50 ans d’actions pour Citydev.brussels: “L’expérimentation doit plus que jamais être notre marque de fabrique”

Benjamin Cadranel, CEO de citydev.brussels

Un demi-siècle à transformer et redynamiser Bruxelles sur les terrains économique et du logement abordable. Citydev.brussels veut aujourd’hui accentuer son action d’innovation pour faire face aux grands enjeux régionaux. Surtout en pleine crise du logement, où de nouvelles solutions doivent émerger.

“Les actions de citydev.brussels manquent parfois de lisibilité. Nous devons encore améliorer ce volet. Car pas grand monde ne se rend bien compte du travail gigantesque effectué depuis 50 ans à Bruxelles.” Lucide mais déterminé, Benjamin Cadranel, le patron de cet organisme public chargé de produire du logement neuf abordable et des infrastructures à destination du tissu entrepreneurial bruxellois, s’installe avec aplomb autour de la grande table de réunion de ses nouveaux bureaux en cette matinée ensoleillée. Le changement de décor est, à vrai dire, radical pour cette équipe de 157 personnes. La vue plongeante sur la place Rogier change quelque peu de l’ambiance austère du siège historique de la rue Gabrielle Petit, à Molenbeek. L’occasion d’entamer au mieux le nouveau virage qui s’annonce dans les prochaines semaines : célébrer les 50 ans de l’institution et voir si ses ambitions seront confortées par le nouveau gouvernement. “Le contexte budgétaire bruxellois est, il est vrai, compliqué, reconnaît Benjamin Cadranel, à la tête de citydev.brussels depuis 2013. Mais j’ai bon espoir que nos propositions et nos axes de travail soient confortés. La rénovation urbaine reste un maillon essentiel du renouveau bruxellois. Il ne serait pas opportun de ne plus soutenir cet effort qui a contribué à transformer la ville, surtout à proximité du canal. Les décisions du gouvernement détermineront en tout cas la hauteur de nos ambitions.”

“La crise actuelle nous oblige surtout à trouver des solutions innovantes et diversifiées.”

Citycampus à Anderlecht

Il faut dire que citydev.brussels – anciennement SDRB – a bien évolué en un demi-siècle. Créée pour attirer des entreprises en ville, elle s’est réinventée au fil des crises et des opportunités. Le plus souvent en réaménageant le foncier déserté par les entreprises et en lançant des programmes de rénovation urbaine dans des quartiers où peu de promoteurs étaient intéressés d’y déposer leurs pelleteuses. Et ce via le subventionnement de l’achat de logements neufs. “Il est important de se rendre compte de la pluralité des apports que nous sommes capables de fournir dans le redéveloppement de la ville, pointe Benjamin Cadranel, qui célébrera également ses 50 ans cette année. Citydev.brussels est une vraie boîte à outils, avec une vraie cohérence dans ses actions. La plupart de ses projets sont réalisés dans une même zone géographique et ont pour ambition de créer une ville habitable, productive, durable, attractive et abordable.”

Inspirer le secteur privé

Dans les prochains mois, cette institution qui pèse 654 millions va entamer un nouveau virage de son existence. Si ses finances sont solides – avec des recettes propres qui avoisinent les 24 millions en 2023 – elle doit toutefois désormais mieux délimiter son champ d’action pour rester dans son enveloppe budgétaire. “Nous ne pouvons plus agir sur tous les fronts, analyse le CEO. Nous faisons des propositions que nous estimons les plus en phase avec le développement d’une ville résiliente, le gouvernement déterminera ensuite la ligne de conduite.” Avec, pour corollaire, un nouvel objectif en tête : que l’innovation et l’expérimentation deviennent plus que jamais la marque de fabrique de citydev.brussels. “Nous disposons déjà d’une certaine expérience en la matière. Depuis 2009, tous les logements que nous construisons sont passifs. Cela a servi de matrice à la réglementation sur le passif 2015. Même chose pour notre stratégie de rénovation urbaine qui a servi de matrice aux premières Zones d’entreprises en milieu urbain (ZEMU). Ou encore pour le recours à l’emphytéose pour les logements (600 logements sur les 2.400 dans ce pipeline, ndlr). Nous sommes donc bien dans une entreprise qui a une capacité d’innover par essais et erreurs et qui mène des opérations concrètes et tangibles qui transforment la ville.”

Un modèle d’expérimentation qui se décline notamment dans le domaine du logement et qui est appelé à encore évoluer. Si citydev.brussels doit, selon son dernier contrat de gestion, mettre sur le marché 1.000 logements neufs en cinq ans, l’impact de cette production sur le marché immobilier est en fait mineur par rapport au nombre de logements livrés chaque année. D’où le besoin d’être inventif. “Si nous en produisons 250 ou 300 par an, cela ne va rien changer au prix du marché immobilier. L’enjeu se trouve par contre dans les dynamiques nouvelles que nous pouvons initier pour les promoteurs privés. C’est sur cet axe qu’il faut travailler. D’autant plus que la crise actuelle nous oblige surtout à trouver des solutions innovantes et diversifiées. A l’avenir, il s’agira donc moins de produire quantitativement un certain nombre de nouvelles unités de logements que de rechercher et proposer de nouvelles expériences pilotes. Nous avons déjà budgété la création d’environ 1.500 logements d’ici 2027. Mais il faut maintenant lancer des expérimentations pour trouver des nouvelles formules d’aide publique, qui visent à réintégrer les habitants dans une sécurité du logement.”

Parmi les pistes qui figurent dans le mémorandum de citydev.brussels, on peut retrouver l’augmentation du recours à la vente de logements neufs via l’emphytéose (outre les 30 % de subventionnement, le prix du foncier n’est pas inclus dans le prix de vente), le lancement de formes alternatives de logement tels que le coliving subventionné ou encore le rachat de foncier d’immeubles à rénover de manière à mettre sur le marché des logements locatifs conventionnés. “Aujourd’hui, comme la plupart des villes du monde, Bruxelles est confrontée à une crise du logement sans précédent alors que devenir propriétaire est considéré comme un moyen d’émancipation. C’est rendu difficile par les prix, le coût du foncier ou encore les exigences de circularité environnementale. Mais si le gouvernement décide d’étendre le recours à l’emphytéose ou d’approuver d’autres politiques nouvelles, il devra dégager des moyens supplémentaires ou réduire le nombre de logements à produire par citydev.brussels. D’autant plus que la question de l’accessibilité se pose désormais dans toutes les communes bruxelloises. Notre champ d’action doit donc être élargi dans les zones plus aisées, même si le plan de la Région restera essentiellement centré sur le territoire du canal.”

“Nous avons déjà budgété la création d’environ 1.500 logements d’ici 2027.”


Benjamin Cadranel,
CEO de citydev.brussels

Garder la main sur le foncier

Autre enjeu essentiel désormais, garder la main sur le foncier pour pouvoir s’adapter aux futurs enjeux de la ville et y développer différents modèles de développement économique et d’habitat. “Dire que cette crise va se résoudre car des milliers de logements seront construits est faux. On le voit à l’étranger. Cela ne résout pas la totalité du problème. Ne rien faire n’est pas non plus la solution. Je pense surtout qu’il faut innover. A ce titre, la maîtrise foncière est essentielle pour orienter au mieux les politiques urbaines. C’est pour cela que ces quatre dernières années, nous avons réalisé les plus grosses acquisitions (sièges de Delhaize ou site de bpost à Anderlecht notamment, ndlr) jamais effectuées depuis les années 1990. Personne ne sait dire comment vont évoluer les modes d’habitation dans 100 ans. Mais il faut déjà s’adapter à l’évolution de la taille des ménages. Sans oublier de faire un meilleur usage des surfaces inutilisées.”

Dans le même ordre d’idées, citydev.brussels estime qu’il faut maintenir la vocation économique des derniers grands terrains disponibles à Bruxelles. Que ce soit pour Schaerbeek Formation, le site de Solvay à Neder-Over-Heembeek, l’ex-quartier général de l’Otan ou encore le site Jospahat. Il faudra également les acquérir et les développer. “Nous n’achetons aujourd’hui plus un terrain ou un bâtiment sans d’abord nous demander s’il est possible d’y combiner du logement, de l’activité productive et de l’équipement. Ce n’est que si la mixité fonctionnelle n’est pas possible à ce endroit que nous développons alors des projets monofonctionnels plus classiques.”

“​​​​​​​La maîtrise foncière est essentielle pour orienter au mieux les politiques urbaines.”

Enfin, à l’approche des 50 ans de citydev.brussels qui seront célébrés à l’automne, Benjamin Cadranel a déjà pris le temps de s’interroger sur les développements de la ville de demain. Un défi auquel il compte encore s’atteler pendant quelques années. “Il faut espérer que ce sera une ville mixte et multifonctionnelle, dit-il. Qu’elle sera plus inclusive car différentes fonctions amèneront de la mixité sociale et de l’accessibilité. La ville de demain demande une réflexion profonde sur la cohabitation entre l’habitat et l’emploi, qui suppose le retour des activités productives au sein des tissus urbains. Enfin, on doit surtout parvenir à construire une ville qui possède une intensité urbaine désirable, un nouveau concept que j’apprécie particulièrement.”

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