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Tablette, ma belle tablette…

Vingt-quatre centimètres de long, 18 de large, moins d’un cm d’épaisseur et à peine quelques centaines de grammes au compteur : qui eût cru que la tablette allait un jour – et à ce point- révolutionner nos vies ?

Car c’est bien d’une révolution qu’on parle. Sorti à l’international le 28 mai 2010, l’iPad 1 s’était vendu en moins de trois mois à plusieurs millions d’exemplaires. L’innovation, à première vue, n’était pourtant pas radicale : entre ordinateur portable et smartphone, l’engin pouvait à de nombreux égards faire “double emploi” avec d’autres appareils déjà largement répandus dans les foyers occidentaux. Et pourtant. Deux ans après sa sortie, l’iPad a déjà subi deux liftings et suscité pas mal d’émulation… pour ne pas dire pâles copies. Les chiffres donnent le tournis : selon Gartner, le marché mondial des tablettes devrait doubler en 2012 par rapport à l’année précédente, pour atteindre 118,9 millions d’unités vendues. Le marché est énorme, de même que les enjeux pour le conquérir. Les récents méga-procès qui opposent Apple et Samsung en sont la preuve : la facture s’élève déjà à un milliard de dollars pour le coréen, qui aurait enfreint certains brevets déposés par son concurrent américain. Et la saga ne fait que commencer, car les protagonistes ne semblent pas encore (trop) affaiblis par le combat. Sans oublier que les concurrents-spectateurs risquent bien d’en essuyer les plâtres, la jurisprudence pouvant les mettre également dans l’embarras.

La tablette n’a donc pas fini de faire couler de l’encre – ce qui est plutôt paradoxal, vu son impact direct sur le monde de l’édition. Moins médiatisé et donc moins connu, le contentieux entre les éditeurs de livres numériques Hachette, HarperCollins (News Corporation) et Simon & Schuster (CBS) d’une part et les distributeurs de l’autre, a débouché la semaine dernière sur un accord à l’amiable avec le ministère de la Justice américain. Pour mettre fin aux accusations d’entente illégale (proférées notamment par Amazon) entre ces trois éditeurs et Apple sur les prix des e-books, ceux-ci se sont engagés à verser 69 millions de dollars aux consommateurs grugés. L’arrangement prévoit également une période de deux ans durant laquelle les vendeurs de livres numériques seront libres de fixer eux-mêmes leurs prix, avec des réductions plafonnées à 30 % de ceux suggérés par les éditeurs. Le cas pourrait faire école en Europe, puisque la Commission européenne poursuit depuis avril une procédure sur les mêmes motifs, qui vise Apple et cinq éditeurs (dont ceux cités plus haut). Une victoire pour Amazon, qui, avec son projet de nouvelle tablette low-cost financée en partie par la pub, entend bien ne pas en rester là.

D’encre et de livres, il est aussi question à l’heure de la rentrée scolaire. Certains voudraient les voir remplacés par leur substitut électronique et ultraplat : plus légère, à la pointe, permettant de réduire les coûts liés à l’achat de manuels classiques, la tablette ne manque pas d’avantages. Mais peut-on pour autant imposer à nos chérubins de se munir d’un iPad, comme c’est déjà le cas dans deux écoles de Blankenberge ? Non seulement se pose la question du prix d’achat, mais en outre, celle, plus philosophique, de l’intrusion massive de la technologie dans l’apprentissage et la communication interpersonnelle.

Avec des effets tant au niveau global que local, la belle tablette reflète en tout cas la singularité du progrès, qui, toujours, en fait avancer certains et reculer d’autres. Tant que le résultat final comporte plus de création de valeur que de destruction, il y a lieu d’y croire, dans le progrès. En gardant un oeil avisé dans le rétroviseur, et sans s’interdire de faire marche arrière.

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