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La triple occasion manquée de Charles Michel

Le pacte national d’investissements présenté le 31 mars par Charles Michel a toutes les apparences du pétard mouillé.

Quand vous annoncez l’injection de 30 milliards d’euros dans l’économie belge, quand vous préparez la réponse aux défis de la mobilité, de l’énergie et de la digitalisation, quand vous bâtissez un comité de pilotage composé de chefs d’entreprise réputés (dont les deux derniers Managers de l’Année désignés par Trends-Tendances), vous espérez marquer solidement l’agenda politico-médiatique. Or, l’annonce a fait un grand flop. Une triple occasion manquée.

Sur le plan institutionnel d’abord. Ce pacte devait être national, c’est-à-dire associant l’Etat fédéral et les Régions. Pour l’heure, il ne relève que du seul niveau fédéral, avec une vague porte entrouverte aux entités fédérées. Parlons dès lors plutôt de ” plan ” que de ” pacte “, notion qui implique la présence de partenaires pour le sceller. Dommage, car nous avions là potentiellement un magnifique chantier pour imprimer le rôle du gouvernement fédéral dans une Belgique quasi confédérale ; un rôle de coordination, d’huile dans les rouages, de renforcements mutuels ; un rôle qu’il était sans doute utile d’imprimer avant qu’il ne soit trop tard… On comprend les considérations politiciennes qui ont conduit à cette situation. Les majorités asymétriques du côté francophone n’avaient pas envie de se faire de cadeau et du côté flamand, le parti dominant n’a aucun intérêt à démontrer qu’une coordination fédérale peut fonctionner et apporter une plus-value à chacun.

Dommage, nous avions là potentiellement un magnifique chantier pour imprimer le rôle du gouvernement fédéral

Cela nous conduit à la deuxième occasion manquée, économique celle-ci. Ne pas intégrer les Régions aux réflexions initiales rend le dispositif bancal. Quand vous planchez sur les infrastructures stratégiques à long terme, il faut évidemment inclure les besoins et priorités régionales. Il y va de la cohérence des investissements à réaliser pour la transition énergétique, l’amélioration de la mobilité et la digitalisation de l’économie, pour reprendre les trois principaux thèmes avancés par Charles Michel et qui recouvrent largement des compétences régionales. Un ambitieux plan d’investissements qui ignorerait, par exemple, les besoins et les priorités des pôles de compétitivité du Plan Marshall wallon manquerait une partie de sa cible.

A l’inverse, une action bien concertée pourrait peut-être, rêvons un peu, dégager des pistes innovantes pour le redéploiement économique du pays. Mais là, on nous ressort toute une série de projets fédéraux -du remplacement des F16 aux parcs éoliens en passant par les 3 milliards que Proximus compte investir dans la fibre optique – sans réflexion plus large. Le nouvel emballage ” plan d’investissements ” ne suffira pas à leur octroyer tout leur potentiel, à générer un effet d’entraînement en misant sur la confiance en l’avenir. Dommage car la relance des investissements publics doit soutenir la croissance après des années d’austérité budgétaire et, surtout, adapter les infrastructures à une économie en mutation. Les pouvoirs publics belges investissent proportionnellement bien moins que les pays voisins et la moyenne européenne.

Enfin, il y a toujours la question du nerf de la guerre : comment financer tout cela, sans plomber les budgets ni faire exploser la dette ? Des discussions sont en cours avec la Commission européenne pour déterminer les conséquences comptables des investissements stratégiques. Notons que le Premier ministre a présenté ” l’activation de l’épargne ” comme premier mode de financement du plan. Cela passerait, par exemple, par des bons d’Etat dédicacés et aiderait à une vaste mobilisation autour de ce plan. Mais pour l’heure, cette question de l’activation de l’épargne est engluée dans le grand marchandage politique incluant la réforme de l’impôt des sociétés et la taxation des plus-values. Il y a décidément des blocages à tous les étages dans ce dossier vital des investissements publics.

Christophe De Caevel

Ne pas intégrer les Régions dès les réflexions initiales rend le dispositif bancal. Dommage.

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