L’Asie est le prochain eldorado des investisseurs 

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La baisse des taux devrait permettre un retour de l’appétit pour le risque chez les investisseurs particuliers.

M&G est un gestionnaire de fonds britannique, qui s’est constitué une solide réputation sur le marché belge grâce à ses produits obligataires et diversifiés. Amundi est le plus grand gestionnaire d’actifs au niveau européen. Nous avons récemment eu l’opportunité de rencontrer Valérie Baudson (CEO d’Amundi), Andrea Rossi (CEO de M&G) et Joseph Pinto (CEO de M&G Investments) afin qu’ils nous livrent leur analyse concernant le marché des fonds et les opportunités d’investissement pour les particuliers.

TRENDS-TENDANCES. Quel rôle l’industrie des fonds peut-elle jouer pour stimuler la croissance de l’économie ?

ANDREA ROSSI. Lorsque vous regardez les Etats-Unis, le volume des actifs privés est trois fois plus grand qu’en Europe, notamment parce que le rôle des banques est beaucoup moins important. Il y a clairement une opportunité pour développer ce marché en Europe, laquelle devrait bénéficier d’une croissance significative durant les prochai­nes années notamment en raison des besoins liés à la transition verte. Les licornes européennes ont généralement bénéficié d’importants capitaux privés américains, de sorte qu’elles se dirigent naturellement vers les Etats-Unis lorsqu’elles cherchent à s’introduire en Bourse. C’est fondamentalement dommage que toute cette innovation ne bénéficie finalement pas aux marchés européens. Nous devons garantir aux investisseurs particuliers un meilleur accès aux actifs privés, notamment grâce aux nouveaux fonds Eltif (ndlr: fonds européens d’investissement à long terme) qui ont vu le jour ces dernières années.

VALERIE BAUDSON. Les actifs privés sont bien connus des investisseurs professionnels, en raison de leur rendement attractif et de leur moin­dre corrélation avec les autres marchés financiers. Les nouveaux produits Eltif devraient permettre aux particuliers d’avoir accès à ce marché, mais il est encore un peu tôt pour savoir véritablement quelle sera la place prise par les Eltif. Les premiers produits viennent seulement de faire leur apparition et il faut toujours un temps d’adaptation de la part des clients. Nous avons néanmoins acheté récemment le spécialiste suisse Alpha Associates pour nous renforcer sur ce segment des actifs privés, qui représente chez Amundi environ 75 milliards d’euros en actifs sous gestion.

Quelles sont les tendances que vous observez actuellement sur les marchés européens en termes de produits ?

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A.R. Les fonds monétaires ont été particulièrement recherchés l’année dernière. La deuxième tendance que nous obser­vons en Europe est la durabilité et l’impact. Fondamentalement, les investisseurs européens veulent ce qui est bon pour la planète. Avec la baisse des taux, nous pensons que les investisseurs européens vont retrouver un peu d’appétit pour la prise de risques.

Avec la baisse des taux, nous pensons que les investisseurs européens vont retrouver un peu d’appétit pour la prise de risques.” – Andrea Rossi (M&G)

V.B. Ces deux dernières années, nous avons vu une forte demande des investisseurs particuliers européens pour les fonds à maturité fixe, liée à leur appétence pour des solutions peu risquées. Ces produits très simples et très faciles à comprendre ont été très efficaces pour répondre aux clients alors qu’il y avait beaucoup d’incertitudes sur les marchés. La baisse des taux enclenchée récemment par la Banque centrale européenne devrait à l’inverse cons­tituer un climat plus favorable à des stratégies un peu plus risquées, à un retour des stratégies thématiques ou des fonds à impact.

Etes-vous tentés de proposer quelque chose dans le domaine des trackers / ETF ?

JOSEPH PINTO. Nous sommes une pure gestion active, un segment qui a subi de fortes sorties de capitaux ces dernières années en faveur des fonds monétaires et des fonds passifs. De notre côté, nous avons été en mesure de maintenir nos encours dans ce contexte difficile, et nous avons la ferme intention de rester uniquement positionnés dans le domaine de la gestion active. Nous regardons ce qui se passe dans le domaine des ETF à gestion active, car c’est une solution qui est bien adaptée aux formules de distribution numérique. Développer une expertise dans ce domaine nécessiterait toutefois de développer toute une nouvelle chaîne de valeur dans la société et d’adapter la manière dont nous vendons nos fonds.

Nous avons la ferme intention de rester uniquement positionnés dans le domaine de la gestion active.” – Joseph Pinto (M&G Investments)

V.B. De notre côté, notre philo­sophie consiste à proposer à nos clients les produits qu’ils souhai­tent avoir, que ce soit dans la gestion active ou passive. Nous avons fait l’acquisition de Lyxor en 2022 pour prendre une position de leader sur le marché européen des ETF. Dans les prochaines années, la croissance des solutions de gestion passive devrait être deux fois plus rapide que celle des fonds actifs, notamment car nous voyons un intérêt grandissant de la part des investisseurs particuliers pour ces produits. Par exemple, la croissance a été particulièrement forte sur le marché allemand depuis la pandémie, lorsque de nombreux particuliers se sont tournés vers des plateformes en ligne pour investir par eux-mêmes.

Que pensez-vous des discussions pour une suppression des rétrocessions au niveau européen ?

V.B. Je pense qu’il est important d’avoir plus de transparence au niveau des frais payés par les clients, mais je pense qu’il serait également dangereux d’interdire totalement les rétrocessions. A l’image de ce qu’il s’est passé il y a quelques années au Royaume-Uni, le risque est de voir une bonne partie des clients moins fortunés se retrouver sans possibilité d’avoir accès à des conseils professionnels pour leur épargne.

Pourriez-vous expliquer les principales différences entre les investisseurs particuliers et les investisseurs institutionnels en matière d’investissement ?

J.P. Les institutionnels gèrent leurs actifs en fonction de leurs passifs pour s’assurer qu’ils puissent faire face aux sommes qu’ils doi­vent payer sur une base mensuelle ou trimestrielle. Ils ont donc une allocation d’actifs à très long terme. Et ils disposent d’un accès à toutes les classes d’actifs pour y arriver, et donc investir sur des classes d’actifs plus risquées ou illiquides qui seront plus rentables. Les investisseurs particuliers ont tendance à être beaucoup plus prudents et à privilégier des produits de taux, notamment des fonds à maturité qui ont connu un très grand succès alors qu’ils ne suscitent pas beaucoup de demande de la part des institutionnels.

Quelles sont vos priorités pour les années à venir ?

J.P. Je souhaite continuer à internationaliser l’entreprise, en renforçant notre présence en Europe mais aussi en Asie, qui constitue une zone de croissance évidente. Nous souhaitons également continuer à proposer des solutions pour l’ensemble de nos clients, et poursuivre notre recherche d’innovation en termes de produits.

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C’est en Asie, où nous gérons déjà plus de 420 milliards d’euros, que se trouve aujourd’hui le plus fort potentiel de croissance.” – Valérie Baudson (Amundi)

V.B. Une de nos priorités pour les prochaines années est également de nous renforcer sur l’Asie, soit la zone géographique où la croissance de l’épargne et des besoins de pension sera la plus forte. Même si l’Europe est et restera notre principal marché, c’est dans cette région, sur laquelle nous gérons déjà plus de 420 milliards d’euros, que se trouve aujourd’hui le plus fort potentiel de croissance. Notre stratégie se base tant sur des filiales que sur des partenariats avec des acteurs locaux bien implantés qui nous permettent de répondre aux besoins spécifiques de certains pays. Nous avons par exemple une joint-­venture avec State Bank of India qui a une part de marché de 18% sur les mutual funds en Inde.

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