clair, Microsoft va avoir une mémoire totale de notre navigation. Bien sûr, comme toujours, ce genre de firme vous dit le cœur sur la main que cette fonction est désactivable et que les captations seront stockées localement, mais il n’empêche, en bon français, ça s’appelle la fin du secret.

Depuis lors, Microsoft a rétropédalé en annonçant que cet outil sera optionnel et pas activé par défaut. Mais ces déviances ou tentatives de déviances, on les a déjà vues par le passé avec les enceintes connectées d’Amazon. Souvenez-vous de la fameuse enceinte connectée Alexa, qui écoutait les conversations dans la maison sans y être invitée. Bien sûr, là encore, Amazon s’est excusée.

Les Echos nous rappellent également que le patron de Facebook s’est déjà excusé publiquement 20 fois pour des dérapages liés à des fuites de données ou des manipulations de l’opinion publique. Excusez-vous, excusez-vous, mais le business continue. Surtout que les États-Unis viennent encore de prolonger une loi leur permettant d’exiger des opérateurs de télécoms et de services numériques américains de fournir toute donnée numérique utile, et cela, peu importe le pays où est localisée cette donnée. Les entreprises européennes qui utilisent le cloud américain sont en réalité nues, toutes nues, devant l’administration américaine ou les services secrets américains.

Ainsi, de même que la disparition du cash a été programmée par les banques avec des prétextes fallacieux, de même, la disparition du secret est inscrite dans les astres et menée tambour battant par les géants du numérique. Le vrai luxe demain sera d’être anonyme, mais il faudra être très riche pour rester encore anonyme.

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