Trends Tendances

“La classe moyenne en eaux troubles”

Depuis une dizaine d’années, les alarmes ne cessent de tinter dans nos pays pour signaler la fragilité grandissante de la classe moyenne, cet ensemble des personnes qui perçoivent un revenu compris entre 75% et 200% du ” revenu médian “. Dans notre pays, ce vaste groupe est ainsi constitué des personnes qui gagnent entre 17.500 et 44.000 euros par an.

Depuis près d’un siècle,faire partie de la classe moyenne est l’aspiration d’une très large partie de la population. Intégrer ce groupe signifie que l’on peut espérer jouir d’un niveau de vie correct, voire confortable et que l’on peut donner à ses enfants une éducation qui leur permettrait d’améliorer encore leur niveau de vie. Mais ces aspirations s’envolent.

Le secrétaire général de l’OCDE, le ” club des pays riches “, Angel Gurría vient de lancer un cri d’alarme : ” la classe moyenne ressemble de plus en plus à un bateau qui naviguerait en eaux troubles “, dit-il. Le lent effritement de cette population est en effet préoccupant.

Un rapport de l’OCDE montreen effet que les jeunes éprouvent plus de difficultés à intégrer cette classe sociale. ” Par le passé, 70% des personnes de la génération du baby-boom faisaient partie des ménages à revenu intermédiaire lorsqu’elles avaient une vingtaine d’années. Aujourd’hui, seuls 60% des jeunes de la génération Y en font partie “, constate l’OCDE.

Car la classe moyenne est prise en étau. D’une part, elle voit ses revenus stagner depuis une ou deux décennies, alors que les revenus des 10% les plus riches se sont envolés. D’autre part, elle est confrontée à la hausse des prix des biens et de services de base. Les prix de l’immobilier se sont envolés. Le coût des soins de santé s’est alourdi. Et pour essayer de préserver l’avenir de leurs enfants, les parents financent une course au diplôme très onéreuse.

Le malaise de la classe moyenne fragilise l’économie dans sa totalité et alimente la défiance à l’égard des institutions.

Certes, certains pays s’en sortentmieux, et c’est le cas du nôtre. Voici trois ans, l’Organisation internationale du travail (OIT) avait souligné la stabilité et la prospérité de la classe moyenne belge, qui avait pu éviter les gris écueils économiques surgis en 2008 ” grâce notamment à la sécurité sociale, au chômage partiel, à l’indexation des salaires “, dixit l’OIT.

Mais cela ne doit pas nous faireoublier qu’ailleurs, et surtout dans le centre et le sud de l’Europe, la réalité est plus dure. ” En moyenne, dans les 24 pays européens pour lesquels on dispose de données, un ménage à revenu intermédiaire sur deux déclare aujourd’hui avoir des difficultés à joindre les deux bouts “, s’alarment les experts de l’OCDE, qui invitent avec empressement les gouvernements à prendre le problème à bras-le-corps.

L’OCDE prône, pêle-mêle, des services publics de qualité, une meilleure protection sociale, des logements plus nombreux et plus abordables, et la mise en place de mesures destinées à réduire la charge des prêts hypothécaires ” pour permettre aux ménages asphyxiés de sortir la tête de l’eau “. L’organisation insiste aussi sur les efforts à faire en termes de formation, afin de lutter contre la généralisation des emplois précaires peu rémunérés. Et puis, au niveau fiscal, elle invite à fiscaliser davantage les revenus du capital et les successions, pour alléger la charge pesant sur les revenus du travail.

On aurait tort d’ignorerces mises en garde. La classe moyenne est le moteur de la consommation intérieure. Son malaise, non seulement, fragilise l’économie dans sa totalité mais il alimente aussi la défiance à l’égard des institutions. Et il incite finalement les électeurs à se tourner vers des mouvements extrêmes. La classe moyenne est le socle économique et politique sur lequel nous avons construit nos démocraties libérales. Il ne faudrait pas le laisser s’éroder.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content