Rendre les réparations d’appareils 100% déductibles
Depuis ce 1er janvier 2017, la Suède diminue la TVA sur les réparations des chaussures, des vélos et des vêtements de 25 à 12%. Et pour rendre le choix de la réparation encore plus attrayant, les frais réalisés pour la remise en état des appareils deviennent fiscalement déductibles.
Grâce à cette mesure originale, le gouvernement suédois, une coalition de socio-démocrates et de verts, a déclaré la guerre à la société du jetable.
Réparer ou bien jeter et acheter du neuf ? En Belgique aussi, les consommateurs se trouvent souvent devant ce dilemme. Un exemple concret: un ordinateur portable vieux de 26 mois et d’une valeur de 999 euros tombe, la carte son est détruite. Pas de chance, d’autant plus que cela arrive précisément deux mois après l’échéance de la garantie obligatoire légale. Réparer ? Parfaitement possible, dit le service clientèle, mais vous devez dans ce cas remplacer toute la carte mère. Coût évalué à un petit 500 euros, main-d’oeuvre et TVA incluses. Mais cela en vaut-il bien la peine ? Après tout, ce laptop a déjà deux ans.
Avant, on achetait une machine à laver pour la vie, aujourd’hui les appareils cassent beaucoup trop vite
Remplacez l’ordinateur portable de l’exemple ci-dessus par n’importe quel appareil au hasard. Lave-vaisselle, smartphone, aspirateur, machine à expresso, foreuse. Petits ou grands, les appareils électriques ont la fâcheuse tendance à désormais rendre l’âme plutôt tôt que tard. C’est bien étrange, si l’on considère que les voitures, des machines tout de même relativement complexes, fonctionnent justement plus longtemps et exigent moins d’entretien. Suspect aussi si l’on compare avec l’électroménager du temps de nos grands-parents, où une machine à lessiver était considérée comme un investissement pour la vie. Mauvaise volonté de la part des producteurs, soupçonnent les organisations de consommateurs, qui parlent de planned aging ou obsolescence programmée.
Test-Achats, qui a récemment lancé le point de contact Tropviteusé.be, mène la guerre contre ce phénomène depuis des années déjà. Des composants de moindre qualité, des bugs informatiques invalidants, des pièces détachées non disponibles – il existe toutes sortes de trucs pour arriver au même résultat. Réparer est soit techniquement impossible soit très onéreux. Remplacer par un nouvel appareil est le choix involontaire mais rationnel du consommateur moyen. En comprimant considérablement les frais de réparation, le gouvernement suédois espère modifier le comportement du consommateur.
Une idée originale qui mérite d’être suivie
Eva van Velzen du Netwerk Bewust Verbruiken (Réseau Consommer Conscient) se réjouit de l’initiative. En même temps, elle relativise le caractère innovant de celle-ci. “Rendre les frais de réparation déductibles est une idée originale qui mérite d’être suivie”, dit-elle. “Mais la réduction de TVA, nous la connaissons déjà depuis longtemps en Belgique. Le taux pour la réparation des chaussures, des vêtements et des vélos est même de 6% chez nous. Nous aimerions voir l’élargissement de ce taux à toutes les réparations, dont celles des appareils électriques encore soumises au taux de 21%.”
Le Netwerk Bewust Verbruiken regroupe une quarantaine d’organisations écologistes, de consommateurs et de développement et il coordonne les populaires Repair Cafés en Région flamande (son pendant francophone est le Réseau de Consommateurs Responsables). Ce concept vient des Pays-Bas à l’origine, mais il s’est désormais déployé partout dans le monde. En Flandre, il a été lancé en 2012.
Lorsque des bénévoles réparent des appareils, la réduction de la TVA ou la déductibilité fiscale des factures sont bien sûr superflues. De telles mesures boosteraient toutefois les services de réparation commerciaux, un secteur menacé d’extinction. La clé est politique. Ecolo Groen a introduit une proposition de loi en avril contre l’obsolescence programmée et pour la stimulation de l’économie circulaire. Elle comporte des mesures pour soutenir les producteurs ‘équitables’ de biens réparables. Les consommateurs doivent être mieux informés concernant la durabilité et la disponibilité des composants. Ecolo Groen désire aussi étendre la période de garantie obligatoire à cinq ans, une revendication très ancienne de Test-Achats. Pour l’instant, le texte prend la poussière à la Chambre, mais les esprits bougent. L’économie circulaire rassemble de plus en plus de partisans.
L’emploi est également bénéficiaire
Le consommateur épargne directement et indirectement. Réparer coûte moins cher qu’un nouvel achat et le consommateur est de plus incité à investir dans des produits réparables de qualité. Ces derniers sont plus chers à l’achat, mais à terme, ils s’avèrent moins chers que les produits bas de gamme qui doivent être remplacés pour un rien. Pour l’environnement, c’est une bénédiction. Non seulement on utilise moins de matières premières, mais la distribution est également réduite, ce qui entraîne une diminution du transport polluant. Pour donner une idée de grandeur : les Repair Cafés flamands réparent quelque 10.000 objets par an, ce qui entraîne une diminution d’émission de CO2 d’environ 50 tonnes. La réduction de la montagne de déchets est plus qu’un gentil effet secondaire. L’électroménager déclassé et les déchets électroniques sont souvent acheminés en Asie et en Afrique, où ils sont recyclés dans des conditions de travail déplorables et sans respect pour les normes environnementales.
“L’emploi est également bénéficiaire”, argumente Eva van Velzen. “Réparer crée des emplois dans l’économie locale. Mais vous devez regarder l’impact économique plus large. Il s’agit de transition, d’encourager des producteurs à prendre part à l’économie circulaire. Ils doivent investir en éco design. Les produits intelligents, modulaires et réparables représentent l’avenir.”
Erik Raspoet
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