“La corruption est devenue quasi culturelle en Grèce”

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La Grèce est l’un des pays qui souffre le plus de la corruption en Europe selon le rapport de Pierre Verluise, directeur de recherche à l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques). Interview.

La Grèce est l’un des pays qui souffre le plus de la corruption en Europe selon le rapport de Pierre Verluise, directeur de recherche à l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques). Interview.

La Grèce est avec la Roumanie et la Bulgarie le pays qui souffre le plus de la corruption en Europe selon l’indice API (Indice de perception de la corruption) mis en place par Transparency Internationnal. Certaines aides européennes ainsi que la situation géographique de la Grèce font partie des raisons du taux élevé de corruption. Un niveau ” proprement scandaleux “ selon Pierre Verluise, directeur de recherche à l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques) qui a publié un rapport sur la corruption des Etats dans l’Union européenne.

Où se situe la Grèce par rapport aux autres pays européens ?

Elle fait partie des trois pays les plus corrompus de l’Union européenne. Son indice est de 3,8, au niveau de la Roumanie et de la Bulgarie alors que la Grèce est dans l’UE depuis 29 ans et dans la zone euro. La Grèce est même au-dessus de la moyenne mondiale qui est à 5 (ndlr: moins l’indice est élevé, plus l’Etat est corrompu). C’est proprement scandaleux, surtout que le pays a largement bénéficié des fonds communautaires. Pour l’exemple, le parallèle avec l’Irlande est saisissant. La Grèce a reçu deux fois plus de fonds de soutien de Bruxelles que l’Irlande. Mais, avec les différences de gestion, vous avez d’un côté un pays qui s’est bien développé avec un indice à 8, et de l’autre la Grèce en crise avec un indice de corruption très élevé.

Pays Classement Indice APIDanemark19,3Irlande68Allemagne78Royaume-Uni97,7France116,9Espagne156,1Portugal165,8Pologne195Italie244,3Grèce273,8

Comment expliquer ce haut degré de corruption ?

L’aide communautaire a été pour partie détournée. Et il ne s’agit pas d’une dizaine de personnes mais d’une corruption au quotidien, qui se matérialise par une facilitation de l’accès à des services publics et à la santé notamment. Il y a un problème de société, de responsabilités individuelles et collectives. La corruption est devenue quasi culturelle en Grèce. Il faut également se pencher sur la communauté russe en Grèce qui augmente chaque année. Enfin, le facteur géographique joue probablement. L’étude montre que plus le pays est au nord, moins il est corrompu. Et plus il est à l’Ouest, moins il est corrompu. Vous imaginez, la Grèce est au Sud-Est de l’Europe…

La corruption a t-elle diminuée au fil des années ?

Elle a plutôt augmenté sur la période 2004-2009. L’indice API du pays s’est dégradé d’un demi point. Cela dit, rien n’est jamais perdu. Quand on voit un pays comme la Pologne qui a progressé d’un indice de 3,5 à 5 sur la même période, les Grecs peuvent être capables de relever le défi.

L’Union européenne est-elle exempte de tout reproche ?

Elle a sa part de responsabilité. Ce qu’on peut regretter, avec l’Europe, c’est que qu’elle n’ait pas mis l’épée dans les reins de la Grèce plus tôt. Elle a été très stricte avec la Grèce avant son entrée dans l’Union puis elle l’a laissée tranquille. C’est pour cette raison que l’Europe n’a pas fait la même erreur avec la Roumanie à qui elle a notamment passé des accords de surveillance. Mais aujourd’hui, en Grèce, la tentation est grande pour la rue, comme pour les politiques, de dire que les mesures imposées par le FMI et de l’Union européenne sont un scandale. Le pays aurait dû faire son travail et balayer devant sa porte bien avant d’en arriver là.

Propos recueillis par Ali Bekhtaoui
Trends.be, L’Expansion.com

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