Impôt sur la fortune : déjà en Belgique ?
Pour combler le trou de 25 milliards d’euros dans le budget, certains en appellent à nouveau à l’instauration d’un impôt sur la fortune. Selon la Banque nationale pourtant, les Belges paient déjà 14 milliards d’euros par an de prélèvements divers sur les transactions et revenus du capital.
Il n’existe pas de réel impôt sur la fortune en Belgique, où le fisc ne perçoit aucune taxe additionnelle sur le patrimoine total du contribuable. L’Etat ne dispose d’ailleurs d’aucun cadastre de la fortune de ses sujets. En lieu et place, le fisc prélève de nombreuses taxes sur les transferts d’actifs ou les rendements perçus, au point que la pression fiscale sur les capitaux fait partie des plus lourdes d’Europe.
Une étude menée par la Banque nationale de Belgique à partir des chiffres de l’OCDE révèle que les taxes sur le patrimoine rapportent la modique somme de 14 milliards d’euros par an au Trésor belge, soit 4,1 % du produit intérieur brut. Comme dans le reste de l’Europe, ces impôts représentent environ 10 % des recettes fiscales totales.
Pour permettre une comparaison internationale, sachez que ce montant inclut les précomptes mobiliers et immobiliers et les recettes des droits de succession, de donation et d’enregistrement, mais aussi les taxes sur le patrimoine versées par les sociétés. Dans les statistiques belges cependant, ces dernières sont comptabilisées à l’impôt des sociétés. Ce qui explique l’écart par rapport au tableau ci-dessous, qui n’arrive qu’à un total de 9,8 milliards d’euros.
Avec 4,1 % du PIB, la Belgique occupe le 4e rang au classement européen (pour une moyenne de 3,8 %). Seuls le Royaume-Uni, la France et Chypre imposent plus lourdement les patrimoines et leurs revenus. Selon la BNB, cette position peu envieuse est la conséquence du volume relativement important des actifs des particuliers dans notre pays, combiné au taux de certains prélèvements. En revanche, les revenus annuels du capital ne sont que modérément imposés. De plus, les plus-values ne sont quasiment pas taxées en Belgique, sauf en cas d’opérations spéculatives.
Il importe toutefois de replacer ces chiffres dans leur contexte. Aujourd’hui, les taxes indirectes et l’impôt des personnes physiques rapportent beaucoup plus à l’Etat belge, respectivement 40 milliards et 44 milliards d’euros. De même, la valeur totale des biens mobiliers et immobiliers augmente chaque année. Le montant total du patrimoine financier est passé de 873 milliards à 909 milliards d’euros en 2010, alors que la valeur du patrimoine immobilier progressait de 1.028 milliards à 1.075 milliards d’euros. Si l’on retranche les dettes (192 milliards d’euros), le solde s’établit à 1.792 milliards d’euros, soit 74 milliards d’euros de plus qu’en 2009. Le taux de prélèvement réel sur l’ensemble des actifs s’établit donc à 0,78 %.
Plusieurs systèmes d’imposition
La BNB conclut que l’Etat belge impose de manière très inégale les catégories d’actifs, en fonction des avantages fiscaux dont bénéficient les contribuables.
Ainsi, l’enquête révèle que l’action du fisc accroît de plus de moitié le rendement de l’épargne pension au lieu de le réduire. Et si le fisc impose lourdement l’habitation propre en termes bruts, le taux d’imposition net s’établit en deçà de la moyenne européenne grâce aux très généreuses possibilités de déduction des intérêts hypothécaires.
Le produit le plus lourdement taxé est le bon de caisse, dont plus de la moitié des revenus va garnir les caisses de l’Etat : le calcul du rendement ne tient en effet pas compte de l’inflation. Les actions obtiennent un meilleur score, puisque leurs plus-values sont exonérées d’impôt et que l’imposition des dividendes (15 % ou 25 %) est relativement faible par rapport à d’autres pays.
Tant en Belgique qu’à l’échelle européenne, les prélèvements sur les patrimoines représentent un peu moins de 10 % des recettes fiscales. Les prélèvements sur les revenus du capital des particuliers sont généralement inférieurs aux autres taxes sur le patrimoine. Dans notre pays, c’est clairement le cas : à peine 0,6 % du PIB, contre une moyenne européenne de 1 % du PIB. Les recettes proviennent principalement du précompte mobilier sur les intérêts et les dividendes. Ce précompte étant libératoire, les revenus ne doivent plus être mentionnés dans la déclaration à l’impôt des personnes physiques. Plusieurs pays ne connaissent pas ce système.
Concernant les prélèvements sur les intérêts des obligations publiques, le précompte mobilier libératoire de 15 % appliqué en Belgique est plutôt modéré par rapport aux autres pays. Seuls le Luxembourg, la Grèce et l’Italie appliquent un tarif encore plus favorable pour leurs résidents. Au Royaume-Uni et au Danemark, ces revenus sont imposés au taux marginal à l’impôt des personnes physiques, les taux d’imposition pouvant ainsi dépasser 50 %.
De plus, il n’existe en Belgique aucun prélèvement général sur les plus-values (hormis pour les transactions immobilières qualifiées de spéculatives et les sicav de capitalisation investies à plus de 40 % en obligations). La situation est identique aux Pays-Bas, au Luxembourg, en Lettonie, en République tchèque et à Chypre. En Autriche et au Portugal, les plus-values sur actions ne sont imposées que si elles sont réalisées dans un laps de temps donné. Dans la plupart des autres pays, le taux d’imposition sur les plus-values se rapproche du précompte mobilier appliqué aux dividendes. Cela rend le système d’imposition plus neutre vis-à-vis de la croissance du patrimoine.
Une approche unique de la fraude
Ces dernières années, de nombreux efforts ont été déployés pour combattre la fraude fiscale internationale, en particulier celle sur les revenus du patrimoine. La libre circulation des capitaux et le manque de coordination entre les pays ont en effet donné aux particuliers la possibilité de contourner les impôts sur les revenus du capital.
La lutte contre la fraude fiscale gagne elle aussi du terrain. Ainsi, les revenus du capital sont lentement mais sûrement inventoriés. De même, les Etats membres de l’Union procèdent à un échange d’informations financières sur les produits de l’épargne depuis 2003. L’Union veut à présent étendre ce système aux assurances placement (les produits de la branche 23 par exemple) et aux fiducies.
La BNB conclut qu’en proportion du PIB, les prélèvements réalisés sur le patrimoine et les revenus du patrimoine des particuliers sont relativement élevés en Belgique par rapport aux autres pays européens. En ce qui concerne le niveau des tarifs, la Banque centrale ne peut guère tirer de conclusions globales. Cependant, les auteurs de l’étude remarquent qu’en général, les revenus annuels du patrimoine sont modérément imposés dans notre pays. Les transactions sur les patrimoines, comme les achats d’habitation ou les héritages, sont plus lourdement taxées.
Enfin, les taux d’imposition effectifs sont répartis de manière très inégale entre les différentes formes d’actifs : certains sont lourdement subventionnés par le biais de déductions à l’impôt des personnes physiques, comme l’épargne pension, alors que les produits financiers assortis d’une échéance réduite, comme les bons de caisse, sont imposés plus lourdement.
Eric Pompen, MoneyTalk
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