La valise s’envole

L'an dernier, l'aéroport national a traité 9 millions de bagages. © Rinowa

” Valise : bagage de forme rectangulaire, fait pour être porté à la main. ” La définition très sobre, donnée habituellement par les dictionnaires, passe sous silence l’entrée de cet objet usuel dans l’ère numérique. RIMOWA, le fabricant allemand de valises de luxe, présente les premiers modèles équipés d’une étiquette électronique.

La première Rimowa produite par Paul Morszeck en 1898 était une malle en bois. L’apparition du tourisme au début du 20e siècle a inspiré à Richard Morszeck, son fils, une foule d’innovations, dont la première malle en aluminium en 1937 (le fils du fondateur a forgé le nom de la marque à partir de son propre nom, Richard Morszeck Warenzeichen, omettant de rendre hommage à son père). En 1950, les rainures emblématiques imprimées dans l’aluminium créent la légende. La jet-set s’enthousiasme pour cette valise cannelée – et c’est toujours le cas aujourd’hui. Lily Allen, Kim Wilde, Franz Ferdinand, Cameron Diaz, Aaron Paul, Sandra Bullock, Alice Cooper ou Gwyneth Paltrow – tout comme l’équipe de foot nationale allemande au grand complet – aiment s’afficher une Rimowa à la main.

SIMPLE COMME UNE CONNEXION

Porter sa valise et faire la queue au comptoir d’enregistre– ment à l’aéroport représente une corvée que Rimowa entend désormais épargner au voyageur grâce au lancement de son étiquette électronique pour bagage. Sven Lepschy, responsable de projet chez Rimowa : ” La valise comprend un affichage spécial ayant exactement les mêmes dimensions qu’une étiquette conventionnelle – un format prescrit par l’AITA, Association internationale du transport aérien. Si, depuis plusieurs années, les passagers s’enregistrent eux-mêmes, ils ne pouvaient faire de même pour leurs bagages. Cette nouvelle “valise intelligente” leur permet de le faire de chez eux au moyen de leur smartphone, et ce, en quelques clics. Le voyageur doit d’abord s’enregistrer sur son vol via l’appli de la compagnie aérienne, puis établir une connexion par Bluetooth entre son téléphone et l’étiquette électronique intégrée à sa valise et, pour terminer, envoyer l’étiquette numérique à la valise – elle s’affiche alors automatiquement en encre numérique. La valise est enregistrée et prête à être déposée à l’un des comptoirs d’enregistrement semi- ou entièrement automatiques de l’aéroport “. Mais comment empêcher le ” détournement ” électronique d’une valise ? ” L’affichage ne peut se commander que de l’intérieur de celle-ci. Il ne peut donc être trafiqué, au contraire des étiquettes en papier. “

On établit une connexion par Bluetooth et l’on envoie l’étiquette éléctronique vers la valise où elle s’affiche automatiquement en encre numérique.

La Lufthansa est la première grande compagnie aérienne à utiliser l’étiquette électronique de Rimowa – pour l’instant uniquement en Allemagne. United Airlines envisage de l’adopter également et effectue actuellement tous les essais nécessaires.

UN PARCOURS DE DIX MINUTES

Qu’il soit muni d’une étiquette numérique ou analogique, chaque bagage effectue, après l’enregistrement, le même parcours complexe avant de prendre place dans la soute de l’avion. Nathalie Van Impe, Head of Corporate Communications à l’aéroport de Bruxelles : ” Cela suppose une logistique de pointe, mais tant que tout se passe bien, le voyageur ne se rend compte de rien “.

Ce parcours débute au comptoir d’enregistrement ou au point de dépôt. ” Dès qu’ils sont enregistrés, tous les bagages se retrouvent dans une base de données mondiale. L’étiquette représente en fait la carte d’identité unique de la valise. Règle d’or pour le passager : il doit veiller à ce que son bagage puisse lui parvenir même sans cette étiquette, en y accrochant donc une carte avec ses coordonnées. Une valise totalement inidentifiable est irrémédiablement perdue. Après l’enregistrement, le ba- gage est acheminé, à une vitesse de trois kilomètres par heure, vers le système de tri – un impressionnant carrousel. Mais chaque valise est passée préalablement aux rayons X pour détecter la présence éventuelle d’explosifs ou de produits ou objets interdits : liquides facilement inflammables, matières toxiques, acides, produits contaminés, matériaux radioactifs… Le contrôle est à la fois humain et informatique. Les bagages sont radiographiés un à un dans une machine dont les images sont scrutées par des agents spécialisés. Si tout est en ordre, la valise poursuit son chemin. Une étiquette supplémentaire est apposée de manière à ce que chaque bagage puisse être scanné rapidement et acheminé vers l’avion correspondant. Du comptoir au tarmac, le trajet prend une dizaine de minutes. A l’aéroport de Bruxelles, deux entreprises se chargent de trier et de transporter tous les bagages : Swissport et Aviapartner. “

DES VALISES PAR MILLIONS

Les bagages passant par Zaventem se comptent par millions. Nathalie Van Impe : ” L’an dernier, nous avons atteint les neuf millions de pièces. Sept millions de bagages sont partis de Zaventem, les deux millions restants étant des valises en transit transbordées d’un avion à un autre. Le nombre de bagages à contrôler et à transporter est étroitement lié aux périodes de vacances. En mars, nous en sommes à environ 15.000 par jour ; en été, ce chiffre grimpe jusqu’à 40.000. Les voyageurs d’affaires n’emportent souvent qu’un bagage à main “.

Neuf millions de bagages dont certains recèlent un contenu parfois bien étrange. ” Nous voyons passer ici des valises pleines de pots de peinture. Ou de déodorants. Ou encore de vibromasseurs. Parfois, elles contiennent des poissons malodorants ou des morceaux de viande d’animaux sauvages tropicaux. Dans ce dernier cas, il faut se montrer vigilant lorsque sévit une épidémie d’Ebola, afin de ne pas introduire le virus à bord. “

Des valises pleines de pots de peinture. Ou de déodorants. Ou encore de vibromasseurs. Parfois aussi de morceaux de viande d’animaux sauvages.

Parmi ces millions de valises, certaines n’arrivent pas à destination ou seulement plus tard. ” La moyenne internationale est de 6,5 pièces sur 1.000 qui ne retrouvent pas leurs propriétaires à l’aéroport de destination finale. Brussels Airport se situe dans la moyenne. Le problème se pose dans 45 % des cas au niveau des bagages en transit ; dans 19 % des cas, le bagage n’a pas été embarqué à temps car il a été enregistré trop tard ; 8 % sont dus aux restrictions de poids imposées par les compagnies aériennes, certaines pièces étant refusées à bord. Il y a aussi les erreurs d’enregistrement (4 %) et d’embarquement (4 %), ou encore les mesures de sécurité, par exemple, pour des bagages qui fuient. Un bagage sur un million se perd ou est détruit pour des raisons de sécurité. “

OBSTACLES OPÉRATIONNELS

La valise intelligente permet au voyageur de l'enregistrer lui-même, de chez lui, via son smartphone.
La valise intelligente permet au voyageur de l’enregistrer lui-même, de chez lui, via son smartphone.© Rinowa

Reste à savoir si les étiquettes électroniques telles que celles de Rimowa peuvent déjà être lues à l’aéroport de Bruxelles. ” L’enregistrement en ligne et l’auto-enregistrement des passagers sont déjà entrés dans les moeurs. Qu’il en aille de même pour les bagages n’est plus qu’une question de temps. Les voyageurs ont le souhait d’imprimer eux-mêmes les étiquettes de leurs bagages, de les enregistrer à distance et, de plus en plus, d’effectuer leur traçage. C’est aussi notre objectif : faciliter le plus possible la vie du voyageur. Il faudra cependant lever encore quelques obstacles opérationnels. Prendre en compte les tapis roulants, chaque valise ayant un format et un poids différents. Et, pour pouvoir introduire l’étiquette électronique, il est important que l’ensemble des aéroports soient équipés de lecteurs numériques, au lieu de ceux à infrarouges qui, actuellement, scannent les codes-barres. En Europe, les compagnies aériennes et les aéroports devront se coordonner. Mais c’est tout à fait possible. ”

www.rimowa.com

TEXTE DIRK REMMERIE

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