Ivan Van de Cloot: “Le régime fiscal belge a été concocté par un génie sadique”

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Nous ne devrions pas minimiser les baisses de coûts salariaux que le gouvernement Michel met en oeuvre, estime l’économiste Ivan Van de Cloot. Mais on attend toujours, et ce depuis longtemps déjà, une grande réforme qui veillerait à une stabilité fiscale.

Le livre d’Ivan Van de Cloot au sujet du tax shift ne se trouvait pas sur la table lors des négociations au sujet du glissement fiscal. Le conclave à Val Duchesse n’a pas engendré de réforme fiscale profonde comme l’a préconisé l’économiste d’Itinera. Il redoutait l’adoption de solutions rapides et il a eu raison. Mais Van de Cloot se montre également positif. “L’essentiel est la baisse des lourdes charges sur le travail. Le gouvernement devait trouver les moyens financiers suffisants en compensation. Il y est parvenu pour un montant de plus de 7 milliards d’euros, ou 2% du produit intérieur brut (PIB). Cela ne doit pas être minimisé.”

On entendait souvent au cours des derniers mois qu’une hausse de la TVA pour compenser les charges sur le travail allait devenir l’ADN du tax shift. Mais il n’est finalement pas question d’une grande réforme de la TVA.

Ivan Van de Cloot: “La solution la plus facile lors d’une réforme fiscale, c’est la TVA. Et pourtant, il n’y a que la TVA sur l’électricité qui a été augmentée de 6 à 21%. Cette décision n’était en fait pas nécessaire car cette mesure arrivait à échéance fin de cette année.”

Que pensez-vous du mix des autres sources de financement: les accises plus élevées sur le diesel, le tabac et l’alcool ? Ne s’agit-il pas des vieilles méthodes classiques ?

Ivan Van de Cloot: “C’est triste que le gouvernement ait recours à de telles solutions pour combler les trous budgétaires. Il serait utile de vérifier si les tarifs répondent au but de ces taxes: l’influence du comportement de consommation. Pour le tabac, il est plus efficace d’augmenter le coût en une fois de manière drastique et d’ensuite stabiliser les prix pendant tout un temps. Actuellement, de petites mesures sont prises à chaque contrôle budgétaire.

Pouvez-vous alors tout de même qualifier le tax shift de révolutionnaire ?

Ivan Van de Cloot: “Le tax shift a l’avantage d’exister, mais il y a de la marge pour faire plus. Les coûts du travail restent incroyablement élevés. Il y a encore beaucoup trop d’anomalies et d’injustices, comme le revenu cadastral. Pour un logement de 200.000 euros, vous pouvez payer un revenu cadastral de 400 ou 2.400 euros. Ou prenez l’agenda de la simplification: quand est-ce qu’on va faire le ménage dans les nombreuses déductions fiscales ? Je dirais: liez à chaque déduction un ou plusieurs objectifs mesurables.

Beaucoup de ces déductions – comme le bonus logement et la TVA sur l’électricité – poursuivent un but, mais obtiennent en fait l’effet inverse. Vous ne pouvez changer cela qu’avec une vraie réforme fiscale, et pas avec ce tax shift. Un gouvernement devrait établir un calendrier et préciser dans quels délais il veut atteindre ces objectifs. L’adaptation du revenu cadastral prendra des années.”

D’autres pays ont-ils un régime fiscal plus efficient ?

Ivan Van de Cloot: “Certains pays font mieux, d’autres pas. Les moins bons sont la Grèce et l’Italie. Le régime fiscal belge a été concocté par un génie sadique. Comment est-ce possible qu’un impôt comme celui sur le travail continue à décourager les gens de se proposer sur le marché du travail ? Nous collectons les impôts de telle manière à ce que cela est extrêmement néfaste pour le développement de l’économie.”

Cet impact peut-il être calculé ?

Ivan Van de Cloot: “Il existe des normes pour cela. Les économistes appellent cela l'”excess cost” du régime fiscal. Quels sont les coûts en terme de bien-être pour 1 euro d’impôt à collecter ? Dans certains pays, cela mène à un prix en terme de bien-être de 1,5 euro. En Belgique, on arrive à 2,1 euros. Le système est donc néfaste pour le développement économique. Un tel coût élevé de la fiscalité n’est acceptable que si les revenus sont dépensés utilement. C’est le cas en Suède ou en Finlande, mais pas ici. Regardez par exemple la croissance sauvage des agences au niveau flamand. Le gouvernement peut tout de même faire quelque chose à cela ?”

Le gouvernement augmente le précompte mobilier sur certains produits d’épargne de 25 à 27%. L’uniformisation de la fiscalité sur l’épargne est toujours attendue.

Ivan Van de Cloot: “Le débat au sujet de la fiscalité sur la fortune est parfois d’un niveau d’école primaire. Il y a trop peu de pragmatisme dans la réflexion. J’entends des plaidoyers pour imposer la fortune et le travail de la même manière. Si le tarif réel de l’impôt sur la plus-value est de 0%, n’est-il tout de même pas insensé de vouloir l’imposer de suite à 50% comme pour le travail ? Le régime fiscal est comme un camion-citerne. Si vous faites tourner le volant de ce camion-citerne comme si vous rouliez avec des auto-tamponneuses à la foire, vous obtenez une catastrophe.”

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