Geens : BNP Paribas a droit à une seconde chance

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Bien qu’il soit en affaires courante, ministre des Finances Koen Geens a accepté de s’expliquer sur deux dossiers délicats ce jeudi, lors de la première réunion de la Commission des Finances que la Chambre tenait après les élections législatives. Celui d’Arco et celui de BNP.

Arco : une indemnité reste envisageable

Arco d’abord. La Commission européenne a estimé illégale la garantie dont bénéficient les coopérateurs d’Arco (qui ont vu leur patrimoine se désintégrer en même temps que Dexia). L’argument est qu’Arco a bénéficié, via cette garantie octroyée aux coopérateurs, d’une aide indirecte et illégale de l’Etat. Une aide qui doit être remboursée à l’Etat par Arco, à hauteur de 10% de la valeur de la société par année où la garantie a joué. Combien cela fait ? On l’ignore encore.
Mais Koen Geens conteste l’argumentaire européen. D’abord parce que Arco est en liquidation. La coopérative ne bénéficie donc pas d’un avantage qu’elle pourrait pousser dans ses activités en concurrence avec d’autres coopératives, puisque Arco n’a plus d’activité. En outre, la jurisprudence européenne concernant les aides illégales concerne les sociétés. Mais ici, la garantie était octroyée à des particuliers. Koen Geens ajoute que même si la garantie est annulée, le versement d’une indemnité aux coopérateurs d’Arco reste envisageable.
L’Etat a deux mois pour faire appel de la décision européenne. Le fera-t-il ? Cela doit encore visiblement être discuté.

BNP : une lenteur mortelle

Second dossier : BNP Paribas, dont l’Etat est actionnaire à hauteur de 10,3% et qui a été lourdement condamnée aux Etats-Unis pour avoir violé l’embargo américain imposé notamment au Soudan. Notre grand argentier révèle qu’il a rencontré le patron de BNP cette semaine, le mardi 15 juillet.
Avant de voir M. Bonnafé, Koen Geens avait écrit au management de BNPP pour lui exprimer sa grande préoccupation par rapport à la nature et à la gravité des faits au Soudan. Ce à quoi le patron de BNPP a répondu, lors de son entretien, que la banque n’avait financé que des activités pétrolières et gazières et qu’il n’y avait aucun lien avec le drame humanitaire et la guerre civile au Darfour ni avec Al Qaeda.

Une explication qui ne semble pas avoir convaincu tous les parlementaires présents. “Entre ce que dit M. Bonnafé et le rapport de la justice américaine, il y a d’évidentes contradictions”, réagit le député Ecolo George Gilkinet. Le rapport de la justice américaine souligne en effet que divers clients de BNPP Genève étaient des banques qui avaient un lien direct avec le régime soudanais.

Toujours selon les discussions entre Jean-Laurent Bonnafé et Koen Geens, il apparaît que le montant de l’amende (près de 9 milliards de dollars) s’explique surtout par le fait que BNP, déjà avertie en 2006 par les autorités américaines qu’elle violait l’embargo au Soudan, a mis 18 mois pour réagir. Une lenteur que Koen Geens qualifie de “mortelle”. La banque française a méconnu une première affaire, celle d’ABN Amro, qui avait été condamnée pour le même motif. Et comme BNP Paribas est un des grands acteurs dans la cour du dollar, la justice américaine a décidé de faire payer 1 dollar d’amende par dollar de transaction litigieuse. Et entre 2006 et la mi-2007, il y a eu 6,5 milliards de dollars d’opérations réalisées au Soudan.

Les régulateurs inquiets

Autre révélation de Koen Geens. La grande inquiétude des régulateurs. “Sur le continent européen, la politique américaine stricte a plongé à plusieurs reprises les régulateurs dans l’inquiétude. Je tiens, ajoute le ministre des Finances, à rappeler que toute l’attention européenne a été presque exclusivement monopolisée au cours du semestre passé sur les conséquences des lourdes sanctions américaines pour la solidité de notre système bancaire. Et cela aussi bien de la part des politiciens que des professionnels de la finance et des observateurs. Il y avait de sérieuses inquiétudes, notamment à la BCE, quant à une déstabilisation du système
financier.”

Enfin, sur la position des administrateurs, Koen Geens a rappelé les principes de base qui régissent la fonction. “Les deux administrateurs belges sont donc indépendants au sens du droit français, c’est-à-dire vis-à-vis de la direction exécutive de la société. Tous les administrateurs d’une société, indépendants ou non, doivent par ailleurs exercer leur mandat dans l’intérêt de la société, et non pas dans l’intérêt d’un actionnaire, ou dans l’intérêt du management.” Ces deux administrateurs ne pouvaient pas informer l’Etat actionnaire de l’évolution de la procédure judiciaire sans être passible de délit d’initié, ajoute Koen Geens.

“Les faits sont graves, tant dans leur portée que dans leur nature, poursuit-il. Ils ne peuvent pas se reproduire, et tout doit être mis en oeuvre pour que cela n’arrive plus. BNP s’est clairement excusée et travaille dur pour regagner la confiance qu’elle a perdue. Qui plaide coupable, paye, et s’amende, mérite une seconde chance.”

L’Etat n’a pas vocation à être banquier

Enfin, à la question : “l’Etat doit-il vendre sa participation en BNP ?”, Koen Geens n’a pas répondu directement. “Je n’ai aucun regret quant au fait que l’État belge a vendu Fortis en 2013, et non BNP, dit-il. Nous conservons indirectement notre influence sur la filiale belge, et nous avons vendu Fortis avec une plus-value que nous n’aurions pas été alors en mesure d’atteindre avec BNP, et que nous ne serons pas en mesure d’atteindre. En outre, nous disposions d’avis autorisés selon lesquels le potentiel de hausse du BNP était beaucoup plus élevé que celui de Fortis.”

Et le ministre des Finances ajoute : “BNP reste un bon investissement durable pour l’État belge, tant à la lumière du dividende auquel on peut s’attendre pour les prochaines années, qu’à la lumière de la valeur potentielle de l’action. En période d’affaires courantes, encore moins qu’à un autre moment, il n’est approprié de faire état sur la place publique des éventuelles intentions de l’actionnaire concernant une possible vente. Nous n’avons rien à y gagner en tant qu’actionnaire”. Mais un peu plus tard, Koen Geens ajoutera : “nous n’avons plus, en tant qu’Etat, de vocation de banquier”.

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