Russie: les 5 défis économiques de Vladimir Poutine

. © M.Shemetov/Reuters

Pour son quatrième mandat, le président russe Vladimir Poutine est attendu au tournant en matière d’économie. Si la situation du pays s’est stabilisée après la récession de 2015-2016, les prévisions de croissance plafonnent à 1-2%, sous les objectifs fixés par le Kremlin.

Manque de main d’oeuvre

Si Vladimir Poutine a plusieurs fois évoqué la politique familiale pendant sa campagne, c’est que la question est cruciale. La Russie, qui compte actuellement 146,9 millions d’habitants, en a perdu plus de cinq millions depuis 1991, conséquence de la grave crise démographique qui a suivi la chute de l’URSS.

La génération née dans les premières années post-soviétiques, marquées par une baisse de natalité, arrive actuellement sur le marché du travail, risquant de causer des manques de main d’oeuvre qualifiée et de freiner la croissance.

Cette génération moins nombreuse arrive aussi en âge d’avoir des enfants, d’où par ricochet une nouvelle chute de mortalité en 2017.

“Nous aurons moins de jeunes au cours des 10 à 15 prochaines années. Par conséquent, un jeune spécialiste avec de nouvelles compétences — relationnelles et techniques, notamment la programmation informatique — vaudra de l’or”, a mis en garde récemment l’ex-ministre des Finances libéral Alexeï Koudrine.

Retraites en bout de course

L’âge de la retraite en Russie – 55 ans pour les femmes et 60 pour les hommes – est parmi les plus bas du monde. Vu le déclin démographique, le système des retraites, pourtant très faibles, représente un poids croissant pour le budget fédéral.

Vladimir Poutine a reconnu plusieurs fois qu’une réforme serait nécessaire mais a pour l’instant toujours jugé que le moment n’était pas venu.

Si les libéraux comme Alexeï Koudrine prônent une augmentation graduelle de l’âge de départ à 63 ans, toucher à cet acquis social de l’époque soviétique pourrait s’avérer impopulaire dans un pays où les ombreux retraités ont souvent du mal à subvenir à leurs besoins avec leurs maigres pensions.

Dans un geste pour une classe de population qui a particulièrement souffert de l’envolée des prix de ces dernières années, le Kremlin a annoncé vendredi préparer des mesures pour permette aux retraites d’augmenter plus vite que l’inflation.

Attirer les investissements

Pour surmonter les freins internes, Vladimir Poutine fait régulièrement les yeux doux aux investisseurs étrangers lors de conférences économiques, leur promettant d’améliorer un climat des affaires miné par la bureaucratie mais aussi selon son propre constat par des poursuites judiciaires parfois injustifiées.

Selon Chris Weafer, fondateur de la société de conseil Macro Advisory, “la Russie doit attirer davantage d’investissements étrangers. Elle doit créer un environnement concurrentiel favorable (rouble faible, baisse des taxes pour l’industrie et incitations à l’investissement) et réduire la bureaucratie”.

Selon l’analyste, “le besoin d’investissements étrangers est également la raison pour laquelle le Kremlin n’a pas riposté aux récentes sanctions américaines, il ne veut pas rendre plus difficile pour les investisseurs étrangers de venir en Russie”.

Vendredi, le Kremlin a également indiqué avoir chargé le Premier ministre Dmitri Medvedev et la présidente de la banque centrale Elvira Nabioullina d’élaborer d’ici au 15 juillet un “plan d’action” pour renforcer nettement la part des investissements dans une économie encore dépendante aux hydrocarbures.

Si en 2017, les investissements ont augmenté de 4,4% selon l’agence de statistiques Rosstat, cette hausse a été notamment portée par de grands projets temporaires comme le pont en construction vers la Crimée ou la Coupe du Monde de football.

Se diversifier

Malgré les promesses récurrentes du pouvoir, rien n’y fait. La Russie, riche de réserves gigantesques d’hydrocarbures, reste soumise aux fluctuations de leurs prix, comme l’a montré la crise de 2015-2016. “C’est clairement négatif pour les perspectives de croissance”, selon la banque Alfa.

Pour se défaire de cette dépendance, Chris Weafer suggère de miser sur entrepreneuriat et les petites entreprises en rendant les crédits “plus abordables et facilement accessibles”. Il incite également à investir dans la robotique, les technologies “intelligentes” et l’intelligence artificielle.

Lev Jakobson, professeur à la Haute école d’Economie de Moscou, cite de son côté comme piste à suivre l’exemple de “la croissance impressionnante de la productivité du secteur agricole”, qui bat des records de récoltes et d’exportations ces dernières années.

Augmenter la productivité

“L’économie est très inefficace. C’est dû à l’héritage du système soviétique et à la croissance facile provenant de la richesse pétrolière dans les années 2000-2013”, estime Chris Weafer. “Il y a beaucoup d’inefficacités dans le système qui, si elles sont corrigées, pourraient conduire à une forte croissance”.

Il cite l’exemple du secteur pétrolier qui, contraint par la crise, a augmenté sa production quotidienne d’en moyenne 740.000 barils par jour entre août 2014 et novembre 2016: “L’industrie a été obligée de devenir plus efficace et innovante”.

Pour moderniser les grandes entreprises, le gouvernement a lancé plusieurs plans de privatisation mais la part de l’Etat dans l’économie a encore été renforcée ces dernières années par un capitalisme d’Etat triomphant qui a vu notamment le pétrolier Rosneft grossir considérablement.

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