L’inflation fera son grand retour en 2017!

Le redressement du marché pétrolier va relancer l'inflation. © REUTERS

Les banquiers centraux se démènent depuis des années, mais le mouvement est désormais résolument entamé : les étiquettes remontent. L’investisseur en obligations ressent le retour de l’inflation comme une “catastrophe”, alors qu’il n’en est pas toujours une.

Vous en êtes encore à craindre la déflation, ces baisses successives des prix qui désorganisent l’économie ? Oubliez : cette menace est de l’histoire ancienne. L’inflation fera son grand retour en 2017. Ce qui est une excellente nouvelle pour l’économie mondiale car si les prix remontent, les investissements des entreprises seront plus rapidement amortis et les ménages, moins tentés d’ajourner leurs achats.

Si les principales banques centrales visent une inflation proche de 2 %, mais pas au-delà, ce n’est pas sans raison : ce pourcentage doit suffire à inciter entreprises et ménages à ouvrir leur portefeuille, sans que l’argent ne perde trop rapidement de sa valeur. Un soupçon d’inflation est également excellent pour les emprunteurs fortement endettés, comme les pouvoirs publics. “Un peu d’inflation sera sans aucun doute une excellente chose pour l’Europe, où les dettes seront un peu plus supportables, approuve Koen Van De Maele, stratégiste chez Candriam. A condition que les taux ne s’emballent pas, évidemment.”

Pétrole

Le retour de l’inflation s’explique dans une large mesure par le redressement du marché pétrolier. Il y a deux semaines, les pays membres de l’Opep se sont entendus au sujet d’une limitation de la production : le cours caracole désormais au-delà de 50 dollars le baril. C’est toujours bien loin du plafond (115 dollars) atteint en 2014, mais mieux que les pauvres 36 dollars affichés en début d’année. En tout état de cause, une comparaison d’une année sur l’autre traduit bel et bien une accélération de l’inflation.

La disparition du spectre déflationniste, grand sujet de préoccupation des marchés financiers il y a un an à peine, prouve elle aussi que l’économie se redresse, bien qu’à un rythme modéré. Les responsables politiques du monde entier espèrent désormais pouvoir accélérer la reprise en misant sur les investissements – une stratégie susceptible de donner un petit coup de pouce supplémentaire à l’inflation. “Aux Etats-Unis particulièrement, où le chômage est déjà très faible, cette politique d’investissement pourrait en outre permettre de gonfler un peu les salaires”, estime Koen Van De Maele. Les hausses salariales sont le signe avant-coureur d’une remontée durable des prix – d’une véritable inflation, donc – , ce que les remontées des prix du pétrole, aux effets temporaires, ne sont pas.

Hyperinflation

Dans un monde où les prix étaient stables, voire en baisse, la Belgique et son inflation proche des 2 % visés constituaient une exception notable. Faut-il désormais craindre que les prix y soient entièrement hors de contrôle ce qui, du fait du système des indexations salariales, pèserait sur notre position concurrentielle, qui s’était justement améliorée ? Les risques sont limités. L’inflation dans le plat pays était dans une large mesure due à des initiatives arrêtées par le gouvernement, comme le relèvement de la TVA sur l’électricité, dont l’effet cessera lui aussi de transparaître dans les chiffres. De surcroît, l’augmentation des prix dans le reste de l’Europe demeure relativement limitée. “Les taux remontent, sans pour autant crever de plafond. Ce qui prouve que les attentes à l’égard de l’inflation n’ont pas démesurément augmenté”, constate Dirk Thiels, stratégiste en chef chez KBC Asset Management.

Nous n’avons donc aucune raison de craindre une hyperinflation dans l’immédiat. La Banque Nationale escompte une inflation de 1,8 % en Belgique. Si Dirk Thiels estime que l’augmentation du coût de la vie dans le monde restera sous contrôle, il craint par contre la montée des protectionnismes.

JASPER VEKEMAN

PISTES D’INVESTISSEMENTS

Si la reprise de l’inflation est une excellente nouvelle pour l’économie mondiale, elle l’est moins pour l’épargnant et l’investisseur. Selon les calculs de la banque américaine J.P. Morgan, l’inflation mondiale devrait s’établir à 2,4 % l’an prochain. En d’autres termes, 100 euros aujourd’hui vous permettront d’acheter en 2017 pour 97,6 euros seulement de produits ou services.

Et seul un produit d’investissement ou d’épargne offrant un rendement de 2,4 % permettra de préserver le pouvoir d’achat que représentent ces 100 euros.

Ce simple calcul suffit donc à comprendre pourquoi les investisseurs exigent depuis peu un rendement beaucoup plus élevé. Pour l’indice Bloomberg Barclays Global Aggregate, qui investit dans plus de 17.000 obligations d’entreprises et de pays éminemment solvables, le taux moyen a augmenté de plus de 50 %. A l’inverse, les cours obligataires se sont spectaculairement contractés. Dirk Thiels s’étonne de cette hyper-réaction du marché, “parce que l’on savait que les effets de l’effondrement des prix du pétrole allaient disparaître des chiffres d’inflation”, martèle-t-il.

HÉCATOMBE

“Pour les obligations, la reprise de l’inflation est une catastrophe, admet Dirk Thiels, qui ne s’attend toutefois pas à ce que les cours dégringolent pour longtemps. Les banques centrales conservent une politique accommodante, qui permettra d’éviter l’écrasement du marché.” Reste que l’investisseur fera bien d’éviter les titres de créance de longue durée, plus sensibles à l’inflation. Il peut pour ce faire opter pour un fonds qui investit en obligations à durée limitée.

Koen Van De Maele ne donne pas cher lui non plus des obligations en cas de retour de l’inflation. “Imaginons que les taux demeurent néanmoins relativement faibles : les rendements resteront plutôt limités”, prédit-il. Cela dit, il distingue des opportunités dans les pays émergents. “Les risques régionaux, comme l’élection de Donald Trump, la hausse du dollar ou la volatilité des matières premières, sont bien présents. Mais – et c’est là la grande différence – ils sont très correctement rémunérés.” L’investisseur optera pour un fonds activement géré composé de titres de créance des pays émergents, ou qui utilise un tracker pour éviter les frais élevés, comme le Vanguard Emerging Markets Government Bond ETF.

PROFITER DE L’INFLATION

L’investisseur soucieux d’éviter que ses rendements ne soient grignotés par l’inflation peut aussi opter pour des obligations indexées ou liées à l’inflation. Suivant l’évolution du coût de la vie, ces titres protègent le pouvoir d’achat. Ils prennent même de la valeur à mesure que l’inflation augmente. Certains fonds, comme l’Axa World Funds Universal Inflation Bonds ou le tracker iShares TIPS Bond ETF, sont spécialisés dans ce domaine.

Ceci étant, il n’est pas toujours nécessaire d’aller chercher si loin. Les actions disposent d’une protection automatique contre l’inflation, puisque les bénéfices augmentent en même temps que les prix. Mais est-ce toujours le cas ? “Ça l’est aussi longtemps que l’inflation n’entame pas la confiance et le pouvoir d’achat. Mais si les ménages décident de dépenser moins, ce sera une tout autre histoire”, prédit Koen Van De Maele.

Si l’inflation est portée par le redressement des prix des matières premières, investir dans ce secteur deviendra vite une évidence. Nombre de fonds dits multi asset intègrent un volet “matières premières”, lequel est toutefois généralement très limité. L’investisseur qui croit vraiment en la remontée des cours des matières premières peut envisager d’investir dans un tracker, comme le Powershares DB Commodity Index Tracking Fund, qui réplique les performances d’un panier de matières premières.

Si par contre l’inflation est plutôt le reflet d’une reprise de l’économie, investir dans des secteurs plus cycliques peut s’avérer intéressant. Citons, parmi les titres les plus cycliques de l’indice Bel 20, des entreprises comme Bekaert, Umicore ou Solvay. “La reprise s’accélère en Europe et aux Etats-Unis, mais il faudra bien qu’elle finisse par se traduire par une hausse des bénéfices des entreprises, rappelle Dirk Thiels. On attend beaucoup de 2017. Or, plus les valorisations sont élevées, plus les titres qui déçoivent seront pénalisés”, conclut-il.

Partner Content